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MOBILISATION
Réforme des retraites : les avocats ne désarment pas
Manifestation d'avocats contre la réforme des retraites, à Paris le 3 février 2020 Photo Christophe ARCHAMBAULT. AFP
Vendredi soir, le Conseil national des barreaux, qui représente les 70 000 avocats français, a rejeté les propositions du gouvernement et voté à l’unanimité la poursuite du mouvement.
Entamé il y a un mois, le bras de fer entre l’exécutif et les avocats en grève contre la réforme des retraites, qu’ils perçoivent comme la mort annoncée des petits cabinets et une atteinte à l’accès au droit des justiciables, va donc se poursuivre. Après une rencontre mardi à Matignon entre Edouard Philippe et les instances représentatives de la profession, le gouvernement avait envoyé, mercredi soir, des propositions pour sortir de la crise. Un document de onze pages avec graphiques, présenté comme la voie vers l’apaisement. Dans la lettre qui l’accompagnait, la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, évoquait des «engagements […] qui garantiront la prise en compte de la situation spécifique dans le système universel des retraites». Autrement dit : le gouvernement n’entend pas renoncer à ce que les robes noires passent du régime autonome au régime universel, il martèle «sa détermination totale», mais propose quelques aménagements censés faciliter la transition.
Vendredi soir, le Conseil national des barreaux (CNB) – qui représente les 70 000 avocats français – a réuni une assemblée générale pour examiner ces propositions et décider des suites. Verdict : la poursuite du mouvement a été votée à l’unanimité, «selon les modalités (toutes formes de grève, manifestations, journées d’actions…) arrêtées par les barreaux». Depuis le 6 janvier, les avocats demandent des renvois d’audience, font des grèves du zèle, multiplient les demandes de mise en liberté. Face à cette fronde d’une ampleur inédite et la manifestation qui a vu défiler lundi près de 15 000 robes noires dans les rues de la capitale, le gouvernement avait proposé plusieurs mesures.
Régime de transition
Pour éviter une hausse «brutale» des cotisations (susceptibles de passer 14 à 28 % pour les avocats gagnant moins de 40 000 euros par an), il suggérait une piste déjà évoquée: celle d’un abattement de 30 % des prélèvements sociaux et de la CSG, jusqu’en 2029, qui serait inscrit dans la loi. Un amendement au projet de loi instituant un système universel de retraites a été déposé. «Ensuite, il y aura un régime de transition jusqu’en 2040 […], avec un lissage dans le temps qui peut même aller jusqu’en 2054», précisait Nicole Belloubet jeudi sur LCI. Le gouvernement s’est ainsi engagé à maintenir la Caisse nationale des barreaux français (CNBF), qui gère le régime de retraite des avocats et dont les réserves sont de 2 milliards d’euros. Celle-ci «restera l’interlocuteur de la profession» et pourrait éventuellement amortir la transition.
L’exécutif a proposé que la CNBF continue de mettre en œuvre les principes de redistribution qu’elle applique aujourd’hui : «Cela permettrait de ne pas augmenter les cotisations des cabinets les plus fragiles après 2029.» Autre possibilité : les cabinets les plus rentables pourraient maintenir leur effort de solidarité pour aider ceux à plus faibles revenus. Enfin, Nicole Belloubet a refait les calculs en soulignant que les pensions ne baisseront pas : «La pension d’un avocat percevant en moyenne 32 000 euros [par an] sur l’ensemble de sa carrière sera supérieure de 13 % à celle qu’il aurait perçue dans le régime autonome des avocats», a-t-elle affirmé.
«Provocation»
Sans parvenir à convaincre. Vendredi soir, la présidente du CNB, Christiane Féral-Schuhl, s’est indignée dans son discours : «Si un avocat avait écrit le courrier reçu le 5 février, il ne se serait pas contenté de dire que pour un type d’avocat, les pensions allaient augmenter de 13 %. Il aurait précisé que cet avocat, pour ce résultat, allait cotiser deux fois plus à la retraite.» Et d’ajouter: «L’omission, c’est de la provocation, la désinformation, c’est de la provocation.» Dans le communiqué publié sur Twitter dans la foulée de l’assemblée générale, le CNB critique un «système universel de retraite inéquitable dont le mode de financement n’est pas défini» et «réaffirme son opposition la plus ferme à cette réforme». Si la porte reste ouverte à de futures discussions avec le gouvernement, le mouvement de grève va, en attendant, se poursuivre dans l’ensemble des juridictions.
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