En matière de protection juridique, une idée reçue persiste : une lourde dépendance physique justifierait à elle seule le maintien ou la mise en place d'une curatelle. Cette conception, bien que répandue, est juridiquement inexacte. La loi et la jurisprudence récente nous rappellent un principe fondamental : la protection juridique ne doit être mise en place que si le handicap physique (corporel) place la personne dans l'impossibilité d'exprimer sa volonté.

Le principe : distinguer la dépendance de l'incapacité à exprimer 

L'un des critères légaux réside dans l'altération des facultés corporelles empêchant l'expression de la volonté c'est-à-dire l'incapacité, du fait d'une condition physique, à faire connaître ses choix. Une personne peut être entièrement dépendante pour les actes du quotidien tout en conservant une parfaite capacité à prendre des décisions.

L'importance de l'expertise médicale : l'exemple de Toulouse

Une décision rendue par la Cour d'Appel de Toulouse en 2021 offre un exemple concret. L'affaire concernait une femme atteinte d'une sclérose en plaques à un stade très avancé, la rendant entièrement dépendante. En raison de son état, elle était placée sous curatelle renforcée.

La Cour a ordonné une expertise médicale pour déterminer si, malgré un corps lourdement atteint, ses facultés intellectuelles étaient intactes. Les conclusions ont été déterminantes : aucune altération des facultés mentales n'a été constatée. La personne était tout à fait en mesure d'exprimer sa volonté, ce qu'elle a fait avec clarté lors de l'audience.

En conséquence, la Cour d'appel a jugé que les conditions légales n'étaient plus réunies et a ordonné la mainlevée de la curatelle, restituant à cette personne l'intégralité de ses droits.

Le principe confirmé par la plus haute juridiction

Ce raisonnement a été puissamment confirmé par la Cour de cassation dans une autre affaire. Une femme sous curatelle demandait la levée de sa mesure. La Cour d'appel avait refusé, arguant que pour communiquer (taper sur un clavier), elle dépendait de l'aide d'une autre personne pour installer son matériel.

La Cour de cassation a annulé cette décision en livrant un enseignement capital : le fait de nécessiter une assistance humaine ou technique pour pouvoir exprimer sa volonté ne signifie pas être incapable de l'exprimer. Dès lors que la personne, une fois aidée matériellement, peut faire connaître ses choix, on ne peut pas considérer que ses facultés sont altérées au sens de la loi.

Pourquoi chaque situation reste unique

Ces décisions sont des avancées majeures. Cependant, il ne faut pas croire que la solution est toujours aussi simple. Ces exemples, aussi puissants soient-ils, ne répondent pas à toutes les questions qui se posent en pratique :

  • Comment la capacité à exprimer sa volonté est-elle évaluée concrètement lors de l'expertise médicale ?

  • Quels arguments faire valoir si les avis des médecins divergent ?

  • Que se passe-t-il lorsque l'altération des facultés n'est pas constante, avec des périodes de lucidité et de confusion ?

  • Comment contester une mesure qui semble davantage motivée par des conflits familiaux que par l'intérêt réel de la personne ?

C'est là que l'analyse juridique personnalisée prend tout son sens. Appliquer ces grands principes à un dossier spécifique, avec ses propres faits, ses propres preuves et sa propre dynamique familiale, est le cœur du métier d'avocat.

Si vous ou l'un de vos proches vous interrogez sur la pertinence d'une mesure de protection, il est essentiel de faire évaluer la situation au regard des faits précis de votre dossier.


Claudia CANINI

Avocat - Droit des majeurs protégés

www.canini-avocat.com


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