L’article 116 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 a institué une taxe sur les exploitants de plateformes de mise en relation par voie électronique en vue de fournir certaines prestations de transport, affectée à l'Autorité des relations sociales des plateformes d'emploi, un nouvel établissement public national à caractère administratif ayant pour mission la régulation des relations sociales entre les plateformes et les travailleurs qui leur sont liés par un contrat commercial.

La taxe sera due lorsque l’opération de transport vendue par l’intermédiaire de la plateforme inclut le transport de passagers au moyen d'une voiture de transport avec chauffeur ou la livraison de marchandises au moyen de véhicules à deux ou trois roues, que le transport est réalisé par un travailleur indépendant et que l'exploitant de la plateforme détermine les caractéristiques et le prix de l'opération économique ou de l'opération de transport. Ne sont donc pas concernées les plateformes de réservation de taxis ou de motos-taxis. En revanche, le débat parlementaire a modifié la territorialité de la taxe, applicable désormais dès que le transport débute ou s’achève en France, là où le texte initial exigeait que la relation entre les plateformes et les travailleurs indépendants ressortissent au droit français ; il sera intéressant de se convaincre que le périmètre de la taxe et celui de l'Autorité des relations sociales des plateformes d'emploi se superposent effectivement, de peur que la taxe des uns ne finance les obligations sociales des autres.

La taxe, dont le taux sera fixé par arrêté dans la limite de 0,5 %, est assise sur la différence entre les montants perçus par la plateforme au cours de l'année civile et les montants versés par la plateforme à ses utilisateurs, au cours de la même année civile. Autrement dit, la taxe est assise sur le chiffre d’affaires net de la plateforme.

Enfin, le fait générateur et l’exigibilité de la taxe sont fixés au 31 décembre, ou à la date de cessation de la plateforme.

Si l’on en croit le rapport de la Commission des finances de l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2022, cette taxe devrait rapporter entre 1,5 M€ et 2 M€.

L’on pourrait ironiser à l’envi sur la création d’une nouvelle « petite taxe », lorsque d’année en année les gouvernements successifs s’efforcent, à grand mal, de supprimer les taxes à faible rendement. L’argument du rapporteur général, selon lequel « [il est souhaitable de] supprimer (...) un certain nombre de taxes affectées pour lesquelles il n’existe pas de lien entre l’origine de la taxe et la nature du service public qui reçoit son produit[, de sorte que cette] taxe affectée (...) n’est pas absurde [puisque] les plateformes vont payer pour alimenter le dialogue social dans leur propre branche », présente indéniablement toute la cohérence du jésuitisme, même si certaines suppressions récentes de taxes, telle celle de la taxe sur l'édition des ouvrages de librairie, dont les recettes étaient affectées, jusqu’à son abrogation au 1er janvier 2019, au Centre national du livre, en affaiblissent la véracité. Mais qui sait ? la création de cette nouvelle petite taxe en permettra peut-être la suppression d’ici quelques années !

Et l’on pourrait aussi s’étonner de la rédaction du III de cet article 116 de la loi de finances, qui prévoit certaines dispositions spécifiques à la taxe « exigible » au titre de l’année 2021. En effet, l’article 116 ne comportant aucune modalité d’entrée en vigueur, celle-ci doit être déterminée en fonction de l’article 2 de la loi de finances, qui prévoit que, sauf dispositions contraires, les « autres dispositions fiscales » (c’est-à-dire autres que celles portant sur l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés) sont applicables « à compter du 1er janvier 2022 ». L’exigibilité de la taxe ayant été fixée au 31 décembre (et non au 1er janvier avec une assiette déterminée en fonction des recettes de l’année précédente), il en résulte que l’exigibilité de la taxe due au titre de l’année 2021 est intervenue le 31 décembre 2021, à un moment où la taxe n’était pas en vigueur. Quelle est donc cette taxe exigible au titre de l’année 2021 ? mystère !

Ce qui n’a pas empêché la publication au Journal officiel du 17 mars 2022 d’un arrêté fixant le taux de cette taxe à 0,46 % - arrêté d’ailleurs signé au nom du ministre du budget par une sous-directrice de la direction du budget, dont la validité de la délégation en matière fiscale mériterait une analyse plus approfondie.

Il semblerait donc que l’on s’apprête à appliquer le texte qui aurait dû être voté plutôt que celui qui l’a été – étant noté qu’à la date de publication de ce commentaire, la taxe n’est toujours pas applicable, ses échéances déclaratives et liquidatives n’ayant toujours pas été définies.

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