Nous vous proposons de faire un point sur la jurisprudence rendue en matière de lanceurs d’alerte en 2022 et en 2023.
Les juges ont eu, maintes fois, l’occasion de se prononcer sur les conditions du régime protecteur des lanceurs d’alerte (I), mais aussi sur les effets de ce régime protecteur (II).
I. Conditions du régime protecteur des lanceurs d’alerte.
1) Refus de reconnaître le statut de lanceur d’alerte à un salarié protégé de mauvaise foi : CE, 4e – 1e chambres réunies, 8 décembre 2023, n°435266.
Un salarié exerçait le mandat de représentant syndical depuis avril 2014, lorsqu’il a été suspendu à titre conservatoire le 29 juillet 2014, pour avoir mis en cause dans plusieurs courriers, son ancien supérieur hiérarchique direct en l’accusant principalement de commettre un " délit d’abus de bien social " qui affecterait son service. Le salarié protégé a fait l’objet d’ une demande d’autorisation de licenciement présentée le 16 septembre 2014, à la suite d’un entretien préalable et de la consultation du conseil de discipline.
Par une décision du 17 novembre 2014, l’inspecteur du travail a refusé d’accorder l’autorisation de licencier le salarié pour faute.
Or, à la suite d’un recours exercé par l’employeur, la ministre du travail a annulé la décision de l’inspecteur du travail et a autorisé à cet effet, le licenciement du salarié sur le fondement du caractère fautif de ses déclarations.
Par conséquent, le salarié a saisi les juridictions administratives qui ont toutes rejeté ses demandes.
C’est pourquoi le salarié s’est pourvu en dernier lieu, devant le Conseil d’État, faisant grief aux précédentes décisions de valider la décision du ministre du travail.
Au regard de l’article L1232-3-3 du Code du travail selon lequel, « aucun salarié ne peut être (...) licencié (...) pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions. / En cas de litige relatif à l’application du premier alinéa, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu’elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles », le salarié protégé soutient que la ministre du travail aurait dû rechercher sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si les faits qu’il a dénoncés sont susceptibles de recevoir la qualification de crime ou de délit et s’il en a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et enfin, s’il peut être regardé comme ayant agi de bonne foi.
La question posée au Conseil d’Etat était la suivante : le salarié exerçant un mandat de représentant syndical, pouvait-il bien bénéficier du régime protecteur du lanceur d’alerte au vu des faits qu’il a dénoncés ?
Par le biais d’un contrôle factuel, le Conseil d’État répond par la négative, et rejette ainsi le pourvoi formé par le salarié.
En effet, selon le Conseil d’État, il ressort des courriers électroniques édictés par le salarié, que ses accusations sont d’une particulière gravité et sont formulées en des termes généraux et outranciers, sans même aucune précision.
De même, il est retenu que les accusations formulées par le salarié s’inscrivent dans le cadre d’une campagne plus large de dénigrement dirigée contre son ancien supérieur hiérarchique direct, et reposent sur de supposées pratiques illégales qui n’ont jamais été étayées par le moindre élément factuel.
Sur ce, le salarié ne peut donc être regardé comme ayant agi de bonne foi, et ne peut par conséquent, être défini comme un lanceur d’alerte au regard de l’article L1132-3-3 du Code du travail.
En conséquence, le Conseil d’État juge que le salarié, quand bien même est titulaire d’un mandat de représentant syndical, ne peut se prévaloir de la protection applicable aux lanceurs d’alerte prévues par les dispositions de l’article L1132-3-3 du Code du travail, la condition de la bonne foi n’étant pas remplie.
Il faut retenir de la solution de l’arrêt que pour bénéficier du régime protecteur de lanceur d’alerte, il ne suffit pas d’être un salarié protégé, mais il faut en plus qu’il agisse de bonne foi, c’est-à-dire qu’il corrobore les faits qu’il dénonce par des éléments factuels et que ses accusations ne soient pas formulées en des termes généraux et outranciers.
Source : CE, 4e – 1e chambres réunies, 8 décembre 2023, n°435266.
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https://www.village-justice.com/articles/lanceurs-alerte-panorama-jurisprudence-2022-2023,48737.html
Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
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