Suivant un arrêt du 19 juin 2024 (n°21-19.972), la Cour de cassation considère que le vendeur a l'obligation d'informer et de conseiller son client, non-professionnel, sur les caractéristiques des matériaux vendus et sur leurs conditions « prévisibles » de transport.
Une personne achète des planches de bois auprès d'un professionnel, la société Doineau bois et matériaux, qu'elle charge sur sa remorque avec l'aide d'un des salariés du magasin.
Aucune clause contractuelle dans le contrat de vente ne prévoyait que le vendeur pourrait aider son client à charger les planches.
Après avoir quitté les locaux du vendeur, le véhicule de l'acquéreur, sous l'effet du déport de la remorque dans une descente, heurte un véhicule arrivant en sens inverse ; les deux conducteurs décèdent.
Les héritiers et ayants-droits de l'acquéreur décédé assignent la société venderesse en responsabilité et en indemnisation, sur le fondement d'un manquement à son obligation de sécurité, d'information et de mise en garde.
Ils obtiennent gain de cause auprès de la Cour d'appel de RENNES.
Le vendeur se pourvoit en cassation, considérant que l’obligation générale de sécurité ne s’étend pas au chargement du produit, lequel est effectué sous la responsabilité de l’acheteur, devenu propriétaire et gardien de la chose achetée.
La Cour de cassation rejette le pourvoi du vendeur au motif que le consommateur, profane, n’avait pas été informé du poids total des planches, tant par le vendeur, que par le salarié qui a aidé au chargement et encore moins au moyen des factures, vierges de toute mention.
Aussi, la Cour de cassation considère que le vendeur a méconnu son obligation d’information et de conseil, « inhérente au contrat de vente, qui lui incombait au regard des caractéristiques de l’ensemble des matériaux vendus et des conditions raisonnablement prévisibles de leur transport par un non-professionnel ».
Autrement dit, l'obligation de sécurité du vendeur comprend le chargement du produit vendu, lorsque ce produit comprend des « conditions raisonnablement prévisibles » de transport pour un non-professionnel.
QUE RETENIR DE CETTE AFFAIRE ?
En premier lieu, l'obligation d'information et de conseil du vendeur s'étend aux conditions de transport qu'un profane pourrait raisonnablement prévoir.
Aussi, un vendeur doit signaler à son client les risques inhérents au transport de la chose, si un danger peut être prévu.
En second lieu, la Cour de cassation a statué à l'appui de :
- l'ancien article L. 221-1, alinéa 1er (devenu L. 421-3), du Code de la consommation, disposant que « les produits et services doivent, dans des conditions normales d’utilisation ou dans d’autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes »
- l'article 1147 (devenu 1231-1) du Code civil, selon lequel le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts à raison de l'inexécution d'une obligation contractuelle.
Cet arrêt n'est pas sans rappeler celui de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 20 septembre 2017 (16-19.109) : le client d’un supermarché avait trébuché sur un tapis antidérapant du rayon frais d'un magasin. Le client avait recherché la responsabilité de l’exploitant du magasin sur le fondement de l’ancien article L. 221-1 du Code de la consommation. La cour d’appel avait débouté le client de sa demande en dommages et intérêts, au motif que cet article n’instaurait aucun régime de responsabilité autonome, son objet se limitant à introduire les pouvoirs de contrôle accordés aux autorités publiques relativement à la santé et à la sécurité des produits. Or, la Cour de cassation en a décidé autrement, cassant l'arrêt d'appel pour violation de l’article L. 221-1 : «une entreprise de distribution est débitrice à l’égard de sa clientèle d’une obligation générale de sécurité de résultat ».
Ainsi, avec le présent arrêt commenté, il semblerait que la Cour de cassation ancre l'idée qu'une obligation générale de sécurité de résultat soit inhérente aux exploitants de magasin.
Autrement dit, la Cour de cassation semblerait ériger l'article L. 421-3 du Code de la consommation en un nouveau modèle de responsabilité professionnelle couvrant les dommages corporels. Cet article ne concerne donc plus seulement la responsabilité du fait des produits défectueux, mais aussi la responsabilité du fait des services défectueux au profit des clients de magasins.
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Me Grégory ROULAND - avocat au Barreau de PARIS
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