ARRÊT DE LA CJCE (Première Chambre,10 avril 2008 )

Droit des marques, appréciation du risque de confusion lors de l'imitation d'une marque renomée.

Les Faits:

La société Adidas AG est titulaire de marques figuratives constituées par trois bandes verticales parallèles, de largeur égale, qui sont apposées latéralement sur des vêtements de sport et de loisirs, et dont la couleur contraste avec la couleur principale de ces vêtements.

La société Adidas Benelux BV est titulaire d'une licence exclusive pour le Benelux accordée par adidas AG.

Les sociétés Marca Mode, C&A, H&M et Vendex sont des entreprises concurrentes qui commercialisent également des vêtements de sport et de loisirs sur lesquels figurent deux bandes parallèles dont la couleur contraste avec la couleur principale des vêtements.

La procédure

Adidas a introduit un recours devant les juridictions néerlandaises en faisant valoir son droit à interdire à tout tiers de faire usage d'un signe identique ou similaire qui engendrerait un risque de confusion.

Marca Mode e.a. prétendent au contraire qu'elles sont libres de faire figurer deux bandes à des fins décoratives sur des vêtements de sport et de loisirs.

Elles invoquent l'impératif de disponibilité (les bandes et les simples motifs à bandes seraient des signes qui doivent rester disponibles à tous) afin d'user du motif à deux bandes sans le consentement d'adidas.

Le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas), finalement saisi de l'affaire, s'interroge sur l'étendue de la protection de la marque en cause.

Les questions préjudicielles

C'est dans ces conditions que le Hoge Raad der Nederlanden a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Lors de l'appréciation de l'étendue de la protection d'une marque qui, quoiqu'elle consiste en un signe ne présentant pas intrinsèquement de caractère distinctif ou en une indication au sens de l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive [...], a acquis un caractère distinctif par l'usage ('inburgering') et a été enregistrée, convient-il de tenir compte de l'intérêt général à ne pas restreindre indûment la disponibilité de certains signes pour les autres opérateurs offrant les produits ou services concernés ('Freihaltebedürfnis')?

2) Si la première question appelle une réponse affirmative, est-il indifférent, à cet égard, que les signes en question, soumis à l'impératif de disponibilité, soient considérés par le public concerné comme des signes distinctifs de certains produits ou comme de simples ornements de ces produits?

3) Si la première question appelle une réponse affirmative, est-il également indifférent, à cet égard, que le signe contesté par le titulaire de la marque soit dépourvu de caractère distinctif au sens de l'article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive [...] ou qu'il comporte une désignation telle que visée à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive?»

Commentaire:

Selon la CURIA, dans son arrêt ADIDAS la Cour constate, dans un premier temps, que l'impératif de disponibilité de certains signes ne fait pas partie des facteurs pertinents pris en compte pour apprécier l'existence d'un risque de confusion.

En effet, la réponse à la question de savoir s'il existe un tel risque doit être basée sur la perception, par le public, des produits couverts par la marque du titulaire, d'une part, et des produits couverts par le signe utilisé par le tiers, d'autre part.

Le juge national doit vérifier si le consommateur moyen peut se méprendre sur l'origine des vêtements de sport et de loisirs sur lesquels sont apposés des motifs à bandes aux mêmes endroits et avec les mêmes caractéristiques que le motif à bandes d'adidas, à la différence près qu'ils sont composés de deux et non de trois bandes.

"35 En l'espèce, il conviendra donc d'apprécier si le consommateur moyen, lorsqu'il perçoit des vêtements de sport et de loisirs sur lesquels sont apposés des motifs à bandes aux mêmes endroits et avec les mêmes caractéristiques que le motif à bandes enregistré à la demande d'adidas, à la différence près qu'ils sont composés de deux et non de trois bandes, peut se méprendre sur l'origine de ce produit, en croyant que celui-ci est commercialisé par adidas AG, adidas Benelux BV ou une entreprise liée économiquement à celles-ci.

36 Ainsi qu'il ressort du dixième considérant de la directive, cette appréciation dépend non pas uniquement du degré de similitude entre la marque et le signe, mais également de la facilité avec laquelle le signe peut être associé à la marque eu égard, notamment, à la connaissance de cette dernière sur le marché. En effet, plus la marque est connue, plus grand sera le nombre d'opérateurs qui voudront utiliser des signes similaires. La présence sur le marché d'une grande quantité de produits couverts par des signes similaires pourrait porter atteinte à la marque en tant qu'elle risque de diminuer le caractère distinctif de la marque et de mettre en péril la fonction essentielle de celle-ci, qui est de garantir aux consommateurs la provenance des produits concernés. "

Dans un deuxième temps, la Cour se penche sur la protection spécifique accordée aux marques renommées.

Elle rappelle que la mise en oeuvre de cette protection n'exige pas l'existence d'un risque de confusion entre le signe et la marque.

Le simple fait que le public concerné établisse un lien entre les deux suffit.

L'impératif de disponibilité étant étranger tant à l'appréciation du degré de similitude entre la marque renommée et le signe utilisé par le tiers qu'au lien qui pourrait être fait par le public concerné entre ladite marque et ledit signe, il ne constitue pas un élément pertinent pour vérifier si l'usage du signe tire indûment profit de la renommée de la marque.

Enfin, la Cour précise que, même si le titulaire d'une marque ne peut pas interdire aux tiers l'usage honnête d'indications descriptives, l'impératif de disponibilité ne constitue en aucun cas une limitation autonome des effets de la marque.

Pour qu'un tiers puisse invoquer les limitations des effets d'une marque contenues dans la directive concernant les marques, et se prévaloir de l'impératif de disponibilité, il faut que l'indication qu'il utilise soit relative à l'une des caractéristiques du produit.

Or, le caractère purement décoratif du signe à deux bandes, invoqué par les sociétés en cause, ne fournit aucune indication relative à l'une des caractéristiques du produit.

Bien jugé, en france on aurrait dit que la marque ADIDAS est une marque notoire dont l'imitation pour des produits identiques crée un risque de confusion et ouvre à son titulaire un droit d'interdiction...

Mais l'harmonisation passe par de telles actions dans des pays qui n'accordent pas aux marques la m^me protection qu'en France.

La Hollande donne traditionellement priorité à la liberté du commerce...

Cette jurisprudence est de notre point de vue l'un des points nouveaux et extrêmes du mouvement pendulaire en faveur de l'effet du droit de marque.

Il est possible de s'interroger sur la portée des marques "renomées", des marques "notoires au sens de l'article 6 bis de la Convention d'Union de Paris au regard de la jurisprudence communautaire...

La distinction est fine.

A contrario, au refard de la jurisprudence commentée, il est possible de se demander si l'imitation d'une marque "ordinaire" jouirait d'un tel régime protecteur...