Airbnb : identification de la « destination » d’un local selon l’art. L. 631-7 du CCH

A propos de l’arrêt du Conseil d’Etat CE, 5/04/2019, Cne de Neuilly : req. n° 410.039

1°/ Régime textuel du changement d’usage :

Les règlement municipaux « anti-airbnb » émaillant le territoire des principales grandes villes françaises, imposent aux propriétaires d’identifier la « destination » de leur local afin de connaître leur aptitude juridique à le transformer en un local à destination « hébergement hôtelier et touristique », autrement dit en meublé de tourisme.

En effet, l’art. L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation (CCH) soumet à autorisation préalable « le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation ». Étant précisé par ce même article :

  • D’une part, que « constituent des locaux destinés à l’habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en locationdans les conditions de l’art. L. 632-1 ou dans le cadre d’un bail mobilité [créé par la loi ELAN n° 2018-1021 du 23/11/2018 et régi par le Titre Ier ter nouveau de la loi n° 89-462 du 6/07/1089, habitation » ;
  • D’autre part, qu’« un local est réputé àusage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970 ». Cette affectation « habitation » pouvant être établie « par tout mode de preuve »

Le dernier al. de l’art. L. 631-7 du CCH prévoit que « le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article ».

Quant à l’art. R. 151-29, en son al. 2, du Code de l’urbanisme, il affirme que « les locaux accessoires sont réputés avoir la même destination et sous-destination que le local principal ».

Le propriétaire qui peut justifier et prouver, qu’au 1er janvier 1970, son local avait une destination autre qu’« habitation », peut valablement prétendre l’exploiter en tant que meublé de tourisme. Et ce après en avoir obtenu le changement de destination en « hébergement hôtelier et touristique » auprès de l’autorité d’urbanisme.

2°/ « Grille » prétorienne du changement de destination d’un local « habitation » :

La jurisprudence du Conseil d’Etat établit les jalons suivants pour identifier la « destination » d’un local. Et ce, afin d’apprécier sa destination au 1erjanvier 1970 :

  • Une construction donnée est une « habitation » lorsque « par ses caractéristiques propres » elle doit être regardée « comme ayant été principalement destinée à l’habitation »

(CE, 26/07/2011, Cne de Maincy : req. n° 328.378) ;

  • « La circonstance que [cette] construction (…) n’aurait pas été occupée, même durant une longue période, n’est pas par elle-même de nature à changer de destination » habitation

(CE, 9/12/2011,M. Riou : req. n° 335.707) ;

  • Seule une autorisation d’urbanisme consacrant un « changement ultérieur de destination » fera perdre au bâtiment sa destination originaire « habitation »

(CE, 12/03/2012, Cne de Ramatuelle : req. n° 336.263)

3°/ Portée de l’arrêt du 5 avril 2019, Cne de Neuilly :

Monsieur B. est propriétaire d’un local sis en rez-de-chaussée à usage de remise et de garage ayant fait l’objet – en 1982 – d’un procès-verbal d’infraction établissant sa transformation, sans autorisation, en local commercial.

En 2011, le Maire de Neuilly informe Monsieur B. que son local est un garage annexe aux logements de l’immeuble, et que cette affectation ne saurait être modifiée.

Contrarié, Monsieur B. engage la responsabilité pour faute de la Commune. Il soutient et défend que son local est affecté à un usage commercial depuis 1963 et qu’il a été répertorié comme tel lors de la révision foncière de 1970.

LeConseil d’Etat annule l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Versailles qui avait fait droit aux demandes de Monsieur B. 

Dans un premier temps, la Haute juridiction administrative affine le sens de l’al. 3 de l’art. L. 631-7 du CCH :

Qu’« il résulte des termes de l’art. L. 631-7 du CCH qu’en l’absence d’autorisation de changement d’affectation ou de travaux postérieure, un local est réputé être à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er/01/1970, sans qu’il y ait lieu de rechercher si cet usage était fondé en droit à cette date. En revanche, ces dispositions n’ont ni pour objet ni pour effet d’attacher pareilles conséquences au constat, au 1er/01/1970, de l’affectation d’un local à un autre usage que l’habitation » 

Autrement dit, la constatation de l’occupation ou utilisation effective au 1erjanvier 1970 d’un local donné, pour en identifier la présomption d’usage au sens de l’art. L. 631-7, ne vaut que pour les locaux « habitation ». Le fait que le local de Monsieur B. ait pu être utilisé en tant que « commerce » à cette date, ne saurait valoir indice probant d’un usage autre qu’habitation.

Dans un second temps, conformément à sa jurisprudence, et tout particulièrement à son arrêt précité Commune de Ramatuelle du 12/03/2012, le Conseil d’Etat juge :

Qu’« en se fondant sur le seul constat de l’affectation d’un local à un autre usage que l’habitation au 1er/01/1970, et en écartant le moyen tiré de l’absence de régularisation de l’affectation sans autorisation à usage commercial de ce local initialement destiné à l’habitation, la Cour administrative d’appel a méconnu la portée des dispositions de l’art. L. 631-7 du CCH et entaché son arrêt d’erreur de droit ».

Autrement dit, dès lors que local garage annexe des logements de l’immeuble l’accueillant n’a pas fait l’objet d’un changement officiel de destination par décision de l’autorité d’urbanisme, ce local conserve la destination originaire du local principal dont il est l’accessoire. Soit, celle d’un local à destination « habitation ».

Le propriétaire de ce local ne peut donc espérer, par l’effet du règlement municipal contrôlant le changement d’usage, le gérer en « meublé de tourisme » ni même en local commercial ou professionnel.

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