Cass. com., 17 avr. 2019, n° 18-11.743, Publié au bulletin

 

LES CLÉS POUR COMPRENDRE ...

 

L’interdiction de gérer est une sanction professionnelle qui ne s’applique que dans le cadre d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Le Tribunal est saisi par le mandataire judiciaire, le liquidateur judiciaire ou le ministère public dans les trois ans du jugement prononçant l’ouverture de la procédure collective.

Cette sanction est prononcée pour une durée qui ne peut être supérieure à quinze ans et dans des cas limitativement énumérés par le Code de commerce.

Ce dernier prévoit, notamment, qu’est passible d’une interdiction de gérer le dirigeant qui a omis "sciemment" de demander l’ouverture d’une procédure collective dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, définie comme l’impossibilité de faire face au passif exigible avec l’actif disponible.

C’est dans ce cadre juridique que s’inscrit l’arrêt rendu le 17 avril 2019 par la Cour de cassation.

 

... LE SENS DE LA DÉCISION COMMENTÉE

 

- Par cette décision, la Haute juridiction a approuvé la cour d’appel d’avoir caractérisé le fait que le dirigeant ait omis sciemment de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal, en relevant « qu’à la date de la cessation des paiements, fixée par le jugement d’ouverture au 26 novembre 2007, la TVA due par la société EFI jusqu’au 31 décembre 2007 s’élevait à plus de 455 000 euros et qu’alors, la société n’avait pratiquement aucune trésorerie et les relevés bancaires montraient un solde débiteur constant, de sorte que M. E... ne pouvait ignorer la cessation des paiements de la société EFI, qu’il n’a pourtant déclarée que le 21 janvier 2009 ».

Ainsi, pour la Cour de cassation, lorsque la situation financière obérée de la société démontre objectivement que le dirigeant était forcément conscient de l’état de cessation des paiements, le caractère intentionnel de l’omission est établi.

La durée comprise entre la date de cessation des paiements retenue par le jugement d’ouverture et la date de la demande d’ouverture effectuée par le dirigeant, plus d’un an dans cette affaire, est un autre indice démontrant la mauvaise foi du dirigeant qui, en dépit de sa nécessaire conscience de la cessation des paiements, a retardé au maximum l’inéluctable.

 

- La Cour de cassation a par ailleurs jugé que « le tribunal qui prononce une mesure d’interdiction de gérer doit motiver sa décision, tant sur le principe que sur le quantum de la sanction, au regard de la gravité des fautes et de la situation personnelle de l’intéressé ».

En l’espèce, si le principe de la sanction a été justement motivé par la cour d’appel comme évoqué ci-dessus, il en va autrement s’agissant de son quantum, c’est-à-dire de la durée de l’interdiction de gérer prononcée ici pour cinq années.

L’affirmation selon laquelle cette durée est retenue « au regard des fautes commises » est insuffisante au regard de l’exigence de motivation, qui oblige les juges à expliciter de manière précise le choix de la durée de la peine, au vu du double critère de la gravité des fautes commises et de la situation personnelle du dirigeant.

 

- Pour prendre connaissance de cette décision :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000038488519&fastReqId=596991450&fastPos=1

 

- Pour consulter le site internet du cabinet ELAYA :

http://elaya-avocat.fr/