Dans une décision du 21 septembre 2023, qui aura les honneurs d'une publication au recueil Lebon, le Conseil d'Etat a rendu d'utiles précisions sur l'autorité de chose jugée en matière de contentieux des autorisations d'urbanisme (Conseil d'Etat, 21 septembre 2023, Société Alpes Constructions Contemporaines (A2C), n° 467076).
Les faits qui amènent cette décision sont complexes mais peuvent faire l'objet d'une rapide synthèse :
- Le maire de la commune de La Tronche a refusé, par un arrêté du 18 octobre 2016, de délivrer à la société Alpes Constructions Contemporaines (A2C) un permis de construire trois maisons individuelles, décision contestée devant le tribunal administratif par le pétitionnaire ;
- Le maire de la Tronche, par un arrêté du 6 août 2018, a retiré son arrêté du 18 octobre 2016 et a accordé à la société A2C le permis de construire demandé ;
- Sur saisine de voisins du projet, le tribunal administratif de Grenoble a, le 8 octobre 2020, par un premier jugement devenu définitif, annulé l'arrêté du 6 août 2018 ;
- Par un second jugement de la même date, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le recours de la société A2C contre le refus de permis de construire opposé par l'arrêté du 18 octobre 2016.
C'est dans ce contexte que la société A2C s'est pourvue en cassation à l'encontre de l'arrêt du 28 juin 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté son appel contre le second jugement du tribunal administratif de Grenoble du 8 octobre 2020.
Cette affaire a donc donné l'occasion au Conseil d'Etat de préciser l'autorité de chose jugée en droit de l'urbanisme.
Dans sa décision, le Conseil d'Etat a estimé que :
"L'autorité de chose jugée s'attachant au dispositif d'un jugement, devenu définitif, annulant un permis de construire ainsi qu'aux motifs qui en sont le support nécessaire fait obstacle à ce que, en l'absence de modification de la situation de droit ou de fait, le refus opposé antérieurement ou ultérieurement par l'autorité administrative à la demande d'un permis ayant le même objet soit annulé par le juge administratif dès lors que ce refus est fondé sur le même motif que celui ayant justifié l'annulation du permis de construire. Alors même que la légalité d'un refus de permis s'apprécie à la date à laquelle il a été pris, il appartient ainsi au juge de l'excès de pouvoir de prendre acte de l'autorité de la chose jugée s'attachant, d'une part, à l'annulation juridictionnelle devenue définitive du permis de construire ayant le même objet, délivré postérieurement à la décision de refus, et, d'autre part, aux motifs qui sont le support nécessaire de cette annulation."
Il faut notamment retenir de ce considérant de principe que :
- Le Conseil d'Etat rappelle que l'autorité de chose jugée s'attache au dispositif d'un jugement devenu définitif ainsi qu'aux motifs qui en sont le support nécessaire ;
- L'autorité de chose jugée fait obstacle à ce que, en l'absence de modification de la situation de droit ou de fait, le refus opposé antérieurement ou ultérieurement par l'autorité administrative à la demande d'un permis ayant le même objet soit annulé par le juge administratif dès lors que ce refus est fondé sur le même motif que celui ayant justifié l'annulation du permis de construire ;
Ce raisonnement doit se tenir alors même que la légalité d'un refus de permis s'apprécie théoriquement à la date à laquelle il a été pris.
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