Le Conseil d'Etat vient de rendre une décision importante concernant la multiplication des demandes devant le juge des référés. Si les demandes successives devant le premier juge sont acceptées, en revanche, les pourvois sont limités. 

Cette affaire, qui concerne une simple déclaration préalable de travaux, est rendue possible par la ténacité d'un requérant. 

La procédure est particulièrement longue : 
 

  • Le maire de Saint-Gervais-les-Bains a, par un arrêté du 3 mai 2021, pris une décision de non-opposition à la déclaration préalable effectuée le 22 décembre 2020 en vue de travaux portant sur la réhabilitation d'une ancienne ferme ; 

  • Le maire de Saint-Gervais-les-Bains a, par un arrêté du 31 août 2022, ordonné l'interruption des travaux sur le fondement de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme ;

  • Le bénéficiaire de l'autorisation d'urbanisme a saisi à trois reprises le juge des référés du tribunal administratif sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative les 29 septembre 2022, 23 novembre 2022 et 27 janvier 2023 de demandes tendant à la suspension de l'exécution de cet arrêté ; 

  • Toutes les demandes devant le juge des référés ont été rejetées, pour défaut d'urgence, par des ordonnances des 14 octobre 2022, 10 janvier et 1er mars 2023 ;

  • Un pourvoi a été exercé dans le cadre de la troisième ordonnance, celle en date du 1er mars 2023 ;

  • Postérieurement au pourvoi, une quatrième demande de suspension de l'arrêté litigieux a également été rejetée par une nouvelle ordonnance rendue le 28 avril 2023 par le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble.


Cette affaire a donné l'occasion au Conseil d'Etat de poser les règles en matière de multiplication des demandes devant le juge des référés.

Dans cette décision, le Conseil d'Etat rappelle d'abord le principe classique selon lequel les ordonnances par lesquelles le juge des référés fait usage de ses pouvoirs de juge de l'urgence sont exécutoires et, en vertu de l'autorité qui s'attache aux décisions de justice, obligatoires.

Toutefois, la portée des ordonnances du juge des référés est restreinte dans la mesure où, compte tenu de leur caractère provisoire, elles sont dépourvues de l'autorité de chose jugée.

Le Conseil d'Etat apporte ensuite des précisions concernant la multiplication des demandes en référé par le même requérant.

Sur ce point, il est admis qu'un requérant puisse saisir, sur une même affaire, le juge des référés à plusieurs reprises (Conseil d'Etat, 29 juin 2020, SCI Eaux Douces, n° 435502).

L'arrêt commenté précise que la circonstance que le juge des référés a rejeté une première demande de suspension présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne fait pas obstacle à ce que le même requérant saisisse ce juge d'une nouvelle demande ayant le même objet.

Il est précisé que le requérant peut soulever des moyens ou faire valoir des éléments nouveaux alors même qu'ils auraient pu être soumis au juge dès la première saisine.

Si le Conseil d'Etat accepte la succession des demandes ayant le même objet, une limite est néanmoins posée quant à la succession des pourvois.

En effet, dans son considérant de principe, qui vaut à la décision commentée une publication au recueil Lebon, le Conseil d'Etat précise que :

"Dans le cas où le demandeur, après le rejet d'une demande de suspension présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, fait usage de cette faculté en saisissant à nouveau le juge des référés de conclusions ayant le même objet et se pourvoit également en cassation contre la première ordonnance ayant rejeté sa demande, l'intervention, postérieurement à l'introduction de ce pourvoi, d'une nouvelle ordonnance rejetant la nouvelle demande rend, eu égard à la nature de la procédure de référé, sans objet les conclusions dirigées contre la première ordonnance, alors même que la seconde n'est pas devenue définitive".

En synthèse, l'intervention d'une nouvelle ordonnance du tribunal administratif rejetant la nouvelle demande rend sans objet les conclusions dirigées contre une ordonnance précédente. 

Dans le cas d'espèce, le Conseil d'Etat constate que, dans la mesure où le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a, par ordonnance, rejeté la nouvelle demande ayant le même objet, introduite sur le même fondement, prive d'objet le pourvoi formé contre la première ordonnance est privé d'objet. 

Devant des requérants très procéduriers, le Conseil d'Etat veut limiter son stock de dossiers.