La négociation doit être conduite de bonne foi, sous peine de dommages et intérêts

Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi (Code civil, article 1104). Plus précisémment s'agissant des négociations, l'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres, sous-réserve de satisfaire aux exigences de la bonne foi (Code civil, article 1112).

La rupture des négociations peut être fautive, et ouvrir droit à dommages et intérêts pour la partie lésée (Code civil, article 1112), en particulier les frais exposés pour la négociation (Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 26 novembre 2003, 00-10.243 00-10.949, Publié au bulletin).

 

Le contexte contractuel et les positions des parties concernant les conditions du bail commercial en négociation

En l’espèce, les parties négociaent en vue de l’établissement d’un bail commercial en succession du bail à construire devant expirer le 30 avril 2020. En suite du bail à construction, le locataire n'a pas le droit au renouvellement de son bail. 

Les parties avaient échangé par courrier, par l'intermédiaire de leurs conseils, avocats et notaires, et avancé des propositions divergentes, en particulier quand au montant du loyer (de l'ordre de 15% de différence), sur les garanties (le bailleur souhaitant des garanties importantes et le locataire les refusant) et sur la durée (le locataire souhaitant neuf ans, alors que le bailleur souhaitait dix ans).

 

Le juge analyse concrètement la manière dont les négociations ont été conduites et rompues 

Le locataire recherchait la responsabilité du bailleur pour rupture abusive des négociations devant le juge.

Analysant les courriers échangés, le juge va constater que la rupture des négociations en imputables au locataire (la société RISS CAR) alors que les conditions proposées par le bailleur n'étaient pas excessives, eu égard au différentiel très faible entre les parties, au caractère usuel des demandes du bailleur et à leur conformité au cadre juridique en tout état de cause. 

"Il ressort de ce qui précède que la rupture des négociations est à imputer à la société RISS CAR. En outre, il n’est pas démontré que les conditions contractuelles proposées par les bailleuses n’aient été excessives, alors que la négociation de prix a échoué sur un différentiel de 20%, que l’exigence d’une caution personnelle des associés est usuelle en matière de baux commerciaux et que le bail décennal ne contrevient pas aux dispositions de l’article L 145-4 du code de commerce."  (Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion, 27 août 2024, n°21/02192).

Le juge retient également qu'il n'est pas démontré par le locataire que des conditions plus favorables aient finalement été consenties par les bailleurs au locataire qui a finalement pris les locaux.

"S’il eut été opportun d’avoir à comparer les conditions offertes au repreneur effectif par les bailleuses, afin d’estimer plus avant la loyauté des négociations, force est de constater que le nouveau contrat de bail n’est pas produit aux débats, pas plus que la société RISS CAR n’a sommé les défenderesses d’avoir à le produire. En conséquence, la déloyauté des consorts [Z] dans la tenue des négociations précontractuelles n’est pas établie." (Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion, 27 août 2024, n°21/02192).

 

Le locataire, qui échoue à démontrer une faute dans la rupture des négociations, est en outre condamné à raison de ses popres fautes contractuelles en fin de bail

En l'espèce, la demande de dommages et intérêts du locataire en raison de la rupture brutale de la négociation du bail commercial prenant suite du bail à construction est écartée.

Au contraire, c'est le locataire qui est condamné en raison de la violation de son obligation d'entretien mais également des dégradations commises, telles que "retrait du portail de clôture de la parcelle, l’arrachage de l’ensemble d’arrivé électrique, la section et redirection du tuyau servant à l’alimentation en eau vers la parcelle voisine, la présence de res derelictae éparses, le retrait de rideaux roulants dans les garages et le mauvais état des locaux en général (peintures, trous de fixations aux murs, etc).

Le Code de la construction de l'habitation (article L251-2) et les clauses du bail faisaient obligation au locataire d'abandonner gratuitement les améliorations au bailleur et d'entretenir les constructions.

Le locataire ayant "violé ses engagements contractuels d’entretien et de transfert de propriété au bailleur des constructions édifiées par lui sur la parcelle", il doit être tenu pour "responsable des travaux de reprises rendus nécessaires par son inexécution", valorisés à 36.494,20 euros.

Le locataire, par son entêtement dans les négociations comme dans l'exécution des clauses du bail à construction à la fin de celui-ci a fortement aggravé sa situation.

Il est donc essentiel de clarifier les obligations contractuelles et de tenir compte des conditions de fin de contrat dans la définition d'une stratégie de négociation. Locataires et bailleurs ont tout intérêt à se faire accompagner par leurs conseils pour connaître parfaitement leurs droits et obligations, les conséquences de leurs décisions et choisir la bonne stratégie de négociation.

 

Le cabinet est à votre écoute pour vous accompagner :

  • Dans les négociations entre bailleurs et locataires, en fin de contrat comme en vue de la conclusion d'un nouveau bail ;
  • Dans la revue de titres d'occupation et de baux à droits réels tels les baux emphytéotiques ou à construction, et plus généralement dans la définition du montage juridique de votre opération afin de s'assurer de leur conformité et de leur efficacité au regard de l'évolution jurisprudentielle ;
  • Cartographier et mesurer les risques induits, ainsi que les mesures correctives à apporter s'agissant de contrat déjà conclus ;
  • Vous assister dans la résolution des litiges qui en découlent, le cas échéant.

Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

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