En 2011, X…, propriétaire de deux maisons d'habitation contiguës situées commune de Pibrac (31),  a confié la pose d'un enduit de façade à Y…, assuré pour sa responsabilité décennale auprès d’Areas Dommages. Les travaux ont fait l'objet d'une facture du 31 octobre 2011 pour un montant de 8 999,99 € TTC, qui a été intégralement réglé le 3 novembre 2011.

 

Ayant constaté l'apparition de fissures en 2012, X… a obtenu en référé la mise en œuvre d'une expertise, confiée à Z…, puis, au mois de juin 2014, a fait assigner Y… et la société Areas Dommages devant le tribunal de grande instance de Toulouse, pour obtenir l'indemnisation de ses préjudices.

 

Par jugement du 25 avril 2016, le tribunal, après avoir estimé dans ses motifs que les désordres présentaient un caractère décennal, a notamment condamné in solidum la société Areas Dommages et Y… à payer à X… la somme de  53 142,65 euros en réparation des désordres.

 

Par arrêt du 5 novembre 2018, la cour d'appel de Toulouse, statuant sur l'appel de la société Areas Dommages a confirmé le jugement en toutes ses dispositions, excepté sur le coût de reprise des désordres, l'infirmant de ce chef, a condamné la société Areas Dommages et Y… à payer à X… la somme de 52 792,76 euros TTC, déduction faite de la franchise contractuelle.

 

Par arrêt du 13 février 2020 (pourvoi nº 19-10249), la Cour de cassation, statuant sur un pourvoi formé par la société Areas Dommages, après avoir rappelé les termes de l'article 1792 du code civil, a indiqué qu'en application de ce texte, un enduit de façade, qui constitue un ouvrage lorsqu'il a une fonction d'étanchéité (3e Civ., 4 avril 2013, pourvoi nº 11-25.198, Bull. 2013, III, nº 45), ne constitue pas un élément d'équipement, même s'il a une fonction d'imperméabilisation, dès lors qu'il n'est pas destiné à fonctionner. La Cour a dit ensuite que « pour accueillir les demandes, l'arrêt retient que l'enduit litigieux, auquel sa composition confère un rôle d'imperméabilisation, constitue un élément d'équipement et est susceptible d'ouvrir droit à garantie décennale si le désordre trouvant son siège dans cet élément d'équipement a pour effet de rendre l'ouvrage, en son entier, impropre à sa destination, le caractère dissociable ou indissociable de l'élément d'équipement important peu à cet égard », mais qu' « en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».

 

En conséquence, la Cour a cassé l'arrêt du 5 novembre 2018 en toutes ses dispositions et a renvoyé

la cause et les parties devant la présente juridiction.

 

La cour d’appel relève qu’il ressort du rapport d'expertise judiciaire de Z… du 04 avril 2014 que l'enduit posé par Y… sur les deux immeubles appartenant à X… présente des désordres consistant en de multiples fissures.

 

Pour apprécier la responsabilité d'X… et la garantie de son assureur, il convient de déterminer si les travaux réalisés ont ou non constitué la construction d'un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil, étant précisé que dans son arrêt du 13 février 2020, la Cour de cassation a dit qu'un enduit de façade constituait un ouvrage lorsqu'il avait une fonction d'étanchéité.

 

En l'espèce, la facture établie le 31 octobre 2011 par Y… fait état de la « pose d'un enduit finition gratté ref : g20 ». Au cours de l'expertise judiciaire, X… a indiqué qu'il avait fait appel à Y… « pour des raisons esthétiques, et afin d'uniformiser les 2 bâtiments qui présentaient des salissures en façade » (page 6 du rapport d'expertise). Devant la présente cour, il soutient que même si l'enduit litigieux était décoratif, sa fiche technique démontre qu'il avait des propriétés hydrofuges et une fonction d'étanchéité certaine. Il en déduit qu'il peut être qualifié d'ouvrage.

 

La fiche technique du produit en cause (' G20 Blanc cassé Monorex GM ') décrit ledit produit en ces termes : ' Enduit monocouche grain moyen OC1 teinté dans la masse pour l'imperméabilisation et la décoration des parois verticales extérieures et intérieures en maçonnerie et béton '. Parmi ses caractéristiques, il est précisé : ' Propriété : Hydrofuge '. Dans le paragraphe consacré à sa mise en œuvre, l'usage est ainsi défini : ' Etanchéité à l'eau, Enduisage ' (pièce 7 d'X…).

 

Les dictionnaires définissent l'étanchéité comme l'aptitude d'une paroi ou d'une enveloppe à ne pas laisser passer les liquides, les gaz et les poussières. Au contraire, l'imperméabilisation a pour seule fonction d'interdire le passage de l'eau, mais non la migration de l'air ou de la vapeur d'eau à travers une paroi. L'expression d' « étanchéité à l'eau » correspond par suite à une imperméabilisation. Il apparaît dès lors que les propriétés hydrofuges de l'enduit litigieux sont limitées à une fonction d'imperméabilisation, comme indiqué dans le descriptif du produit, ou encore d'étanchéité à l'eau, comme spécifié à propos de son usage, mais ne correspondent pas à une fonction d'étanchéité. Il s'ensuit que la mise en œuvre de ce produit ne constitue pas la réalisation d'un ouvrage.

 

Dans l'arrêt cassé du 5 novembre 2018, la cour d'appel de Toulouse a justement estimé que les travaux de Y… ne constituaient pas un ouvrage (page 5, paragraphes 1 et 2 de la décision), mais elle a néanmoins retenu la responsabilité décennale de l'intéressé au motif que l'enduit litigieux, auquel sa composition conférait un rôle d'imperméabilisation et non pas purement esthétique, constituait un élément d'équipement (idem, paragraphe 3). Toutefois, la cassation est intervenue sur ce point, la Cour suprême ayant dit qu'un enduit de façade ' ne constitue pas un élément d'équipement, même s'il a une fonction d'imperméabilisation, dès lors qu'il n'est pas destiné à fonctionner '. Au demeurant, devant la présente cour, X… ne prétend plus que l'enduit en cause constitue un élément d'équipement, mais seulement un ouvrage. Cependant, tel n'est pas le cas, à défaut de fonction d'étanchéité, ainsi qu'il a été dit.

 

Il résulte de ce qui précède que les désordres affectant l'enduit n'engagent pas la responsabilité décennale de Y…, ni la garantie de la société Areas Dommages, qui n'assure que les conséquences de cette responsabilité. Il y a donc lieu de débouter X… de ses demandes dirigées, sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, contre Y… et la société Areas Dommages, étant souligné que l'intéressé n'a présenté, à l'encontre de Y…, aucune demande subsidiaire fondée sur l'éventuelle responsabilité contractuelle de celui-ci, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner cette question. Il conviendra également de débouter Y… de ses demandes dirigées contre son assureur.

 

 

Cour d'appel de Bordeaux, 2ème Chambre civile, Arrêt du 18 mars 2021, Répertoire général nº 20/01728