Il résulte des dispositions de l’article L. 1111-2 du Code de la Santé Publique que :


«  Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (…) »


Aux termes de l’alinéa 7 de cette même disposition, il est également admis que :


« En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article (…) ».


L’article L.1111-4 du Code de la Santé Publique dispose également que :


« Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé.
Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement. Le suivi du malade reste cependant assuré par le médecin, notamment son accompagnement palliatif.

Le médecin a l’obligation de respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité. Si, par sa volonté de refuser ou d’interrompre tout traitement, la personne met sa vie en danger, elle doit réitérer sa décision dans un délai raisonnable. Elle peut faire appel à un autre membre du corps médical. L’ensemble de la procédure est inscrit dans le dossier médical du patient. Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins palliatifs mentionnés à l’article L. 1110-10.

Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment.

Lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-6, ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté.

Lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, la limitation ou l’arrêt de traitement susceptible d’entraîner son décès ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale mentionnée à l’article L. 1110-5-1 et les directives anticipées ou, à défaut, sans que la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-6 ou, à défaut la famille ou les proches, aient été consultés. La décision motivée de limitation ou d’arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical.

Le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Dans le cas où le refus d’un traitement par la personne titulaire de l’autorité parentale ou par le tuteur risque d’entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeur sous tutelle, le médecin délivre les soins indispensables.

L’examen d’une personne malade dans le cadre d’un enseignement clinique requiert son consentement préalable. Les étudiants qui reçoivent cet enseignement doivent être au préalable informés de la nécessité de respecter les droits des malades énoncés au présent titre.

Les dispositions du présent article s’appliquent sans préjudice des dispositions particulières relatives au consentement de la personne pour certaines catégories de soins ou d’interventions ».


De tout ce qui précède, il en résulte que le patient doit nécessairement être associé à l’ensemble des décisions médicales qui le concernent, après la délivrance d’une information claire, loyale et adaptée.


Après avoir été valablement informé sur les différentes options thérapeutiques possibles et les risques associés, le patient doit librement consentir aux traitements mis en place ainsi qu’aux interventions chirurgicales envisagées.


Cette obligation trouve son fondement dans l’exigence du respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, et a, à ce titre été également consacrée aux articles 16 et suivants du Code Civil.


Dès lors, d’après une jurisprudence désormais constante, la réalisation d’une intervention chirurgicale à laquelle le patient n’a pas consenti, engage la responsabilité de l’établissement de santé.


À titre d’illustration, le Conseil d’État a pu réaffirmer le caractère impératif du consentement du patient dans un arrêt du 16 décembre 2016 : 


« Considérant qu'en dehors des cas d'urgence ou d'impossibilité de recueillir le consentement, la réalisation d'une intervention à laquelle le patient n'a pas consenti oblige l'établissement responsable à réparer tant le préjudice moral subi de ce fait par l'intéressé que, le cas échéant, toute conséquence dommageable de l'intervention » .


Aussi, le défaut de consentement d’un patient à une intervention chirurgicale engage la responsabilité de l’établissement de santé.


La Cour de cassation, quant à elle, a délimité l’étendue de l’information et du consentement éclairé en affirmant, que :


« Hormis les cas d’urgence, d’impossibilité ou de refus du patient d’être informé, un médecin est tenu de lui donner une information loyale, claire et appropriée sur les risques graves afférents aux investigations et soins proposés et n’est pas dispensé de cette obligation par le seul fait qu’un tel risque grave ne se réalise qu’exceptionnellement »  .


Aux termes d’un arrêt très remarqué en date du 3 juin 2010, la Cour de cassation a par ailleurs consacré un préjudice moral autonome lié au non-respect du devoir d’information du praticien. 


En effet, sur le fondement des articles 16, 16-3 alinéa 2, et 1382 (ancien) du Code civil, la Haute Juridiction a considéré que :


« Toute personne a le droit d’être informée, préalablement aux investigations, traitements ou actions de prévention proposés, des risques inhérents à ceux-ci, que son consentement doit être recueilli par le praticien (…) ; que le non-respect du devoir d'information qui en découle cause à celui auquel l'information est légalement due, un préjudice (...) que le juge ne peut laisser sans réparation ». 


Aussi, le non-respect du devoir d’information cause à celui auquel l’information était légalement due un préjudice que le juge ne peut laisser sans réparation, ce préjudice étant qualifié par la doctrine  reprise d’ailleurs dans un arrêt de la Cour d’appel de RENNES  de préjudice moral d’impréparation.


Suite à cette décision, il a d’ailleurs été admis que « la réparation du préjudice moral devient non seulement possible, mais obligatoire en cas de manquement au devoir d'information ».  


Par un arrêt en date du 23 janvier 2014, la Cour de cassation a eu l’occasion de confirmer et préciser sa position, aux termes d’une décision d’une limpidité exemplaire : 


« Indépendamment des cas dans lesquels le défaut d'information sur les risques inhérents à un acte d'investigation, de traitement ou de prévention a fait perdre au patient une chance d'éviter le dommage résultant de la réalisation de l'un de ces risques, en refusant qu'il soit pratiqué, le non-respect, par un professionnel de santé, de son devoir d'information cause à celui auquel l'information était due, lorsque ce risque se réalise, un préjudice résultant d'un défaut de préparation aux conséquences d'un tel risque, que le juge ne peut laisser sans réparation »  


Se faisant, la Cour a non seulement retenu la qualification expresse de « préjudice d'impréparation », mais elle a également souligné l'autonomie de ce chef de préjudice par rapport à la notion de perte de chance.


Un nouvel arrêt en date du l'arrêt de 25 janvier 2017 constitue l'exacte réplique de celui de 2014, mais admet, en outre, un possible cumul entre les deux chefs de préjudice :


« La cour d'appel a retenu, à bon droit et sans méconnaître le principe de réparation intégrale, que ces préjudices distincts étaient caractérisés et pouvaient être, l'un et l'autre, indemnisés » 


Aux termes d’un arrêt de sa première chambre civile en date du 22 juin 2017, la Cour de cassation a rappelé que :


« La perte de chance d’éviter le dommage consécutive à la réalisation d’un risque dont le patient aurait dû être informé, constitue un préjudice distinct du préjudice moral résultant d’un défaut de préparation aux conséquences de ce risque » .


Il convient de noter que le Conseil d’État adopte une solution identique à celle de la Cour de cassation, et a pu considérer, à son tour, que :


« Indépendamment de la perte de chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a pu subir du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité, notamment en prenant certaines dispositions personnelles »  


Très récemment, la Cour de cassation a encore censuré une Cour d’appel aux motifs que : 

 
« Le non-respect, par un professionnel de santé, de son devoir d’information sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles que comportait un acte individuel de prévention, de diagnostic ou de soins, auquel il a eu recours fautivement ou non, cause à celui auquel l’information était due, lorsque l’un de ces risque s’est réalisé, un préjudice moral distinct des atteintes corporelles subies, résultant d’un défaut de préparation à l’éventualité que ce risque survienne » . 


En application de cette jurisprudence désormais constante, les juges du fond ont régulièrement l’occasion de juger que :


« Le patient privé d’une information qui lui était due subit un préjudice pouvant consister, le cas échéant, en une perte de chance d’éviter le dommage qui est survenu, et, en toute hypothèse, lorsque le risque se réalise, en un défaut de préparation aux conséquences d’un tel risque, que le juge ne peut laisser sans réparation » .


Il résulte de tout ce qui précède que le préjudice moral d’impréparation découlant d’un manquement d’information constitue un préjudice autonome, distinct de toute notion de perte de chance, et ne doit pas rester sans réparation.

Dans l'espèce traitée par le cabinet:

Il résultait du rapport d’expertise que :


« Dès sa 1ière consultation avec le Dr X, Mme Z exprime le souhait de ne pas avoir d’hysterectomie, souhait qui sera réitéré sur la table d’intervention, juste avant l’anesthésie. Une information pré-opératoire sur la myomectomie a été effectuée ainsi que des documents en ce sens. Dans cette information pré-opératoire, il est précisé que : 

 

Le Dr X, dans son courrier, confirme la myomectomie et Mme Z précise lors de l’expertise qu’il a également acquiescé juste avant l’anesthésie. 

    L’intervention prévue par le chirurgien en accord avec les souhaits de la patiente est la myomectomie par laparotomie type Pfannenstiel ou Cohen (incision horizontale sus-pubienne). 

    La myomectomie n’est pas la meilleure option pour ce type de tumeur volumineuse, à cette âge, étant donné les risques que cela comporte tant sur le plan chirurgical que anesthésique et ce d’autant plus que cette patiente présente des co-morbidités qui augmentent les risques per-opératoires : âge, surpoids, HTA, thrombocytemie. 

Toutefois, médicalement, il est nécessaire de réaliser un geste chirurgical pour décomprimer la cavité abdomino-pelvienne et avoir une analyse anatomopathologique de la pièce opératoire pour éliminer une tumeur maligne type sarcome. 

Le compte rendu opératoire fait état finalement d’un« uterus totalement myomateux, myomectomie impossible ». Le Dr X réalise une « hysterectomie subtotale laissant plus de 5 cm de la partie inférieure de l’uterus, passant au contact des derniers ». Le temps opératoire signalé est de 45 min confirmé par la feuille de surveillance anesthésique. 

    La technique opératoire ne soulève aucun commentaire car est conforme aux bonnes pratiques. 

    Les comptes-rendus opératoires et de surveillance anesthésique confirme que le Dr X ne semble pas avoir essayé de retirer les fibromes et a d’emblée, dès l’ouverture de l’abdomen, opté pour l’hysterectomie. 

Cette attitude n’est pas concordante avec ce qui a été convenu en pré-opératoire avec Mme Z, ni avec les souhaits de celle-ci, ni avec l’information pré-opératoire qui fait état d’une hysterectomie seulement en cas d‘hémorragie grave et incontrôlée, ce qui, en l’espèce, n’a jamais été le cas pour Mme Z (TA normale pendant toute la chirurgie, geste opératoire en 45 min, absence de transfusion sanguine, Hémoglobine n’ayant pas bougé en péri-opératoire de cette chirurgie). 

Le chirurgien n’a pas respecté l’engagement pris auprès de la patiente et réitéré en pré-opératoire immédiat ou Mme Z aurait dit qu’elle « préférait partir s’il faisait une hysterectomie ». 

    Il est aisé de comprendre que la tentative de myomectomie était très à risque sur le plan hémorragique et donc chirurgical. Ceci était prévisible dès l’échographie du Dr Y qui retrouvait un uterus dont le compte des fibromes était impossible.  Toutefois, après avoir réalisé une information claire, loyale et compréhensible sur les risques de conserver cet uterus tant concernant l’incertitude de la nature tumorale (bénigne ou maligne) que sur les complications secondaires éventuelles sur des organes importants de voisinage (thromboses chez une patiente déjà à haut risque cardiovasculaire que uretères), la patiente ayant réitéré son souhait, le Dr Z aurait du s’abstenir de toute chirurgie (…) »


Et l'expert de conclure : 


« CONLUSION :

Mme z a subi une hysterectomie subtotale alors qu’elle y était formellement opposée, opposition exprimée à plusieurs reprises auprès de son chirurgien, le Dr X 

Les comptes-rendus de consultation et opératoire font état d’une connaissance et d’une intention de la part du Dr x d’accéder à cette demande. 

Toutefois, aucun élément dans le déroulé de l’intervention tant d’un point de vue chirurgical qu’anesthésique ne met en évidence une quelconque tentative de myomectomie. 

    Cette attitude ne respecte pas les bonnes pratiques et les souhaits de la patiente. 

    Si le médecin est opposé aux décisions exprimées par la patiente, il doit le formuler et s’abstenir après une information claire et adaptée au niveau de compréhension, sur les risques encourus. 
En l’espèce, le Dr x aurait dû soit tenter la myomectomie et donc le risque hémorragique et l’augmentation du risque thrombo-embolique, soit s’abstenir de tout geste chirurgical. 
Et ce, même s’il n’est pas habituel pour un médecin de ne pas faire ce qu’il pense être le mieux pour son patient, en dehors du contexte de l’urgence, il doit obtenir le consentement du patient. »


Aussi, l’Expert judiciaire n’a-t-il cessé de marteler, tout au long de son rapport d’expertise, l’existence d’un manquement du chirurgien à son obligation de délivrance d’une information claire, loyale et appropriée.


En effet, il résulte du rapport d’expertise que Madame Z avait donné son consentement pour la réalisation d’une myomectomie, c’est-à-dire « l’ablation chirurgicale de un ou plusieurs fibromes utérins tout en conservant l’utérus. Cela permet donc de conserver les règles et éventuellement la possibilité d’une grossesse ultérieure  ».


Or, aucun élément dans le déroulé de l’intervention tant d’un point de vue chirurgical qu’anesthésique ne met en évidence une quelconque tentative de myomectomie. 


Et pour cause, le Docteur X a d’emblée réalisé une hystérectomie alors que Madame Z était sous anesthésie générale et qu’elle avait opté pour une chirurgie conservatrice.


Plus encore, la patiente avait, à plusieurs reprises, refusé expressément cette intervention :


-    Une première fois, lors de la consultation préopératoire du 26 février 2019,
-    Une seconde fois, lors de la consultation anesthésique du 28 mars 2019, 
-    Une troisième fois, avant son entrée au bloc, le 28 mars 2019.


Madame Z a donc subi une intervention chirurgicale à laquelle elle était formellement opposée.


Dans la mesure où rien ne rendait impossible l’information préalable de la patiente, ce défaut d’information a constitué une faute à l’origine d’un préjudice d’impréparation de nature à engager la responsabilité du CHU de V. 


Conformément à la jurisprudence constante, et notamment à l’arrêt précité du Conseil d’État en date du 16 décembre 2016, il doit être considéré que « la réalisation d'une intervention à laquelle le patient n'a pas consenti oblige l'établissement responsable à réparer tant le préjudice moral subi de ce fait par l'intéressé que, le cas échéant, toute conséquence dommageable de l'intervention » .