Obligation de démolir

 

 

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

VB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 décembre 2022




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 858 F-D

Pourvoi n° S 21-20.569




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 DÉCEMBRE 2022

1°/ M. [A] [U],

2°/ Mme [O] [H], épouse [U],

domiciliés tous deux [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° S 21-20.569 contre l'arrêt rendu le 1er juin 2021 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [D] [Z],

2°/ à Mme [C] [L], épouse [Z],

domiciliés tous deux [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. et Mme [U], de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. et Mme [Z], après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 1er juin 2021), M. et Mme [Z] sont propriétaires d'une maison d'habitation, construite sur la parcelle [Cadastre 3], séparée par une cour de celle cadastrée [Cadastre 4] et appartenant à M. et Mme [U].

2. Contestant la construction par ces derniers d'une terrasse empiétant, selon eux, sur cette cour et les empêchant d'accéder à leur garage, M. et Mme [Z] les ont assignés, le 24 novembre 2015, en démolition de la terrasse et indemnisation de leurs préjudices.

3. A titre reconventionnel, M. et Mme [U] ont sollicité l'interdiction du stationnement du véhicule de leurs voisins dans la cour et le versement de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. M. et Mme [U] font grief à l'arrêt de les condamner à démolir leur terrasse en bois édifiée sur la cour séparant les propriétés des parties et de rejeter leurs demandes en interdiction de stationnement dans la cour et en dommages-intérêts pour procédure abusive, alors « que le titre constitutif de la servitude, à l'égard de celles qui ne peuvent s'acquérir par la prescription, ne peut être remplacé que par un titre récognitif de la servitude, et émané du propriétaire du fonds asservi ; que pour rejeter la dénégation de servitude formulée par M. et Mme [U], l'arrêt retient que « s'il n'existe aucune mention de cette servitude de passage dans le titre de propriété de M. et Mme [U], il est justifié que l'acte authentique de vente de M. et Mme [Z] [, qui fait mention de cette servitude,] a été publié le 7 avril 1978 à la conservation des hypothèques de [Localité 5]» ; qu'en statuant ainsi, alors que l'acte de vente de M. et Mme [Z] ne constitue pas un titre récognitif de la servitude émanant du propriétaire du fonds asservi, la cour d'appel a violé l'article 695 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. M. et Mme [U] contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent qu'il est irrecevable comme étant nouveau et mélangé de fait et de droit.

7. Cependant, le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est recevable comme
étant de pur droit.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 691, alinéa 1er, et 695 du code civil :

8. Aux termes du premier de ces textes, les servitudes continues non apparentes, et les servitudes discontinues, apparentes ou non apparentes, ne peuvent s'établir que par titres.

9. Aux termes du second, le titre constitutif de la servitude, à l'égard de celles qui ne peuvent s'acquérir par la prescription, ne peut être remplacé que par un titre récognitif de la servitude, et émané du propriétaire du fonds asservi.

10. Pour retenir l'existence de la servitude de passage contestée, l'arrêt relève que si le titre de M. et Mme [U], actuels propriétaires du fonds servant, ne mentionne aucune servitude de passage, celui de M. et Mme [Z], propriétaires du fonds dominant, qui a été régulièrement publié, fait référence à l'existence d'un droit de passage sur une cour appartenant à « MM. [V] [M], [F] [W], [V] [G] et [Z] [K]. »

11. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est fondée sur les seules énonciations du titre émanant des propriétaires du fonds dominant, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt, en ce qu'il ordonne la démolition de la terrasse en bois édifiée sur la cour séparant les propriétés des parties, entraîne la cassation du chef de dispositif rejetant la demande de dommages et intérêts formée par M. et Mme [U], qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable la demande de M. et Mme [Z] en démolition de la terrasse, rejette la demande de M. et Mme [U] en interdiction de stationnement dans la cour et la demande de M. et Mme [Z] en condamnation de M. et Mme [U] au paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive, l'arrêt rendu le 1er juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne M. et Mme [Z] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [Z] et les condamne à payer à M. et Mme [U] la somme globale de 3 000 euros ;