Seule l’interdiction frappant les personnes intervenant à domicile dans le cadre de l’aide aux personnes est concernée par la décision du Conseil Constitutionnel.

Jusqu’à présent une interdiction de recevoir des dons, legs ou de se rendre acquéreur de biens appartenant à une personne prise en charge dans un établissement ou en cas de maintien à domicile pour les intervenants, existait entre la personne prise en charge et l’intervenant, le personnel ou l’établissement.

En résumé une personne aide-ménagère ou une personne intervenant dans une structure d’accueil ou dans un établissement spécialisé ne pouvait pas hériter de la personne assistée ou prise en charge, ni acquérir ses biens sans autorisation préalable.

Cette interdiction, destinée à protéger la personne prise en charge résultait des dispositions de l’article L 116-4 du Code de l’Action Sociale et des Familles :

« I.- Les personnes physiques propriétaires, gestionnaires, administrateurs ou employés d'un établissement ou service soumis à autorisation ou à déclaration en application du présent code ou d'un service soumis à agrément ou à déclaration mentionné au 2° de l’article L 7231-1 du Code du Travail, ainsi que les bénévoles ou les volontaires qui agissent en leur sein ou y exercent une responsabilité, ne peuvent profiter de dispositions à titre gratuit entre vifs ou testamentaires faites en leur faveur par les personnes prises en charge par l'établissement ou le service pendant la durée de cette prise en charge, sous réserve des exceptions prévues aux 1° et 2° de l’article 909 du Code Civil. L'article 911 du même code est applicable aux libéralités en cause.

« L'interdiction prévue au premier alinéa du présent article est applicable au couple ou à l'accueillant familial soumis à un agrément en application de l'article L. 441-1 du présent code et à son conjoint, à la personne avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité ou à son concubin, à ses ascendants ou descendants en ligne directe, ainsi qu'aux salariés mentionnés à l'article L 7221-1 du Code du travail accomplissant des services à la personne définis au 2° de l'article L. 7231-1 du même code, s'agissant des dispositions à titre gratuit entre vifs ou testamentaires faites en leur faveur par les personnes qu'ils accueillent ou accompagnent pendant la durée de cet accueil ou de cet accompagnement.

« II.- Sauf autorisation de justice, il est interdit, à peine de nullité, à quiconque est frappé de l'interdiction prévue au I de se rendre acquéreur d'un bien ou cessionnaire d'un droit appartenant à une personne prise en charge, accueillie ou accompagnée dans les conditions prévues par le I ou de prendre à bail le logement occupé par cette personne avant sa prise en charge ou son accueil.

« Pour l'application du présent II, sont réputées personnes interposées, le conjoint, le partenaire d'un pacte civil de solidarité, le concubin, les ascendants et les descendants des personnes auxquelles s'appliquent les interdictions ci-dessus édictées ».

La Cour de cassation avait transmis au conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) concernant cet article.

Par un arrêt du 12 mars 2021 n° 2020-888, le Conseil Constitutionnel déclare contraire à la Constitution cette interdiction générale.

La requérante à l’origine de cette QPC reprochait à  « ces dispositions d'interdire aux personnes âgées de gratifier ceux qui leur apportent, contre rémunération, des services à la personne à domicile. Elle considère que cette interdiction, formulée de façon générale, sans prendre en compte leur capacité juridique ou l'existence ou non d'une vulnérabilité particulière, porterait atteinte à leur droit de disposer librement de leur patrimoine. Il en résulterait une méconnaissance du droit de propriété ».

L’inconstitutionnalité de ces dispositions a un effet immédiat, c'est à dire qu’elle entraine dès la publication de la décision du conseil constitutionnel l’invalidation de ces dispositions.

La décision du Conseil constitutionnel invalide les dispositions suivantes :

« Les mots « ou d'un service soumis à agrément ou à déclaration mentionné au 2° de l’article L 7231-1 du code du travail » figurant au premier alinéa du paragraphe I de l’article L 116-4 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations et les mots « ainsi qu'aux salariés mentionnés à l'article L 7221-1 du code du travail accomplissant des services à la personne définis au 2° de l'article L. 7231-1 du même code » figurant au second alinéa du même paragraphe sont contraires à la Constitution. »

Etaient en balance dans l’appréciation de la question soumise au Conseil Constitutionnel le droit à la propriété privée et à la libre disposition de ses biens d’une part, la protection de la personne vulnérable d’autre part.

Pour le conseil constitutionnel, « Il est loisible au législateur d'apporter aux conditions d'exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi »

Le C.C poursuit en indiquant qu’une atteinte a été portée au droit de disposer librement de son patrimoine étant un attribut du droit de propriété des personnes âgées, des personnes handicapées ou de celles qui ont besoin d'une aide personnelle à leur domicile ou d'une aide à la mobilité.

Le C.C. examine la finalité de cette limitation voulue par le législateur.

« Le législateur a entendu assurer la protection de personnes dont il a estimé que, compte tenu de leur état et dans la mesure où elles doivent recevoir une assistance pour favoriser leur maintien à domicile, elles étaient placées dans une situation particulière de vulnérabilité vis-à-vis du risque de captation d'une partie de leurs biens par ceux qui leur apportaient cette assistance. Il a ainsi poursuivi un but d'intérêt général »

Le C.C. considère que le simple fait de recevoir une assistance du fait de son âge, de son handicap ou d’une autre situation nécessitant une telle assistance n’établit pas que la capacité de consentir est altérée.

Le C.C. continue son raisonnement en considérant que les services à la personne définis au 2° de l’article L 7231-1 du Code du travail recouvrent une multitude de tâches susceptibles d'être mises en œuvre selon des durées ou des fréquences variables et que cela ne suffit pas à caractériser une situation de vulnérabilité à leur égard.

En conclusion, l’interdiction générale est contraire à la Constitution.