Classiquement, la légalité d’un acte administratif est analysée par la juridiction administrative dans le cadre d’un recours en annulation formé contre celui-ci ou contre un acte venant en faire application (exception d’illégalité). La loi pour un état au service d’une société de confiance d’août 2018 a prévu la mise en place d’une expérimentation permettant à l’auteur ou au bénéficiaire de certains actes administratifs de saisir directement la juridiction compétente d’une demande d’appréciation sur la régularité de celui-ci. Cette expérimentation vient d’être mise en œuvre par décret.

 

L’article 54 de la loi n°2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance dispose : « A titre expérimental, le bénéficiaire ou l'auteur d'une décision administrative non réglementaire entrant dans l'une des catégories définies au deuxième alinéa du présent I peut saisir le tribunal administratif d'une demande tendant à apprécier la légalité externe de cette décision ».

Le schéma classique de saisine de la juridiction administrative par un tiers à l’acte s’en trouve ainsi bouleversé à titre expérimental. Ce mécanisme vient d’être précisé et mis en œuvre par le décret n°2018-1082 du 4 décembre 2018 relatif à l'expérimentation des demandes en appréciation de régularité.

Plus précisément, ne sont concernés que des actes non-réglementaires et spécialement les actes relatifs aux procédures d’expropriation pour cause d’utilité publique (arrêté de DUP, arrêté d’ouverture d’enquête préalable à la DUP), à la création d’une ZAC (arrêté préfectoral de création), ainsi qu’aux immeubles insalubres (arrêté d’insalubrité).

De même, n’est en jeu que la régularité de la décision c’est-à-dire sa légalité externe (compétence de l’auteur, forme de la décision, procédure suivie), la légalité interne n’étant pas concernée (utilité publique de l’opération…).

 

D’un point de vue procédural, la demande d’appréciation de la régularité de la décision doit être formée par son auteur ou son bénéficiaire dans le délai de trois mois à compter de sa publication par un mémoire de saisine du Tribunal administratif. Celui-ci devra contenir les éléments nécessaires pour que la juridiction puisse contrôler la légalité externe de la décision (délégation de signature, justification du recueil des avis obligatoires, justification des modalités de l’enquête publique menée…).

Dès la réception de cette demande par le Tribunal administratif, les recours pendants relatifs à cet acte sont suspendus jusqu’à la décision de la juridiction. Cela ne concerne toutefois pas les référés (très logiquement dès lors que la décision du juge des référés n’est que provisoire).

Pour permettre aux tiers intéressés de faire valoir leurs points de vue (et notamment de soulever des irrégularités) la demande en appréciation de la régularité de l’acte devra faire l’objet d’une publicité selon des modalités précises. A ce titre, les tiers intéressés (notamment les propriétaires concernés par l’expropriation) pourront s’adjoindre à la procédure par un mémoire à présenter impérativement dans les deux mois de la mesure de publicité précitée.

L’instruction réalisée par le Tribunal sera encadrée dans un délai total de 6 mois. Celui-ci se prononcera sur tous les moyens de légalité ou d’illégalité externe qui lui seront présentés mais aussi sur tous les moyens d’illégalité qu’il estime nécessaire de relever.

A l’issue de son instruction, réalisée dans les mêmes formes que pour les contentieux classiques, le Tribunal rendra une décision sur la légalité externe de l’acte analysé. Celle-ci ne peut faire l’objet d’un appel mais peut être soumise à cassation.

Si la décision bénéficie d’une déclaration de légalité externe par le Tribunal ou le Conseil d’Etat, elle devra faire l’objet d’une mesure de publicité pour être opposable aux tiers. Dans ce cas, aucun moyen de légalité externe « ne peut plus être invoqué par voie d'action ou par voie d'exception à l'encontre de cette décision ».

A l’inverse, si le Tribunal ou le Conseil d’Etat ne déclare pas la légalité de la décision (en d’autres termes s’il constate que celle-ci est entachée d’illégalité), son auteur pourra la retirer ou l’abroger dans un au plus tard 2 mois à compter de la notification de la décision juridictionnelle. En pratique, cette possibilité de retrait ou d’abrogation sera probablement largement utilisée dès lors que la décision sera vouée à annulation ensuite de la reprise des procédures contentieuses en cours.

Enfin, précisons que cette expérimentation d’une durée de trois ans n’est menée que dans le ressort des tribunaux administratifs de Bordeaux, Montpellier, Montreuil et Nancy.

 

Décret n° 2018-1082 du 4 décembre 2018 relatif à l'expérimentation des demandes en appréciation de régularité.