Par une loi du 17 mai 2019, le législateur est venu sécuriser l’actionnariat des entreprises publiques locales (SEML, SPL) en précisant l’articulation entre les compétences des personnes publiques membres et les activités exercées par la société. Le législateur revient par cette loi sur la position particulièrement stricte adoptée par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 14 novembre 2018.

 

Les dispositions du code général des collectivités territoriales autorisent les collectivités locales (commune, département, région) et leurs groupements à créer :

  • Des sociétés d’économie mixte locales (Art. L. 1521-1 du CGCT) associant actionnariat public ainsi que privé et pouvant intervenir sous conditions pour des personnes ne participant pas à leur capital,
  • Des sociétés publiques locales (Art. L. 1531-1 du CGCT) à actionnariat 100 % public mais ne pouvant intervenir que pour le compte de leurs actionnaires et sur leur territoire.

Ces sociétés publiques ont pour but de réaliser « des opérations d’aménagement, de construction », de gérer « des services publics à caractère industriel ou commercial » ou « toute autre activité d’intérêt général ».

Si certaines de ces sociétés ont un objet unique et exerce une seule et même activité, d’autres sociétés ont des objets plus larges, multi-activités. Dans ce dernier cas, il n’est pas rare que les compétences exercées par une personne publique actionnaire ne se rattache qu’à l’une des compétences de la société.

 

Par un arrêt du 14 novembre 2018, mentionné aux tables, le Conseil d’Etat est venue donner une appréciation très restrictive de l’articulation entre les compétences exercées par les personnes publiques membres d’une SPL et les activités exercées par celle-ci. Le raisonnement retenu ici pour les SPL est aisément transposable au SEML :

« 3. Aux termes de l’article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa version applicable à la date de la délibération litigieuse : « Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent créer, dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi, des sociétés publiques locales dont ils détiennent la totalité du capital. / Ces sociétés sont compétentes pour réaliser des opérations d’aménagement au sens de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, des opérations de construction ou pour exploiter des services publics à caractère industriel ou commercial ou toutes autres activités d’intérêt général. / Ces sociétés exercent leurs activités exclusivement pour le compte de leurs actionnaires et sur le territoire des collectivités territoriales et des groupements de collectivités territoriales qui en sont membres. / Ces sociétés revêtent la forme de société anonyme régie par le livre II du code de commerce et sont composées, par dérogation à l’article L. 225-1 du même code, d’au moins deux actionnaires. / Sous réserve des dispositions du présent article, elles sont soumises au titre II du présent livre « . Aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 1521-1 du même code, applicable aux sociétés publiques locales : «  La commune actionnaire d’une société d’économie mixte locale dont l’objet social s’inscrit dans le cadre d’une compétence qu’elle a intégralement transférée à un établissement public de coopération intercommunale peut continuer à participer au capital de cette société à condition qu’elle cède à l’établissement public de coopération intercommunale plus des deux tiers des actions qu’elle détenait antérieurement au transfert de compétences « . Aux termes de l’article L. 1524-5 du même code, également applicable aux sociétés publiques locales : « Toute collectivité territoriale ou groupement de collectivités territoriales actionnaire a droit au moins à un représentant au conseil d’administration ou au conseil de surveillance (…). / (…) Les sièges sont attribués en proportion du capital détenu respectivement par chaque collectivité ou groupement. (…) « .

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, hormis le cas, prévu par l’article L. 1521-1 du code général des collectivités territoriales, où l’objet social de la société s’inscrit dans le cadre d’une compétence que la commune n’exerce plus du fait de son transfert, après la création de la société, à un établissement public de coopération intercommunale, la participation d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales à une société publique locale, qui lui confère un siège au conseil d’administration ou au conseil de surveillance et a nécessairement pour effet de lui ouvrir droit à participer au vote des décisions prises par ces organes, est exclue lorsque cette collectivité territoriale ou ce groupement de collectivités territoriales n’exerce pas l’ensemble des compétences sur lesquelles porte l’objet social de la société.

5. Par suite, en jugeant que les dispositions de l’article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales permettent à une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales d’être membre d’une société publique locale dont la partie prépondérante des missions n’outrepasse pas son domaine de compétence, la cour a commis une erreur de droit. Les requérants sont, par suite, fondés à demander l’annulation des articles 2, 3 et 4 de l’arrêt qu’ils attaquent, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen des pourvois »

CE, 14 novembre 2018, Syndicat mixte pour l’aménagement et le développement des Combrailles, n°405628

 

Le Conseil d’Etat fait, dans cet arrêt, une lecture stricte des dispositions de l’article L. 1531-1 du CGCT relatives aux SPL (L. 1521-1 pour les SEML) et considère qu’il doit nécessairement y avoir identité parfaite entre l’objet de la société et les compétences des personnes publiques qui en sont membres. Ainsi, que la société publique ait un seul ou plusieurs objets, chacun de ceux-ci doit pouvoir se rattacher à une des compétences de la personne publique membre.

Or, c’est dans le cas des sociétés à objet plural que le bas blesse puisque la plupart des personnes publiques actionnaires d’une entreprise publique locale multi-activités n’exercent pas « l’ensemble des compétences sur lesquelles porte l’objet social de la société ». Cela est notamment le cas lorsque des personnes publiques sont membres d’une SEML ou SPL dans un but principalement financier.

Le Conseil d’Etat venait ainsi de fragiliser les entreprises publiques et limiter très fortement la création de telles structures.

 

Toutefois par la loi n°2019-463 du 17 mai 2019 tendant à sécuriser l’actionnariat des entreprises publiques locales, le législateur est venu remettre en cause la position des Juges du Palais Royal. Celle-ci vient notamment modifier les articles L. 1522-1 et L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales en y ajoutant :

  • Pour les SPL : « Lorsque l'objet de ces sociétés inclut plusieurs activités, celles-ci doivent être complémentaires. La réalisation de cet objet concourt à l'exercice d'au moins une compétence de chacun des actionnaires. »
  • Pour les SEML : « 3° La réalisation de l'objet de ces sociétés concourt à l'exercice d'au moins une compétence de chacune des collectivités territoriales et de chacun des groupements de collectivités territoriales qui en sont actionnaires. »

Ainsi, une personne publique n’aura qu’à exercer une compétence en rapport avec l’un des objets de la société publique pour pouvoir en être membre. L’on en revient ainsi à la position qui prédominait avant l’arrêt précité. A noter, l’obligation de complémentarité des activités imposée aux SPL présentant un objet plural était déjà appliquée et ne vient en réalité qu’aligner textuellement le régime des SPL sur celui des SEML. 

Enfin, précisons que pour palier les éventuelles conséquences qu’aurait pu avoir la décision précitée du Conseil d’Etat, le législateur a pris soin d’indiquer que « sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée » ces dispositions s’appliquent aux sociétés publiques déjà constituées.