Par un arrêt du 16 mai 2019, confirmant en ce sens la position de la Cour d’appel de Chambéry, la Cour de Cassation affirme l’autonomie de l’action civile en démolition ou mise en conformité de l’article L. 480-14 du code de l’urbanisme à disposition de la commune ou l’EPCI compétent en matière de PLU, laquelle diffère ainsi dans ses conditions d’application de l’action en démolition pouvant être intentée par tout tiers lésé par la violation de règles d’urbanisme.

 

En présence d’une construction édifiée en méconnaissance des règles d’urbanisme (absence de permis, méconnaissance de celui-ci, méconnaissance des règles d’urbanisme prévues par le PLU pour les constructions ne nécessitant pas d’autorisation) le Maire, agissant en qualité d’OPJ, est tenu de dresser PV de constat et de transmettre celui-ci au Procureur de la République. A défaut de poursuites pénales, la commune (ou l’EPCI compétent en matière de PLU) peut aussi parfaitement déposer plainte avec constitution de partie civile. L’on est donc principalement sur une procédure pénale dans laquelle la commune (ou l’EPCI) demandera la remise en l’état des lieux à titre de réparation civile.

 

Toutefois, notamment en cas de prescription de l’action pénale (délai de 6 ans à compter de l’achèvement), la commune (ou l’EPCI) n’est pas dépourvue de toute action. En effet, l’article L. 480-14 du code de l’urbanisme dispose :

« La commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme peut saisir le tribunal de grande instance en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage édifié ou installé sans l'autorisation exigée par le présent livre, en méconnaissance de cette autorisation ou, pour les aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre du présent code, en violation de l'article L. 421-8. L'action civile se prescrit en pareil cas par dix ans à compter de l'achèvement des travaux »

Classiquement, l’exercice d’une action civile en démolition par un tiers (généralement un voisin), pour violation des règles d’urbanisme (absence de permis, permis annulé…), nécessite la démonstration d’un « préjudice personnel en relation directe avec l’infraction aux règles d’urbanisme ». En est-il de même pour la commune (ou l’EPCI) assignant son administré en démolition ? En d’autres termes, la commune (ou l’EPCI) doit-il démontrer l’existence d’un préjudice personnel et directe ?

 

Par un arrêt du 16 mai 2019, publié au Bulletin, la 3e chambre civile de la Cour de cassation répond par la négative et indique :

« Mais attendu que l'action attribuée à la commune par l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme, qui a pour objet la démolition ou la mise en conformité, est destinée à faire cesser une situation illicite ;

Que la volonté du législateur d'attribuer une action spécifique au profit de la commune serait compromise si cette action obéissait à la même condition de preuve d'un préjudice que l'action de droit commun ouverte à tout tiers victime de la violation de règles d'urbanisme ;

Attendu, dès lors, qu'ayant retenu à bon droit que la commune disposait d'une action autonome ne nécessitant pas la démonstration d'un préjudice personnel et direct causé par les constructions irrégulières, la cour d'appel, qui a constaté l'irrégularité des ouvrages construits par la SCI sans avoir obtenu, ni même sollicité, un permis de construire ou une autorisation préalable, dans une zone qui faisait l'objet d'une protection particulière pour le maintien d'une activité agricole, en a exactement déduit que la demande en démolition devait être accueillie »

Cour de Cassation, 3e chambre civile, 16 mai 2019, n°17-31757.

 

La Cour précise ici sans doute possible que l’action à disposition de la personne publique sur le fondement de l’article L. 480-14 du code de l’urbanisme est autonome vis-à-vis de l’action civile classique pouvant être mise en œuvre par les tiers.

Pour justifier de sa position, elle rappelle le but poursuivi par la commune lorsqu’elle met en œuvre l’action prévue à l’article L. 480-14 du code de l’urbanisme, à savoir la cessation « d’une situation illicite » c’est-à-dire un but d’intérêt général conforme aux missions des personnes publiques. Cela correspond d’ailleurs assez bien à la finalité première de l’article précité jusqu’en 2010, qui ne s’appliquait alors qu’aux secteurs soumis à des risques naturels.

De plus, si ce but d’intérêt général n’avait pas été retenu par la Cour, l’on voit mal, sauf cas particulier, quel préjudice personnel aurait pu mettre en avant la commune ou l’EPCI et l’article L. 480-14 serait devenu bien inutile.

 

Désormais, deux actions civiles bien séparées permettent d’obtenir la démolition d’une construction violant les dispositions d’urbanisme :

  • L’action civile classique à disposition des tiers, lesquels doivent justifier d’un préjudice personnel et direct,
  • L’action de la commune ou de l’EPCI compétent en matière de PLU, sans démonstration de préjudice.