Dans 2 décisions rendues le 8 février 2023, les juges de la Cour de cassation apportent des précisions sur l'obligation de reclassement applicable au sein des groupes d'entreprises.

A titre liminaire, rappelons que l'avis d'inaptitude rédigé par le médecin du travail qui porte la mention selon laquelle « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi » autorise l'employeur à licencier le salarié pour inaptitude et impossibilité de reclassement sans avoir à procéder à une recherche de reclassement (Articles L.1226-2-1 et L.1226-12 du Code du travail).

L'application de ces dispositions ne pose pas de difficulté particulière lorsque l'entreprise ne fait pas partie d'un groupe. Dans le cas contraire, la rédaction de la mention de l'avis d'inaptitude par le médecin du travail s’avère être particulièrement importante pour connaître l'étendue de l'obligation de reclassement de l'employeur.

Dans la première décision (Cass.Soc., 8 février 2023, n°21-19232),  une salariée embauchée en qualité d'aide-soignante en 2012 par une association est licenciée par la suite pour inaptitude.

L'avis d'inaptitude mentionne expressément que « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi ». L'association faisant partie d'un groupe, la salariée tente de faire reconnaître son licenciement comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, car elle estime que l'employeur aurait dû effectuer des recherches de reclassement dans le groupe auquel appartenait l'association.

La salariée porte l'affaire devant la Cour de cassation. Le pourvoi de la salariée est néanmoins rejeté : dès lors que l’avis d'inaptitude mentionne expressément que l'état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, l'employeur, même faisant partie d'un groupe, est dispensé de rechercher et de proposer des postes de reclassement et peut donc directement engager la procédure de licenciement.

Notons toutefois qu'il s'agit d'une interprétation implicite de la solution, puisque dans sa décision la Cour de cassation ne se prononce pas expressément sur la question de la recherche de reclassement dans le groupe, mais indique uniquement que dans cette situation, l'employeur était tout simplement dispensé de procéder à une recherche de reclassement.

A l'origine de  la seconde décision de la Cour de cassation du 8 février 2023 (Cass. Soc., 8 février 2023, n°21-11356), le licenciement pour inaptitude d'une salariée avait été prononcé en 2017.

Le médecin du travail avait rédigé l'avis d'inaptitude en ces termes : « inapte-  l'état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi dans cette entreprise. Échange avec l'employeur en date du 4 juillet 2017 (étude de poste faite) ». Le médecin du travail avait donc mentionné de manière manuscrite que l'état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement «dans un emploi dans cette entreprise».

La Cour de cassation juge logiquement que dans cette situation, l'employeur n'était pas dispensé de procéder à une recherche de reclassement, et qu'il aurait dû chercher un reclassement au niveau du groupe afin de respecter son obligation.

Notons néanmoins que cette situation devrait désormais s'avérer plutôt rare, dans la mesure ou les médecins du travail ont désormais plutôt tendance à uniquement cocher l'une des 2 mentions indiquées sur l'avis d'inaptitude plutôt que de rédiger des commentaires supplémentaires concernant l’état de santé du salarié.

Il n'en demeure pas moins qu'un employeur faisant partie d'un groupe de sociétés doit nécessairement être extrêmement vigilant lorsqu'il reçoit un avis d'inaptitude.