En principe, un salarié ne peut être licencié que dans l’hypothèse où les faits reprochés se sont déroulés dans le cadre professionnel, en exécution de son contrat de travail.

En ce sens, les Juges ont eu plusieurs fois l’occasion de rappeler qu’un fait de la vie personnelle ne peut pas justifier un licenciement disciplinaire (voir par exemple en ce sens, Cass. soc. 23 juin 2009 n° 07-45.256)

En revanche, lorsque le fait issu de la vie privée a un impact sur le bon fonctionnement de l’entreprise, le salarié peut être licencié du fait de la survenance de ce trouble : il s’agira alors d’un licenciement fondé sur un « trouble objectif ». 

La procédure de licenciement ne sera en revanche pas disciplinaire, car aucune faute ou violation de ses obligations professionnelles ne peut en tant que tel être reprochée au salarié dans cette situation.

Saisie dernièrement d’une affaire relative à la contestation d’un licenciement pour trouble objectif, la Cour de cassation est venue apporter de nouvelles précisions à propos de ce motif de licenciement.

A l’origine de l’affaire ayant donné lieu au pourvoi en cassation, un salarié est engagé en tant que vigneron tractoriste en 1990.

De 2013 à 2016, le salarié est incarcéré pour des faits de nature pénale commis dans le cadre de sa vie privée (en l’espèce, des faits d’agression sexuelle sur mineur ayant eu lieu dans le cadre de ses activités d’entraineur de football).

Lorsque le salarié sort de sa période de détention, il retourne à son poste de travail le 14 novembre 2016. Il est placé en arrêt de travail dès le lendemain, jusqu’au 27 mars 2017.

Le 27 mars 2017, il se présente donc à nouveau au travail, et se trouve confronté à l’hostilité des autres salariés de l’entreprise, qui refusent tout simplement de travailler avec lui.

Afin de manifester leur mécontentement, les autres salariés se mettent en grève. Un huissier de justice vient constater le mouvement de grève, et le salarié est finalement licencié pour trouble objectif causé au bon fonctionnement de la société.

L’affaire est portée en justice par le salarié, qui conteste son licenciement. Ayant été débouté en appel, le salarié forme un pourvoi en cassation.

Dans ses conclusions d’appelant, le salarié faisait valoir plusieurs éléments, notamment le fait que d’après lui, la manifestation d’hostilité à son encontre avait été orchestrée par l’employeur.

Le salarié s’appuyait sur le fait que l’huissier de justice auteur du constat était arrivé seulement 9 minutes après lui sur le lieu de travail, ce qui pouvait laisser entendre que l’employeur avait bien prévu l’établissement du constat d’huissier en amont, et avait donc pu orchestrer la manifestation de mécontentement des autres salariés.

Pour le requérant, la Cour d’appel avait privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l’article L.1232-1 du Code du travail.

La Cour de cassation ne va pas dans ce sens, et rejette le pourvoi. Les Juges de la Cour rappellent que, « Si, en principe, il ne peut être procédé à un licenciement pour un fait tiré de la vie privée du salarié, il en va autrement lorsque le comportement de celui-ci a créé un trouble caractérisé au sein de l'entreprise. »

En l’espèce, les juges d’appel ont bien apprécié la situation en considérant que la condamnation pénale du salarié avait bien créé un trouble objectif au bon fonctionnement de l’entreprise.

Le licenciement (pour cause réelle et sérieuse) était donc bien justifié dans cette affaire.

Un licenciement peut donc être valablement prononcé pour un fait tiré de la vie privée du salarié, et ce dès lors qu’un trouble objectif est survenu au sein de l’entreprise.

Décision : Cass.Soc., 13 avril 2023,  n° 22-10.476