Les personnes physiques s’étant engagées en qualité de caution envers une personne morale disposent d’une possibilité d’être déchargée de leurs engagements si elles parviennent à démontrer qu’au jour de la souscription du cautionnement le montant de celui-ci était manifestement disproportionné à leurs biens et revenus.

 

Cette disposition légale est source d’un abondant contentieux, et la jurisprudence s’affine continuellement.

 

Voir par exemple :

 

https://www.avocat-delpoux.com/nouvelle-precision-sur-l-appreciation-de-la-proportionnalite-du-cautionnement_ad137.html

 

Ceci étant, prouver que le cautionnement était disproportionné au jour de sa souscription n’est pas toujours suffisant pour obtenir la décharge de la caution.

 

Ainsi, les dispositions légales prévoient que si au moment où la caution est appelée en paiement son patrimoine lui permet de faire face au montant réclamé, elle est finalement tenue au règlement, même si le cautionnement était effectivement  disproportionné au moment de la souscription.

 

La Chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu le 30 janvier dernier un arrêt intéressant à cet égard.

 

La Cour a en effet jugé :

 

« Attendu que, pour accueillir la demande de la banque, l'arrêt retient que, si l'engagement de caution de M. Y... était manifestement disproportionné à ses biens et revenus à la date de sa souscription, la somme de 65 000 euros a été versée à la banque à la suite de la vente d'un bien immobilier appartenant à la caution, sur lequel la banque avait fait inscrire une hypothèque au titre de sa créance, de sorte que, son patrimoine lui ayant permis de faire face à son obligation, M. Y... ne pouvait être déchargé de son engagement ;

 

Qu'en statuant ainsi, alors que la capacité de la caution à faire face à son engagement au moment où elle est appelée s'apprécie au regard de l'ensemble des éléments d'actif et de passif composant son patrimoine et ne peut résulter de la seule existence de liquidités d'un montant supérieur à la somme due au titre de cet engagement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».

 

(Cass. Com. 30 janvier 2019, pourvoi n°17-31011)

 

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000038112192&fastReqId=1499144956&fastPos=1

 

En substance, la Cour d’appel de CAEN avait estimé que l’engagement souscrit par la caution était disproportionné au moment de sa conclusion, mais que la capacité de la caution à faire face à l’engagement au moment où elle avait été appelée en paiement résultait de la remise à la banque d’une somme correspondant au montant de l’engagement, somme versée suite à la vente d’un bien immobilier sur lequel la banque avait inscrit une hypothèque.

 

La Cour d’appel en déduisait que la caution était en quelque sorte revenue à « meilleure fortune », et qu’elle était donc tenue au paiement.

 

La Cour de cassation rejette ce raisonnement.

 

La Chambre commerciale estime ainsi que la capacité de la caution à faire face à son engagement au jour où elle est appelée doit s’apprécier au regard de l’ensemble de son patrimoine (qui comprend donc l’actif mais également le passif) de la caution.

 

Le simple fait que la caution dispose de liquidités d’un montant supérieur à la somme réclamée est insuffisant à caractériser la capacité à faire face à l’engagement.

 

En effet, il est permis d’imaginer que les dettes de la caution soient telles que même en présence de liquidités suffisantes pour procéder au paiement de l’engagement de caution, le patrimoine de la celle-ci peut en réalité être « négatif ».

 

Le Juge du fond doit donc procéder à une appréciation globale du patrimoine de la caution au moment de la demande de paiement ; l’étendue de cette appréciation n’est d’ailleurs pas sans rappeler dans les grandes lignes la façon d’apprécier la disproportion du cautionnement au moment de la souscription.

 

La portée de cette décision est néanmoins à prendre avec prudence ; en effet l’arrêt en question n’a pas été publié au bulletin, signe que la Cour de cassation a pu estimer qu’il s’agissait d’un cas d’espèce (il n’est d’ailleurs pas certain que la caution soit effectivement déchargée de son engagement à l’issue de l’appel sur renvoi après cassation).

 

La solution retenue quant à la méthode d’appréciation du patrimoine de la caution au jour où on lui réclame le paiement n’en demeure pas moins éclairante.