Lorsqu’une personne physique (le plus fréquemment le gérant, le président ou l’associé de la société cautionnée) se porte caution d’engagements souscrits auprès d’un créancier professionnel, elle dispose d’un moyen de défense tiré de la disproportion manifeste du cautionnement.

L'article L 332-1 du Code de la consommation (L 341-4 ancien) dispose ainsi  qu' :

« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».

Le principe posé paraît relativement simple, mais son application est source d’une abondante jurisprudence précisant sans cesse comment appliquer concrètement cette disposition.

 

Voir par exemple :

 

https://www.avocat-delpoux.com/disproportion-du-cautionnement-et-appreciation-du-patrimoine-de-la-caution_ad141.html

 

https://www.avocat-delpoux.com/nouvelle-precision-sur-l-appreciation-de-la-proportionnalite-du-cautionnement_ad137.html

 

https://www.avocat-delpoux.com/cautionnement-et-appreciation-de-la-disproportion-manifeste-de-l-engagement-_ad96.html

 

https://www.avocat-delpoux.com/disproportion-du-cautionnement--incidence-du-regime-matrimonial-de-la-caution-sur-l-appreciation-de-la-disproportion-_ad60.html

 

Ainsi, et contrairement à ce que l’on pourrait penser de prime abord, il n’est pas toujours évident de convaincre le Juge de la réalité d’une disproportion manifeste entre le montant maximal du cautionnement et le patrimoine de la caution.

 

Une affaire qui m’a été confiée permet d’illustrer cette problématique.

 

L’associé d’une société placée en liquidation judiciaire se voit réclamer par un établissement bancaire une somme de 38.220 € ; un Tribunal de commerce est alors saisi d’une demande en paiement.

 

Après instruction du dossier, il apparaît que les revenus et le patrimoine de la caution au moment de la signature du cautionnement étaient sans commune mesure avec le montant de l’engagement ; l’étude du dossier a également permis de déterminer que la caution ne disposait toujours pas des moyens de régler la somme réclamée.

 

Il a en conséquence été demandé au Juge de débouté la banque de ses demandes, celle-ci n’étant en principe déchue du bénéfice de l’engagement de caution.

 

En dépit d’un dossier complet et des preuves apportées pour justifier du caractère disproportionné du cautionnement, le Tribunal de commerce a malgré tout condamné la caution au paiement.

 

Il a alors été interjeté appel devant la Cour d’appel de LYON.

 

La Cour, à laquelle était soumis les mêmes éléments, a jugé dans un arrêt du mois d’octobre 2018 :

 

« Sur la disproportion manifeste

 

L'article L 341-4 ancien du code de la consommation dispose qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et à ses revenus, à moins que le patrimoine de cette caution au moment où elle a été appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

 

Il appartient à la caution de rapporter la preuve que son engagement lors de sa conclusion était manifestement disproportionné au jour de sa souscription à ses biens et revenus.

 

En revanche, il incombe au créancier qui entend se prévaloir d'un engagement jugé disproportionné au jour de la souscription de prouver que le patrimoine de la caution lui permet d'y faire face au moment où elle est appelée.

 

M. Z produit un "Questionnaire confidentiel" daté du 10 septembre 2013 sur un formulaire à entête de la Caisse d'épargne dont cette dernière ne se prévaut pas et dont elle n'indique pas qu'elle l'a pris en compte pour lui demander de s'engager.

 

L'absence de tous renseignements financiers sur ce document, mentionnant uniquement l'état civil et la situation de famille, le rend d'ailleurs totalement inutile pour apprécier l'existence d'une disproportion.

 

L'appelant démontre par son avis d'imposition de l'année 2013 avoir perçu au cours de cette année fiscale un revenu total de 10.409 euros soit une moyenne mensuelle de 867,42 euros, au titre d'une allocation retour à l'emploi.

 

Les extrapolations réalisées par la banque intimée sur la base de l'attestation de Pôle Emploi du 9 avril 2013 ne sont pas pertinentes, car si ce document fait état d'une indemnisation journalière de 36,37 euros à compter du 2 juin 2013, aucun élément ne conforte que M. Z a perçu auparavant des revenus dépassant ceux figurant sur son justificatif d'impôt sur le revenu.

 

M. Z n'est pas contesté lorsqu'il indique qu'il n'avait alors aucun patrimoine. Ses charges habituelles dans le cadre de son concubinage, pour ne pas être décrites, suffisent à caractériser que son engagement à hauteur de 38.220 euros était manifestement disproportionné à ses revenus.

 

La Caisse d'épargne ne tente pas de prétendre que M. Z disposait, au jour de l'assignation en paiement délivrée, d'un patrimoine lui permettant de faire face à son engagement.

 

La décision entreprise doit être infirmée et la Caisse d'épargne est déboutée de sa demande dirigée contre M. Z, du fait de sa déchéance à se prévaloir de son engagement du 3 décembre 2013 ».

 

Le jugement de premier instance a donc été infirmé et la caution déchargée de tout paiement au titre du cautionnement.

 

Ce cas d’espèce illustre bien que l’application d’un principe en apparence simple n’est jamais évidente et doit faire l’objet d’une analyse et d’une argumentation développée.

 

A cet égard, faire appel aux services d’un professionnel du droit se révèle souvent nécessaire.