L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles le 30 mars 2021 porte sur la protection des œuvres photographiques par le droit d’auteur.

 A la lecture de l’article L111-1 du code de la Propriété Intellectuelle, l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.

On reconnait alors à l’auteur un droit patrimonial et moral sur son œuvre. C’est dans l’exercice de ce droit patrimonial que l’auteur peut interdire à un tiers d’exploiter son œuvre ou l’autoriser par le biais de cessions de droits d’auteur, moyennant une rémunération pour l’auteur.

Selon l’article L112-9° du code de la Propriété Intellectuelle, les œuvres photographiques sont considérées comme des œuvres de l’esprit. Mais pour qu’une œuvre de l’esprit soit protégée au titre du droit d’auteur, il faut qu’elle soit originale. C’est cette notion d’originalité qui est déterminante.

Toute la difficulté tient au fait que cette notion, non définie légalement, est subjective. Afin de clarifier cette notion, tant la doctrine que la jurisprudence retiennent la notion « d’empreinte de la personnalité de son auteur » ou encore, selon la Cour de Justice de l’Union Européenne, la « création intellectuelle propre à l’auteur »[1].

En matière de photographie, ce critère est difficilement admis par les juges qui considèrent qu’« il appartient en effet à une époque où le maniement des appareils photographiques numériques est devenu courant et banal, où les réglages se font généralement automatiquement sans plus aucune intervention humaine si ce n’est dans le choix du sujet et du déclenchement de l’appareil, d’exiger du demandeur à l’action en contrefaçon d’une photographie de définir de façon précise ce qui caractérise l’originalité de sa photographie et de dire où se trouve l’empreinte de sa personnalité ».

En l’espèce, un photographe conteste l’exploitation de deux photographies pour le packaging de bouteilles de cognac commercialisées par la société Hennessy et sollicite des dommages et intérêts sur le fondement de la contrefaçon.

La Cour d’appel confirme la décision du Tribunal de Grande Instance de Nanterre du 27 avril 2016 qui n’avait pas fait droit aux demandes du photographe.

Dans un premier temps, elle confirme que le photographe ne peut se prévaloir de la présomption de titularité des droits d’auteur de l’article L113-1 du code de la Propriété Intellectuelle dans la mesure où les photographies n’ont pas été divulguées sous son nom.

L’article L.113-1 du code de la Propriété Intellectuelle dispose que « la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée ».

Le législateur instaure une présomption simple. En l’espèce, le photographe ne pouvait pas se prévaloir de cette présomption dans la mesure où les photographies qu’il revendique, ont servi au packaging de bouteilles de cognac, sans aucune mention de son nom.

Le photographe doit donc prouver sa qualité d’auteur, ce qui n’a pas été établi en l’espèce. Ce dernier ne prouve pas que les deux photographies sur lesquelles il revendique des droits d’auteur soient celles visées par les factures versées notamment au débat.

Dans un second temps, la Cour d’appel considère que les œuvres photographiques en débat ne sont pas originales.

Elle rappelle à titre liminaire que la cession des droits d’auteur par l’agence de publicité à la société Hennessy est d’usage en la matière, et que ce seul élément ne saurait traduire de la part de la société Hennessy une reconnaissance de l’existence d’une oeuvre protégeable.

La Cour d’appel rappelle également qu’ « une photographie est originale lorsqu’elle résulte de choix libres et créatifs de son auteur témoignant de l’empreinte de sa personnalité » et que « ces choix peuvent être opérés avant la réalisation de la photographie, par le choix de la mise en scène, de la pose ou de l’éclairage, au moment de la prise, par le choix du cadrage, de l’angle de prise de vue, de l’atmosphère créée, ou au moment du développement.

En l’espèce, le photographe ne disposait pas d’une liberté créative dans la réalisation des photographies et son travail de cadrage, d’éclairage, de prise de vue et de retouche ne font que « manifester son habileté et son savoir-faire technique, mais ne démontrent pas le choix d’un parti pris esthétique ou ne manifestent pas un travail créatif original ».

Si l’exigence d’une commande n’exclut pas l’originalité des photographies, la Cour d’appel constate que des directives et des indications précises ont été imposées au phtographe par l’agence de publicité et compte tenu de l’objet de la commande (le packaging de bouteilles d’alcool), aucune fantaisie ni initiative créatrice n’était possible (cadre précis, emballage aux dimensions formatées).

[1] Cour de justice de l’Union européenne, 16 juillet 2009, C-5/08

Arrêt de la Cour d’appel de Versailles le 30 mars 2021-

Mots clefs : auteur, photographe, cour d’appel, droit d’auteur, protection, titulaire.

Auteur : Irène Kris, avocate à la Cour