Le 30 septembre 2021 va entrer en vigueur, après avoir fait l’objet d’un report de six mois, le code de la Justice Pénale des Mineurs (CJPM).

Il s’agit d’une réforme d’ampleur résultant de l’ordonnance du 11 septembre 2019 ratifiée par la loi du 26 février 2021.

A l’heure de l’écriture de cet article, la partie réglementaire de cette réforme n’a pas encore été adoptée ; elle est attendue pour mai / juin 2021.

La conception de la justice pénale des mineurs est entièrement repensée.

Très critiquée cette réforme a donné lieu à deux avis du Défenseur des Droits, avis annexés à cet article.

Cette présentation, qui sera complétée lors de la publication des mesures réglementaires, a pour objectif une présentation concrète des conditions d’application de cette réforme.

Quels seront les faits qui seront jugés avec ces nouvelles dispositions ?

Seuls les actes pour lesquels la poursuite sera déclenchée à partir du 30 septembre 2021 seront concernés.

Cela ressort expressément de l’article 10 de l’ordonnance modifiée : les faits pour lesquels les poursuites ont été engagées avant le 30 septembre 2021 restent soumis à l’ordonnance de 1945.

Sauf : en ce qui concerne les mesures éducatives et les mesures de sûreté lorsqu’elles sont plus favorables.

Quelles sont les modifications apportées par ce nouveau texte ?

Des pouvoirs modifiés concernant le Parquet :

Le procureur de la République arbitrera en ce qui concerne le discernement du mineur. (Article L 423-4 du CPJM). Ce point est important car le mineur peut être poursuivi à partir de l’âge de 13 ans.

C’est également le Parquet qui orientera le mineur devant un juge unique ou en collégiale. Ce point est critiqué car, concernant les majeurs, l’orientation des faits entre formation de jugement à juge unique ou en collégiale est fixée par un texte de loi.

Sur le plan procédural ; les modifications sont de trois ordres, elles concernent l’assistance du mineur lors de l’enquête préliminaire, le déroulement de la phase judiciaire de jugement du mineur, et les mesures coercitives.

La présentation, brève, traitera en dernier de la phase judicaire de jugement car c’est sans doute là que les bouleversements sont les plus importants.

Concernant l’assistance du mineur pendant la phase d’enquête préliminaire :

Désormais il n’existe aucune dérogation à la nécessité pour le mineur d’être assisté d’un avocat. Ainsi lorsque le mineur sera entendu en « audition libre » l’avocat devra être obligatoirement présent. Article L412-2 du CPJM

L’avocat est obligatoire à tous les stades de la procédure : retenue administrative, audition libre et garde à vue.

Toutes les dispositions relatives à l’accompagnement du mineur par un adulte approprié sont codifiées sous les articles L311-1 et suivants du CPJM

Désormais le mineur est donc toujours assisté d’un avocat et d’un adulte « référent »

Concernant les mesures coercitives :

Les dispositions relatives aux peines sont contenues aux articles L 121-1 à L 124-2 du CJPM.

Les possibilités de choix des peines sont modifiées.

Modification importante, il sera possible, en audience de cabinet, de prononcer une peine et non plus de simples mesures éducatives comme actuellement. Pour cela des réquisitions écrites du Parquet seront suffisantes.

Apparition de nouvelles mesures telles que l’ARSE : l’assignation à résidence sous surveillance électronique, aussi bien au stade de la sanction que de l’étape intermédiaire entre la décision de culpabilité et la décision prononçant la sanction.

Concernant le déroulement de la phase judiciaire du jugement du mineur :

La procédure d’instruction, avec saisine d’un Juge d'Instruction ne change pas. Le Juge d'Instruction reste compétent pour les procédures criminelles, les procédures mixtes (majeur/mineur) et sur réquisitions du Parquet.

En revanche, disparition de la mise en examen par le Juge des Enfants et de la procédure informelle d’instruction menée par ce dernier.

Le Juge des Enfants n’est plus compétent que comme juridiction de jugement.

La procédure est entièrement refondue.

Lorsqu’un mineur sera déféré il y aura deux possibilités une sorte de procédure assimilable à la COPJ* et l’autre à celle de la comparution accélérée.

Le principe est le jugement du mineur en deux audiences :

  • Une audience statuant sur la culpabilité
  • Une audience statuant sur la sanction

Entre ces deux audiences des mesures dites de « mise à l’épreuve éducative » auront lieu.

Le délai entre l’audience statuant sur la culpabilité et celle statuant sur la peine est de 6 à 9 mois.

Cette procédure, qualifiée de mise à l’épreuve éducative est prévue par les dispositions de l’article L 521-1 du CJPM.

Il est possible de demander la collégialité pur l’audience de culpabilité.

Il est possible de faire appel de la décision de culpabilité mais le code n’a pas prévu de caractère suspensif ni de délai imparti à la Cour d'Appel pour juger. Article L 531-3 CPJM

Il semble, mais les textes réglementaires le préciseront sans doute, que la décision qui prononce les mesures éducatives pendant la période d’observation soit indépendante et doive faire l’objet d’un appel séparé. Appel non suspensif.

Apparaissent le document unique de personnalité et le recueil de renseignements destinés à recueillir les informations concernant le mineur.

Entre les deux audiences, le Juge des Enfants est compétent pour modifier à tout moment les mesures éducatives mises en place.

Cette mise à l’épreuve éducative comportera différents modules portant sur la santé, l’insertion, la réparation mais aussi le placement.

Dans le module réparation apparait la médiation pénale mais qui serait menée par l’éducateur suivant le mineur et non un médiateur extérieur.

Il est également prévu que le service en charge de la mesure se rapproche de parents ou personnes ayant autorité sur le mineur afin de recueillir leur assurance de responsabilité civile et mettre en place la réparation.

Cette partie de la réforme relève de la partie réglementaire et il faut donc attendre les textes.

En ce qui concerne les victimes apparition d’audiences sur intérêts civils* entre l’audience de culpabilité et celle de sanction, voire après celle de sanction.

Cette césure en deux audiences avec une phase intermédiaire qui se veut à vocation éducative est le principe.

Cependant il sera possible que le mineur soit jugé lors d’une audience unique, à l’initiative du Parquet ;

Les conditions cumulatives sont :

-il existe déjà une mesure éducative si le rapport a moins d’un an ou le mineur a déjà fait l’objet d’une décision de culpabilité ou d’une peine il y a moins d’un an, ou si le mineur a refusé de donner ses empreintes

- pour les mineurs de moins de 16 ans, il faut que les faits soient punis d’une peine égale ou supérieure à 5 ans, et pour les mineurs de plus de 16 ans d’une peine de 3 ans

Dans ce cas de procédure accélérée avec une audience unique, le JLD* peut être saisit pour demander un placement en détention provisoire dans l’attente de l’audience. Cela n’est pas possible pour le mineur de moins de 13 ans, pour le mineur entre 13 et 16 ans, uniquement en matière criminelle, seul un CJ* pouvant être mis en place pour les faits de nature correctionnelle et possible pour les 16 ans et plus.

A l’issue de la garde à vue le Procureur peut décider de déférer le mineur et lors de ce déféremment l’avocat devra présenter des observations ;

Ce point est nouveau pour les mineurs : il sera important de faire valoir dès ce stade le caractère insuffisant de l’enquête, la nécessité d’une expertise pour apprécier le discernement du mineur, etc ;

Le Procureur pourra prendre des réquisitions pour des mesures éducatives, un CJ ou une ARSE*

Ce sera au Juge des Enfants de décider si ces mesures doivent être ordonnées.

Notons, à la suite de l'arrêt du Conseil Constitionnel du 09 avril 2021 QPC qui a déclaré inconstitutionnelles les dispostions de l'article 12 de l'ordonnance de 1945 qui ne prévoyaient pas que l'agent de la PJJ doit notifier au mineur le droit de garder le silence lors du RRSE, qu'une attention particulière devra être accordée à la rédaction du CJPM sur ce point.

Glossaire :

* COPJ : convocation par officier de police judiciaire : il s’agit à l’issue d’une mesure d’audition libre ou de garde à vue de remettre à la personne mise en cause (MEC) une convocation devant une juridiction de jugement. Cette convocation mentionne les faits retenus contre le MEC, la qualification juridique des faits, la juridiction qui va juger l’affaire ainsi que la date et l’heure de l’audience.

* JLD : Juge des Libertés et de la Détention : il s’agit d’un magistrat du siège qui a pour fonction d’examiner, notamment, les demandes de placement en détention provisoire. C’est aussi ce magistrat qui autorise des mesures d’enquête portant atteinte à une liberté (mise sous écoute etc ;)

* CJ : contrôle judiciaire : il s’agit d’une mesure destinée à s’assurer de la représentation en justice d’une personne, en attendant son jugement ou la fin d’une mesure d’instruction, qui comporte différentes obligations allant d’un pointage régulier dans un commissariat, gendarmerie ou service, de communiquer tout changement d’adresse, de ne pas quitter la France, à l’obligation de suivre des soins, de ne pas se rendre dans certains lieux ou de ne pas entre en contact avec certaines personnes par exemple

*ARSE : nouvelle mesure concernant les mineurs l’assignation à résidence sous surveillance électronique n’est pas assimilable à l’exécution de peine sous bracelet électronique des majeurs ; elle est prévue par l’article L 333-1 CPJM

* audience sur intérêts civils : le juge pénal est compétent pour prononcer des décisions qui relèvent du droit civil : réparation des différents dommages : matériel, moral, physique, frais de représentation en justice etc. ces audiences ne concernent que les réparations et donc des mesures civiles. Les victimes ne sont pas obligées de se constituer partie civile devant le juge pénal et peuvent choisir de saisir un juge civil. Une fois le choix opéré (partie civile devant le juge pénal ou saisine du juge civil) il est irrévocable selon le principe « una via electa » : on choisit une des voies, pas les deux.

 

Pour aller plus loin

Fiche sur la justice pénale des mineurs juillet 2020 du Défenseur Des Droits

Défenseur Des Droits : AVIS 20191213 n°19-14 du 13 décembre 2019

Défenseur Des Droits DEC _20190709 n°2019-172 du 9 juillet 2019