Par un arrêt du 30 juin dernier, la Cour de Cassation est venue rappeler les conditions d’application de la prescription abrégée à deux ans, encadrant l’action du professionnel à l’encontre de son Client consommateur.

La prescription, c’est-à-dire le délai prévu par la loi pour saisir la Justice, notamment en cas de difficulté rencontrée lors de l’exécution d’un contrat, est par principe de 5 ans.

Cependant, l’article L. 218-2 du code de la consommation prévoit : « l’action des professionnels, pour les biens et services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ».

Ainsi, le droit de la consommation réduit ce délai à seulement 2 ans lorsque le contrat est conclu entre tout professionnel, quelque soit son activité (entrepreneur de bâtiment, avocat, commerçant…) et un consommateur, c’est-à-dire une personne qui n’a pas conclu ledit contrat dans le cadre de son activité professionnelle.

La notion de professionnel ne se limite pas à celle de commerçant puisque l’article liminaire du code de la consommation le définit comme « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ».

Le professionnel dispose donc d’une fenêtre d’action particulièrement réduite pour agir contre son Client consommateur en cas de non-paiement, étant précisé qu’une simple relance ne vient ni suspendre ni interrompre ce court délai.

C’est pourquoi la Cour de cassation a réaffirmé le caractère dérogatoire de ce régime de prescription abrégée en rappelant la stricte définition du consommateur protégé par ces dispositions d’exception.

Les faits concernent un architecte venant solliciter le paiement de ses honoraires 4 ans après la conclusion du contrat.

La mission de l’architecte s’inscrivait dans le cadre d’un projet de construction d’un immeuble de cinquante-six appartements avant sa vente par lots.

Seul problème : le Client était professeur d’université, activité sans lien avec la promotion immobilière, et était assisté d’un Notaire pour traiter les problématiques juridiques posées par ce projet de construction.

Ces éléments ont donc conduit le Tribunal Judiciaire d’Evreux, puis la Cour d’appel de Rouen a considéré que le Client était bien un consommateur et qu’il n’avait donc pas contracté avec l’architecte à des fins professionnelles.

Cependant, et indépendamment de la profession du Client, le Code de la consommation s’intéresse seulement à l’objectif du contrat pour déterminer l’application du régime de prescription abrégée.

Ainsi, le but de la construction reposait sur la commercialisation future de lot et non sur une utilisation personnelle, notamment pour y résider.

Le contrat conclu entre l’architecte et le client l’était donc bien à des fins commerciales et échappe donc aux dispositions protectrices du droit de la consommation.

Le délai de 5 ans s’applique donc pour le recouvrement des honoraires de l’architecte.

Cet arrêt est par exemple à rapprocher d’une décision de 2017 par laquelle la Cour de cassation avait déjà considéré qu’un prêt litigieux était destiné à financer une activité professionnelle dès lors qu’il concernait l’acquisition de lots de copropriété en vue de leur location en meublé, ce même si ladite activité était accessoire pour le Client (Civ. 1re, 25 janv. 2017, n° 16-10.105).

En rappelant le critère unique de l’objectif du Contrat, indépendamment des compétences personnelles ou de l’activité professionnelle dominante du Client, la Cour de cassation assure une lecture simplifiée des différents délais de prescriptions applicables et permet ainsi aux professionnels de préserver leurs droits.

Article rédigé par Odile Haxaire pour le cabinet Axiome Avocats.