Lorsqu’un dirigeant, qui exerce de fait ou de droit, directement ou indirectement, la direction effective d'une société, est responsable des manœuvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par ladite société, ce dirigeant peut, être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités (art 267 LPF).

Toutefois, cette disposition du livre des procédures fiscales doit être mise en perspective à l’aune d’autres dispositions et notamment celles régissant les procédures collectives, ce que fait précisemment la Chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 24 novembre dernier (Cass. Com., 24 nov. 2021, n° 18-25.864).

Les faits de l’espèce étaient les suivants : le comptable public a assigné l’ancien dirigeant d’une société - mise en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire 3 ans plus tard -, afin que ce dernier soit déclaré solidairement responsable du paiement d'impositions dues par la société en question.

Les juges du fond ont condamné le dirigeant à payer plus de 500 000 € au titre, notamment, du non-reversement, par la société, de la TVA encaissée auprès des clients et dont le montant avait été systématiquement minoré dans les déclarations, pendant plus de 2 ans.

La décision des juges du fond a été validée par la Cour de cassation quant au principe de la responsabilité fiscale du dirigeant, laquelle a néanmoins été restreinte par la Haute juridiction à certaines périodes de la vie de la société. Ce qui a conduit la Cour de cassation à réduire le montant de la condamnation prononcée contre le dirigeant.

Ainsi, la Cour de cassation rappelle indirectement que :

  • l’ouverture d’une procédure de redressement judicaire (il en est de même pour la sauvegarde), emporte de plein droit interdiction de payer toute créance née avant ce jugement, et que tout paiement fait en violation de cette interdiction est nul à la demande de tout interessé ou duministère public. Par conséquent, le dirigeant d’une société ne peut être déclaré solidairement responsable avec celle-ci du paiement de la TVA si la date limite pour y procéder correspond au jour du jugement d’ouverture de la procédure collective à l’égard de la société emportant, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement à celui-ci. En effet, en l’espèce, les juges du fond avaient condamné le dirigeant de la société notamment au paiement de la TVA due au titre du mois qui précédait la mise en redressement judiciaire de la société, devenue exigible le jour du jugement ayant ouvert cette procédure.

 

  • l’ouverture d’une liquidation judicaire emporte de plein droit le dessaisissement pour le dirigeant de la société en liquidation, des pouvoirs de l’administration et de la disposition des biens de la société. Ces pouvoirs sont automatiquement transférés au liquidateur nommé par le jugement d’ouverture. Dans ces conditions, il est impossible pour le dirigeant de s’acquitter de l’impôt dû par la société, dès lorsqu’il a été dessaisit de ses pouvoirs d'administration et de disposition. Or, en l’espèce, les juges du fond avaient condamné le dirigeant à payer la TVA du mois précédant la mise en liquidation judiciaire et celle du mois au cours duquel cette liquidation avait été prononcée. La Cour de cassation invalide donc cette condamnation sur le fondement de l’interdiction de gestion faite au dirigeant d’une société placée en liquidation.

 

Conseil : il ressort de ce qui précède que si votre société fait l’objet d’un redressement ou d’une liquidation judicaires, vous pouvez, en votre qualité de dirigeant fait ou de droit et sous certaines conditions, être condamné solidairement avec la société, à payer l’impôt dû par cette dernière.  

Toutefois, vous pouvez vous exonérer de votre responsabilité fiscale en démontrant que vous n’exerciez pas sur la période en question, la direction effective de la société, par exemple en prouvant que :

  • vous aviez délégué les pouvoirs de gestion à une autre personne (physique ou morale),
  • la gestion effective de la société était assurée par une autre associé que vous, etc.

Pour plus de conseils, n’hésitez pas à contacter notre Cabinet, lequel pourra vous conseiller et assister en amont de tout litige, ainsi que d’assurer votre défense si votre responsabilité est d’ores et déjà recherchée par devant les tribunaux.

 

Mardi, 28 décembre 2021