Le contrat de travail peut prévoir une rémunération comportant une part variable, ce qui est le cas généralement pour les commerciaux. L’employeur et le salarié fixent chaque année et d’un commun accord les objectifs permettant de calculer le montant de la prime dénommée prime de résultat, sur objectifs ou bonus.

Aux termes de la jurisprudence, en cas de litige, il appartient au juge de déterminer cette rémunération variable en fonction notamment des critères prévus par le contrat de travail et des accords intervenus les années précédentes.

Dans une affaire soumise récemment à la Cour de cassation, l’employeur avait été défaillant dans son obligation d’engager une concertation pour fixer les objectifs annuels. (Cass. soc., 4 novembre 2021, nº 19-21.005)

Le contrat de travail

Le contrat de travail du salarié comportait la clause suivante :

 « Article 4 – Rémunération

La rémunération de Monsieur [F] [V] sera de cinquante mille (50 000) euros répartis sur douze (12) mois, auxquels s'ajoute une rémunération variable annuelle de quinze mille (15 000) euros indexée en fonction de ses objectifs de vente à atteindre. Cette rémunération est forfaitaire et fonction du nombre annuel de jours de travail fixée au présent contrat, déduction faite de la journée de solidarité.

Les objectifs de chiffre d'affaires à atteindre sont fixés chaque année, après concertation avec la Direction et en phase avec la stratégie de développement de l'entreprise […] ".

La société avait donc contractuellement  l'obligation d'engager chaque année une concertation avec le salarié en vue de fixer les objectifs dont dépendait la partie variable de sa rémunération.

Faits et procédure

Un salarié a été engagé le 2 avril 2013 par la société Siradel en qualité de account manager EMEA, moyennant une rémunération fixe à laquelle s'ajoutait une rémunération variable annuelle (prime de résultat) en fonction de l'atteinte des objectifs de vente.

Le 29 avril 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives tant à l'exécution qu'à la rupture de son contrat de travail.

La société Siradel a formé un pourvoi contre l'arrêt rendu le 12 juin 2019 par la cour d'appel de Rennes qui a fait droit aux demandes du salarié et lui a notamment accordé 23.000 € à titre de rappel de prime de résultat et 2.300 € au titre des congés payés y afférents.

L’argumentation de la société

L'employeur faisait grief à l'arrêt de l’avoir condamné à payer au salarié ces sommes à titre de rappel de prime de résultat et les congés payés afférents.

Il faisait valoir que le droit à une rémunération variable résulte du contrat de travail, et à défaut d'accord entre l'employeur et le salarié sur le montant de cette rémunération, il incombe au juge de la déterminer en fonction des critères visés au contrat de travail et des accords conclus les années précédentes et, à défaut, des données de la cause.

Il estimait que si l'objectif de résultats, dont le contrat de travail fait dépendre la rémunération variable, n'a pas été déterminé, il appartient au juge de le fixer selon les mêmes critères.

La cour d'appel a constaté, en l'espèce, que les objectifs conditionnant le paiement de la prime annuelle de résultat devaient être, selon le contrat de travail, fixés annuellement en concertation entre le salarié et l'employeur.

L’employeur reprochait à la cour d’avoir fait droit à la demande du salarié qui réclamait, pour les années 2013 à 2016, le paiement intégral de la prime d'objectifs, au motif que les objectifs annuels n'avaient jamais été fixés.

Il estimait qu'en statuant de la sorte, alors qu'il lui incombait de les fixer elle-même en fonction des critères visés au contrat de travail et des accords conclus les années précédentes et, à défaut, des données de la cause, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 du Code du travail et 1134 devenu 1103 du code civil.

La position de la Cour de cassation

La chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme la décision de la cour d’appel.

« La cour d'appel, qui a constaté que l'employeur avait manqué à son obligation contractuelle d'engager chaque année une concertation avec le salarié en vue de fixer les objectifs dont dépendait la partie variable de la rémunération, a, sans méconnaître son office, décidé à bon droit que la rémunération variable contractuellement prévue devait être versée intégralement pour chaque exercice. »

Cette solution est dans la ligne d’autres décisions rendues par la haute Cour qui a estimé que lorsque la part variable de la rémunération dépend d’objectifs fixés unilatéralement par l’employeur et que celui-ci s’abstient de les fixer, la rémunération doit être versée au salarié intégralement à hauteur du bonus maximum :

« Mais attendu, d'abord, qu'ayant relevé que le contrat de travail du salarié prévoyait le paiement d'une prime variable de 6 000 euros en considération de l'atteinte des objectifs fixés, la cour d'appel qui, motivant sa décision, a constaté qu'aucun objectif n'avait été fixé au salarié pour 2006 et retenu à bon droit, d'une part, que le montant de la prime ne pouvait dépendre de critères personnels au salarié étrangers à la réalisation des objectifs, d'autre part, que la signature par le salarié de son compte rendu d'évaluation ne pouvait valoir renonciation de sa part à contester le montant de sa prime variable ou adhésion au montant décidé par l'employeur, a pu décider, au vu des éléments de la cause, que le salarié était fondé à prétendre au paiement de la prime dans son intégralité. » (Cass. soc., 24 octobre 2012, nº 11-23.843)

La Cour de cassation a également jugé que lorsque le contrat de travail prévoit que la rémunération variable dépend d'objectifs fixés annuellement par l'employeur, le défaut de fixation desdits objectifs constitue un manquement justifiant la prise d'acte de la rupture par le salarié (Cass. soc. 29-6-2011 n° 09-65.710)

Conclusion

L’employeur ne peut pas invoquer sa propre carence pour s'opposer au paiement de la prime de résultat et le cas échéant, s’en remettre au juge pour déterminer la rémunération variable. 

La rédaction du contrat de travail est d’importance.

S’il ne respecte pas son obligation prévue au contrat de travail d'engager chaque année une concertation avec le salarié en vue de fixer les objectifs dont dépend la partie variable de la rémunération, l’employeur s’expose à ce que le juge le condamne à verser intégralement au salarié la rémunération variable contractuellement prévue.