Chana Orloff (1888-1968) était une artiste juive française, originaire d’Odessa.
 
Les sculptures de son atelier ont été détruites pendant la Seconde Guerre Mondiale.
 
Un litige oppose aujourd’hui ses héritiers notamment à Christie's.
 
Le Président du TJ de Paris a été saisi par les héritiers de Chana Orloff d’un recours fondé sur l’ordonnance n°45-770 du 21 avril 1945 sur la nullité des actes de spoliation accomplis par l'ennemi.
 
Ce texte, adopté à la Libération, organise la procédure permettant de prononcer la nullité des actes de spoliation et d’ordonner la restitution des biens spoliés.
 
En particulier, l’art. 17 prévoit que le Président du Tribunal doit statuer « en la forme des référés ».
 
Cette procédure dite « en la forme des référés » est très originale : elle suit les formes et les délais de la procédure de référé mais aboutit à une décision au fond, c’est-à-dire qui a l'autorité de la chose jugée au principal.
 
Surtout, elle a l’avantage d’être plus rapide et plus souple que la procédure au fond de droit commun.
 
Problèmes :

  • cette procédure est désignée, selon les textes, sous pas moins de 12 appellations différentes (« dans la forme des référés », « comme en matière de référé » etc.)
  • ces expressions, en faisant référence au « référé », sont trompeuses

C’est pourquoi l’ordonnance n°2019-738 du 17 juillet 2019 a remplacé ces expressions par la nouvelle appellation « procédure accélérée au fond ». L'idée est toujours la même : le juge statue au principal, mais emprunte la forme des référés.

Mais l'ordonnance n’a pas opéré pas une substitution générale de la procédure « en la forme des référés » en la transformant automatiquement en « procédure accélérée au fond ». C’eût été trop simple.

Au contraire, l’ordonnance précise, parmi les textes auparavant soumis à la procédure « en la forme des référés », ceux qui relèvent de la procédure accélérée au fond (procédure inchangée), et ceux qui relèvent désormais de la procédure de droit commun.
 
Cependant, l’ordonnance est muette quant à l’ordonnance de 1945 qui vise la procédure « en la forme des référés » : faut-il comprendre que le juge doit désormais statuer selon la procédure accélérée au fond ou selon la procédure de droit commun ?

Le Président du TJ, saisi dans l’affaire Chana Orloff c/ Christie's, a formé une demande d’avis à la Cour de cassation.

Dans un avis du 14 septembre 2022 publié au JO du 21 septembre 2022, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation a indiqué que le Président du TJ devait statuer selon la procédure accélérée au fond.

La Cour rappelle que l’objectif de l’ordonnance de 1945 est de permettre aux propriétaires dépossédés de rentrer en possession de leurs biens grâce à une procédure rapide et peu coûteuse. Il est donc conforme à cet objectif que le Président du TJ statue désormais selon la procédure accélérée au fond.