RUPTURE D’UN CONCUBINAGE : PEUT-ON FAIRE LES COMPTES ?

En France, trois formes d’union coexistent : le mariage, le pacte civil de solidarité (PACS) et le concubinage. Ces trois formes de conjugalité sont bien distinctes et bénéficie chacune de leurs propres règles, tant sur la vie commune que sur la rupture.

LE CONCUBINAGE EST UNE SITUATION DE FAIT

Le concubinage est consacré par un seul texte du Code civil. L’article 515-9 du Code civil définit le concubinage :

« Le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ».

Il en résulte que le concubinage est une union purement factuelle, ce qui l’oppose au mariage et au PACS. Elle se caractérise par la situation de deux personnes qui sont en couple et vivent ensemble de manière stable et continue.

Le concubinage est une situation qui ne produit aucun effet juridique. Aucune règle ni protection n’est prévue pour organiser la vie ou la séparation des concubins, à l’instar de partenaires pacsés ou de couples mariés.

LES MESURES RELATIVES AU MARIAGE ET AU DIVORCE NE PEUVENT PAS S’APPLIQUER EN MATIÈRE DE CONCUBINAGE

« J’ai sacrifié ma carrière professionnelle pour me consacrer à l’éducation de nos enfants, est-ce que je peux demander une indemnité ? »

« Ma concubine a des revenus supérieurs à moi, est-ce que je peux demander une pension alimentaire ? »

Très souvent, les couples non mariés souhaitent bénéficier des mesures prévues dans le cadre du mariage et du divorce (contribution aux charges du mariage, pension alimentaire, prestation compensatoire,..). Or, les textes prévus en cas de dissolution d’un mariage ne sont pas applicables aux situations de concubinage, ni aux partenaires pacsés. Concrètement, aucune demande de pension alimentaire, ni de prestation compensatoire ne peut voir le jour, même si l’un estime avoir sacrifié sa carrière professionnelle dans l’intérêt du couple, ou qu’il existe une différence de revenu entre les deux.

Pour autant, cela ne signifie pas qu’aucune demande financière n’est possible.

Notre cabinet est régulièrement interrogé au sujet de la répartition des dépenses lors de la vie commune.

EST-CE QUE JE PEUX RÉCLAMER LE REMBOURSEMENT DE DÉPENSES EFFECTUÉES DURANT LA VIE COMMUNE À LA SÉPARATION ?

De manière générale, on distingue deux types de dépenses :

  1. Les dépenses de la vie courante

« J’ai payé beaucoup plus de dépenses au quotidien que mon concubin, est-ce que je peux lui demander le remboursement ? ».

Contrairement aux couples mariés, les concubins ne sont légalement pas tenus de contribuer aux charges de la vie courante. En l’absence de convention expresse s’agissant de la répartition des dépenses, les juges sont très réticents à faire droit aux demandes de remboursement.

La jurisprudence est constante sur ce point :

« Attendu qu'aucune disposition légale ne règle la contribution des concubins aux charges de la vie commune, de sorte que chacun d'eux doit, en l'absence de volonté exprimée à cet égard, supporter les dépenses de la vie courante qu'il a engagées » (Cour de Cassation, Première chambre civile, 19 Décembre 2018, pourvoi n°18-12.311).

En conséquence, chacun doit supporter seul les frais exposés pour le ménage. Aucune demande de remboursement lors de la séparation ne pourra aboutir, même si le concubin estime avoir contribué de manière excessive aux charges du quotidien.  

  1. Les dépenses d’investissement

«  Nous avons acheté une maison mais j’ai payé plus que ma part, est-ce que je peux lui demander de me rembourser ? »

Lorsqu’un concubin finance seul ou dans une proportion supérieure à l’autre l’acquisition d’un bien, il a droit au remboursement du surplus, conformément à l’article 815-13 du Code civil.

Néanmoins, il arrive bien souvent que le remboursement soit refusé par le juge au motif que cette dépense constitue une participation normale aux charges de la vie courante. Concrètement, si un couple achète par moitié un bien, que l’un a financé plus que la moitié mais qu’il ne réglait aucune dépense du quotidien (courses, factures,..) alors il ne pourra pas solliciter le remboursement du surplus.

« Nous avons acheté un bien mais j’ai payé seul l’emprunt immobilier, est-ce que je peux lui demander la moitié ? »

À titre d’exemple, le règlement des échéances est considéré comme relevant de la participation normale aux charges du ménage, la contrepartie étant d’avoir profité de ce logement. Aucun remboursement ne pourra être demandé, peu important que le bien appartienne à l’un ou aux deux concubins.

En pratique, le juge va examiner au cas par cas chaque situation familiale et rechercher l’existence d’une cause justifiant les dépenses. Si le concubin parvient à démontrer l’absence d’une intention libérale et qu’aucune contrepartie ne pallie cette dépense, alors il pourra envisager un recours contre l’autre.

CONCLUSION - LES CONSEILS D’AVOCATLANTIC

Il est important d’avoir à l’esprit que les demandes de remboursement sont soumises à une prescription quinquennale, ce qui signifie qu’aucun recours ne sera recevable cinq ans après la dépense faite.

En pratique, il est n’est pas simple de refaire les comptes, compte-tenu du temps qui passe, de la carence de preuve et de la réticence des juges à revenir sur le passé.

Pour autant, des moyens juridiques pertinents existent afin de parvenir au remboursement de certaines dépenses, sous réserve d’appliquer quelques recommandations.

Pour soutenir au mieux vos demandes, voici nos conseils :

  1. Conserver les factures d’achats

 

  1. Ne pas faire transiter les sommes vers un compte joint pour régler les factures mais procéder directement au paiement depuis votre compte vers l’entreprise, soit par chèque soit par carte bancaire pour conserver des preuves.

Par exemple, si vous réglez seul un artisan, ne déposez pas la somme d’argent sur un compte-joint pour ensuite procéder au paiement, mais faites-le directement depuis votre compte. De cette façon, vous pourrez justifier de ce que vous avez bien pris personnellement en charge cette dépense.

En cas de besoin, l’avocat du barreau famille est à votre disposition pour vous conseiller sur les moyens juridiques à mettre en œuvre dans le cadre d’une telle procédure.

Amélie FERNANDEZ, élève-avocate à l’Ecole des Avocats du Grand Ouest (EDAGO, Rennes).

Pascal LIMOUZIN, responsable du pôle droit de la famille au sein de AVOCATLANTIC