Par son avis n° 22-70003 du 18 mai 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation a exposé les conditions dans lesquelles un mineur peut faire l'objet de soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète.

Elle a jugé que « l'article L. 3211-10 du code de la santé publique s'analyse comme interdisant toute mesure d'hospitalisation d'un mineur décidée sur le fondement de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique par le directeur d'établissement à la demande d'un tiers ou des titulaires de l'exercice de l'autorité parentale ».

En effet, l'article L. 3211-10 du code de la santé publique prévoit :

« Hormis les cas prévus au chapitre III du présent titre, la décision d'admission en soins psychiatriques d'un mineur ou la levée de cette mesure sont demandées, selon les situations, par les personnes titulaires de l'exercice de l'autorité parentale ou par le tuteur. En cas de désaccord entre les titulaires de l'exercice de l'autorité parentale, le juge aux affaires familiales statue. »

Il a donc paru exclu à la Cour de cassation qu’un mineur puisse faire l’objet de soins psychiatriques sur décision du directeur d’un établissement autorisé en psychiatrie chargé d'assurer les soins psychiatriques sans consentement, sur le fondement de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, qui en prévoit la possibilité lorsqu’une personne est atteinte de troubles mentaux rendant impossible son consentement aux soins qu’appelle son état mental, et que celui-ci impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l'article L. 3211-2-1 du code de la santé publique (soins ambulatoires, soins à domicile dispensés par un établissement mentionné au même article L. 3222-1, séjours à temps partiel ou séjours de courte durée à temps complet effectués dans un établissement mentionné audit article L. 3222-1 du code la santé publique).

Dans la situation ainsi prévue par l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, le directeur de l’établissement prononce l’admission du patient, en principe, sur la demande présentée par un membre de la famille du malade ou par une personne justifiant de l'existence de relations avec le malade antérieures à la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celui-ci, à l'exclusion des personnels soignants exerçant dans l'établissement prenant en charge la personne malade (1° du II de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique).

S’il s'avère impossible d'obtenir une telle demande par un tiers, l’admission peut être également prononcée par le directeur de l’établissement, en cas, à sa date, de péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical, établi dans les conditions prévues au troisième alinéa du 1° du II de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, constatant l'état mental de la personne malade et indiquant les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins (2° du II de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique).

La Cour de cassation a donc jugé le dispositif ainsi régi par l'article L. 3212-1 du code de la santé publique inapplicable au mineur qui devrait faire l’objet de soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète, en relevant, dans son avis du 18 mai 2022, que « l'article L. 3211-10, qui ne prévoit que l'admission en soins psychiatriques libres à la demande des titulaires de l'exercice de l'autorité parentale ou du tuteur et, par renvoi au seul chapitre III du titre 1er, l'admission en soins psychiatriques contraints sur décision du représentant de l'Etat, exclut par conséquent l'admission en soins psychiatriques contraints sur décision du directeur d'établissement à la demande d'un tiers ou des titulaires de l'exercice de l'autorité parentale » (paragraphe 3).

Est ainsi réservé, en premier lieu, le pouvoir du représentant de l'Etat dans le département, prévu par l’article L. 3213-1 du code de la santé publique, relevant du chapitre III du titre Ier du livre II de la troisième partie de ce code, en vertu duquel le préfet peut prononcer « l’admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. »

L’avis du 18 mai 2022 précise que le patient « peut alors, dans les conditions prévues à l'article L. 3222-5-1 précité, être placé en isolement ou sous contention pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour lui ou autrui » et que « le juge des libertés et de la détention exerce un contrôle obligatoire et systématique de la mesure, en application de l'article L. 3211-12-1, et peut, sur le fondement de l'article L. 3211-12, à tout moment, se saisir d'office ou être saisi aux fins de mainlevée immédiate soit de la mesure de soins psychiatriques, soit de la mesure d'isolement ou de contention, par les personnes visées à ce même texte. »

En deuxième lieu et sans que cette exception résulte de l’article L. 3211-10 du code de la santé publique, l’hospitalisation sans consentement du mineur dont l’état mental nécessiterait des soins psychiatriques pourrait aussi résulter « d’une décision de la chambre de l'instruction ou d'une juridiction de jugement, prononcée à la suite d'une déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale. »

La Cour de cassation précise que « le régime de cette hospitalisation est, pour l'essentiel, celui prévu pour les admissions en soins psychiatriques prononcées en application de l'article L. 3213-1 précité », tel que le prévoit la dernière phrase de l’article 706-135 du code de procédure pénale.

En troisième lieu, selon l’avis du 18 mai 2022, un mineur peut également faire l'objet de soins psychiatriques, sous la forme d'une hospitalisation complète, « sur décision de placement prise par le juge des enfants en assistance éducative sur le fondement des articles 375, alinéa 1er, et 375-3, 5°, du code civil et dans les conditions prévues à l'article 375-9, si sa santé est en danger et si sa protection l'exige, ou par le procureur de la République, en cas d'urgence, à charge pour lui de saisir dans les huit jours le juge compétent sur le fondement de l'article 375-5, 2° (du code civil) ».

Le 5° de l’article 375-3 du code civil dispose ainsi que le mineur peut, notamment, être confié « à un service ou à un établissement sanitaire ou d'éducation, ordinaire ou spécialisé ».

Dans le cas d’un placement ainsi décidé par le juge des enfants, il est prévu que « la décision confiant le mineur, sur le fondement du 5° de l'article 375-3, à un établissement recevant des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux, est ordonnée après avis médical circonstancié d'un médecin extérieur à l'établissement, pour une durée ne pouvant excéder quinze jours. / La mesure peut être renouvelée, après avis médical conforme d'un psychiatre de l'établissement d'accueil, pour une durée d'un mois renouvelable » (article 375-9 du code civil).

Comme l’avis du 18 mai 2022 le rappelle, « lorsque la santé ou l'intégrité corporelle d'un mineur risquent d'être compromises par le refus du représentant légal du mineur ou l'impossibilité de recueillir le consentement de celui-ci, le médecin responsable du service peut saisir le ministère public afin de provoquer les mesures d'assistance éducative lui permettant de donner les soins qui s'imposent » (article R. 1112-35, alinéa 4, du code de la santé publique).

Enfin et en quatrième lieu, l’avis du 18 mai 2022 indique que l’hospitalisation complète d’un mineur en soins psychiatriques peut se faire, conformément à l'article L. 3211-10 du code de la santé publique, « à l’initiative des titulaires de l'exercice de l'autorité parentale, qui, chargés conformément à l'article 371-1 du code civil de le protéger dans sa santé, demandent son admission et autorisent les soins sur le fondement des articles L. 3211-10 et L. 3211-1, alinéa 1er, du code de la santé publique, le juge aux affaires familiales statuant en cas de désaccord entre eux, ou à l'initiative du tuteur ».

La Cour de cassation en déduit que « le mineur est alors en soins psychiatriques libres en application de l'article L. 3211-2, alinéa 1er, de sorte que sa situation n'est pas soumise au contrôle du juge des libertés et de la détention et que ne peuvent être mises en œuvre un isolement ou une contention, mesures de dernier recours qui, selon l'article L. 3222-5-1, ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement. »

Elle précise que « le mineur, dont le consentement doit être recherché, conformément à l'article L. 1111-4, et qui conteste les soins psychiatriques, a, selon l'article 375 du code civil, la possibilité de saisir le juge des enfants au motif que sa santé est en danger ou que les conditions de son développement sont gravement compromises ».

Il se pourrait cependant que le contrôle éventuel de l’autorité judiciaire ainsi envisagé ne soit pas des mieux adaptés, étant d’ailleurs, semble-t-il, subordonné à une initiative du mineur.

Le premier alinéa de l’article 375 du code civil n’organise d’ailleurs pas spécifiquement un tel recours ; puisqu’il dispose seulement, d’une manière générale :

« Si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l’un d’eux, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public. Dans les cas où le ministère public a été avisé par le président du conseil départemental, il s’assure que la situation du mineur entre dans le champ d’application de l’article L. 226-4 du code de l’action sociale et des familles. Le juge peut se saisir d’office à titre exceptionnel. »

Le mineur risquerait ainsi de bénéficier d’une moindre protection que si son hospitalisation sans son consentement personnel avait dû intervenir, également à la demande de l’un ou l’autre de ses parents, au titre du 1° du II de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, auquel cas elle n’aurait pu se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement, ait statué sur cette mesure avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de l'admission prononcée (1° du I de l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique).

La question pourrait alors se poser de la conformité de l’article 375 du code civil, en tant que fondement d’un recours, subordonné à une initiative du mineur, en contestation des soins psychiatriques dont il ferait l’objet sous forme d’hospitalisation complète, devant le juge des enfants, à la Constitution du 4 octobre 1958, notamment à son article 66 plaçant la liberté individuelle sous la sauvegarde de l’autorité judiciaire et dont le Conseil constitutionnel a jugé qu’il serait méconnu, faute pour le législateur, de prévoir qu’une hospitalisation « sans consentement » « peut être maintenue au delà de quinze jours sans intervention d'une juridiction de l'ordre judiciaire » (CC 26 novembre 2010, n° 2010-71 QPC, paragraphe 25 ; cf. CC 9 juin 2011, n° 2011-135/140, paragraphe 13, et 20 avril 2012, n° 2012-235 QPC, paragraphe 16).