Réparation d'une perte de chance - préjudice - réparation non intégrale

Cour de cassation - Chambre commerciale

  • N° de pourvoi : 22-15.358
  • ECLI:FR:CCASS:2023:CO00718
  • Non publié au bulletin
  • Solution : Cassation partielle

Audience publique du mercredi 08 novembre 2023

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, du 22 février 2022

Président

M. Vigneau (président)

Avocat(s)

SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP L. Poulet-Odent

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 novembre 2023

Cassation partielle


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 718 F-D

Pourvoi n° Y 22-15.358

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 8 NOVEMBRE 2023

1°/ La société Fiduciaire nationale d'expertise comptable - Fidexpertise, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ la société MMM IARD, société anonyme,

3°/ la société MMA IARD assurances mutuelles, société d'assurance mutuelle à cotisations fixes,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° Y 22-15.358 contre l'arrêt rendu le 22 février 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige les opposant à la société AD patrimoine, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Alt, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable - Fidexpertise, et des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société AD patrimoine, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Alt, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 22 février 2022), la société AD patrimoine exerce une activité d'agent commercial, de conseil en constitution et en gestion de patrimoine, et de courtage d'assurance. Elle avait confié au cabinet Fiducial Expertise, devenu la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable – Fidexpertise, une mission comptable à compter de 2001 et jusqu'au 31 décembre 2007.

2. En 2008, la société AD patrimoine, qui avait jusque là appliqué la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), a été informée par son nouvel expert-comptable que son activité était exonérée de cet impôt.

3. Elle a assigné la société Fidexpertise en indemnisation de son préjudice. Les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, assureurs de la société Fidexpertise, sont intervenues volontairement à l'instance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société Fidexpertise et les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles font grief l'arrêt de les condamner in solidum à payer à la société AD patrimoine la somme de 99 861 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice, alors que « la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'en retenant que l'indemnisation de la perte de chance, subie par la société AD patrimoine, de convertir en bénéfice la TVA qu'elle avait indûment appliquée durant les exercices 2000 à 2007, devait être évaluée à la somme de 99 861 euros, correspondant à la totalité du montant de la TVA indûment appliquée pendant cette période, la cour d'appel, qui a indemnisé la perte de chance à hauteur de la totalité du préjudice subi, a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et le principe de la réparation intégrale du préjudice :

5. Il résulte de ce texte et de ce principe que la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.

6. Après avoir retenu que la société AD patrimoine avait, du fait des manquements de la société Fidexpertise, perdu une chance raisonnable de convertir en un bénéfice la TVA indûment appliquée sur diverses prestations au cours des exercices 2000 à 2007, l'arrêt condamne cette dernière au paiement de dommages et intérêts correspondant aux montants perçus à ce titre et reversés au Trésor public.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a alloué à la société AD patrimoine une somme correspondant à la totalité de l'avantage que lui aurait procuré la chance de convertir en bénéfice la TVA indûment appliquée si elle s'était réalisée, a violé le texte et le principe susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le jugement, il condamne in solidum la société Fidexpertise et les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles à payer à la société AD patrimoine la somme de 99 861 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel, l'arrêt rendu le 22 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société AD patrimoine aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:CO00718

Publié par ALBERT CASTON à 16:15  

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