La faute inexcusable de l'employeur à l'origine d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail est l'œuvre de la Cour de cassation qui a notamment jugé, à l'occasion de plusieurs arrêts célèbres rendus le 28 février 2002, que « en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ; le manquement à cette obligation à le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qui n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ».

Bien évidemment, tout le débat tient dans la notion de « conscience du danger », à charge ensuite pour le juge de dire si l'employeur a pris les mesures nécessaires pour préserver ses salariés de tout risque de maladie professionnelle ou d'accident du travail.

Et c'est ainsi notamment que la Cour de cassation a affiné sa jurisprudence en considérant qu'il était indifférent que la faute commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident (ou de la maladie), même en cas de faute concourante de la victime (salariée) ; il faut et il suffit donc que la faute de l'employeur ait été une cause nécessaire de l'accident pour que sa responsabilité soit engagée.

Parmi les nombreux exemples de fautes inexcusables, il y a bien sûr le cas de l'amiante mais il peut s'agir tout simplement d'une installation non conforme et défectueuse, de l'absence de fourniture d'équipement de protection individuelle, de conditions de chantier dangereuses...

La conséquence de la faute inexcusable est alors la majoration de la rente pour la victime salariée et l'indemnisation des divers préjudices définis à l'article L452-3 du Code de la sécurité sociale ; préjudice causé par les souffrances physiques et morales, préjudices d'esthétique et d'agrément, préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle.

Mais qu'en est-il de l'indemnisation du préjudice né de la perte d'emploi lorsque la maladie professionnelle ou l'accident du travail a conduit à rendre le salarié inapte et être licencié ? L'article L452-3 du Code de la sécurité sociale ne prévoyant pas l'indemnisation de ce préjudice, c'est la Cour de cassation qui a, par un arrêt de principe du 17 mai 2006, décidé que « lorsqu'un salarié a été licencié en raison d'une inaptitude consécutive à une maladie professionnelle qui a été jugée imputable à la faute inexcusable de l'employeur, il a droit à une indemnité réparant la perte de son emploi due à cette faute de l'employeur ».

Cet arrêt ajoute « Les juges du fond apprécient souverainement les éléments à prendre en compte pour fixer le montant de l'indemnisation due à un salarié en raison de la perte de son emploi consécutive à une inaptitude provoquée par une maladie professionnelle imputable à la faute inexcusable de son employeur, indemnisation à laquelle ne fait pas obstacle la réparation spécifique afférente à cette maladie professionnelle ayant pour origine ladite faute inexcusable ».

Plusieurs cours d'appel ont alors considéré qu'en présence d'une faute inexcusable, « le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors que l'inaptitude est la conséquence des manquements de l'employeur à ses obligations ». C'est ce que vient de juger la Cour d'appel de DIJON dans un arrêt du 2 juillet 2009 (RG 08/767).

Dans cette affaire, le salarié ouvrier manipulait des pièces usinées avec des huiles minérales. Or, après plusieurs années, il a contracté une dermatose allergique (eczéma) qui a été reconnue comme maladie professionnelle. Dans le cadre d'une première procédure, il a obtenu la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur qui l'a indemnisé des différents préjudices visés à l'article L452-3 du Code de la sécurité sociale. Puis, devant le Conseil des prud'hommes cette fois-ci, il a contesté la cause réelle et sérieuse de son licenciement en considérant que sans la faute de son employeur, il n'aurait pas contracté de maladie professionnelle et n'aurait jamais été déclaré inapte et donc licencié.

Que dit la Cour d'appel de DIJON dans son arrêt du 2 juillet 2009 ? « Il résulte de ces éléments la preuve que c'est la faute inexcusable de l'employeur qui est directement à l'origine du licenciement du salarié dans le mesure où le licenciement était fondé sur son inaptitude et l'impossibilité de son reclassement, consécutives à la maladie professionnelle dont il était atteint » ; « par suite, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse dès lors que son inaptitude est la conséquence des manquements de l'employeur à ses obligations résultant des dispositions de l'article L230-2 du code du travail recodifié L4121-2 et L4121-3 » ; «  du fait de son licenciement, le salarié a subi un préjudice distinct, résultant de la perte de son emploi, qui n'a pas été réparé par la réparation spécifique afférente à la maladie professionnelle ayant pour origine la faute inexcusable de l'employeur ».

Jean-Philippe SCHMITT

Avocat à DIJON (21)

Spécialiste en droit du travail

03.80.48.65.00

Cour d'appel de DIJON – Chambre sociale – 2 juillet 2009 – n° 08/00767