En cas de licenciement économique, lorsque l'employeur envisage la suppression d'un ou plusieurs postes, il doit désigner le ou les salariés concernés sur la base de critères précis et objectifs, et non de manière discrétionnaire.

Ces critères prennent notamment en compte :

- les charges de famille, en particulier celles des parents isolés

- l'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise

- la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés

- les qualités professionnelles appréciées par catégorie (Article L1233-5)

En pratique, les salariés concernés se voient attribuer des points en fonction des critères retenus et le total détermine la priorité des uns par rapport aux autres. Ainsi, ceux qui obtiennent les notes les plus basses sont désignés pour un licenciement.

Mais attention, les critères retenus s'apprécient toujours à l'intérieur de la catégorie professionnelle à laquelle appartient le ou les salariés visés par un projet de licenciement économique.

Selon la Cour de cassation, « les règles relatives à l'ordre des licenciements prononcés pour motif économique ne s'appliquent que si l'employeur doit opérer un choix parmi les salariés à licencier », ce qui n'est pas le cas si le licenciement concerne tous les salariés d'une entreprise appartenant à la même catégorie professionnelle, ou lorsque tous les emplois de la catégorie dont relève le salarié ont été supprimés, ou enfin lorsqu'il n'existe qu'une personne dans la catégorie concernée par le licenciement.

Quoiqu'il en soit, l'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements n'a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse mais ouvre droit à des dommages-intérêts spécifiques pour violation de l'article L1233-5 du code du travail.

Cela signifie donc que l'employeur doit être en mesure d'exposer les raisons de son choix en justifiant des critères retenus dans les 10 jours, et ce dès qu'il a été interrogé par le salarié qui doit formaliser sa demande en lettre recommandée avec accusé réception avant l'expiration d'un délai de 10 jours courant à compter du terme du contrat.

C'est sur ce point que revient la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 8 juillet 2009. Dans cette affaire, malgré la demande du salarié licencié qui voulait connaître les critères d'ordre de son licenciement, l'employeur n'avait tout simplement pas répondu.... La chambre sociale de la Cour de cassation décide que « le manquement de l'employeur, qui a prononcé un licenciement pour motif économique, à son obligation d'indiquer au salarié qui le demande les critères retenus en application de l'article L. 1233-5 du code du travail, cause nécessairement au salarié un préjudice distinct de celui réparant l'absence de cause réelle et sérieuse ».

Il y aura donc automatiquement indemnisation en cas de non réponse de l'employeur, et dans l'hypothèse où le licenciement est par ailleurs reconnu sans cause réelle et sérieuse (difficultés économiques non établies ou manquement à l'obligation de reclassement), cette indemnité sera cumulable.

Jean-Philippe SCHMITT

Avocat à DIJON (21)

Spécialiste en droit du Travail

03.80.48.65.00

Soc. 8 juillet 2009 n° 07-44.591

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Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du mercredi 8 juillet 2009

N° de pourvoi: 07-44591

Publié au bulletin Cassation partielle

, président

SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 28 août 1995 par la société de droit américain Thunderbird LLC, a été détaché à compter du 1er septembre 1998 par son employeur auprès de l'association Thunderbird Europe (l'association), centre de formation universitaire ayant son siège en France, puis, aux termes de deux contrats de détachement conclus l'un à effet au 27 septembre 1999, l'autre, à effet au 27 août 2002, pour occuper les fonctions de directeur général salarié et de professeur ; que l'intéressé, devenu salarié de l'association Thunderbird Europe à compter du 1er septembre 2003, a été licencié pour motif économique par cette dernière le 18 mai 2005 dans le cadre d'un licenciement collectif ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal du salarié :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire qu'il a été en situation de détachement, au sens des dispositions de l'accord franco américain de sécurité sociale du 2 mars 1987, jusqu'au 1er septembre 2003 alors, selon le moyen :

1° / qu'en se déterminant par une simple affirmation, sans caractériser les éléments lui permettant de conclure à l'existence d'un lien de subordination du salarié avec la société américaine lorsqu'il travaillait en France au sein de l'association de droit français, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 5 et 6 de l'accord de sécurité sociale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement des Etats-Unis d'Amérique signé le 2 mars 1987 et de l'article L. 342 2 du code du travail ;

2° / qu'en se fondant sur son absence de contestation antérieure, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 5 et 6 de l'accord de sécurité sociale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement des Etats-Unis d'Amérique et de l'article L. 342 2 du code du travail ;

3° / que la cour d'appel, qui constate qu'il a exercé les fonctions salariées de professeur et directeur administratif de Thunderbird Europe depuis le 1er septembre 1998, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard des articles 5 et 6 de l'accord de sécurité sociale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement des Etats-Unis d'Amérique signé le 2 mars 1987 et de l'article L. 342 2 du code du travail ;

4° / qu'il résulte des dispositions de l'article 6 de l'accord de sécurité sociale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement des Etats-Unis d'Amérique, signé le 2 mars 1987, que lorsqu'une personne assurée en vertu de la législation d'un Etat contractant au titre d'un travail effectué pour un employeur sur le territoire de cet Etat contractant est détachée par cet employeur afin d'effectuer un travail sur le territoire de l'autre Etat contractant, cette personne est soumise uniquement à la législation du premier Etat contractant comme si elle était occupée sur son territoire, à la condition que la durée prévisible du travail sur le territoire de l'autre Etat contractant n'excède pas cinq ans, si bien qu'en retenant l'application de cette disposition sans avoir vérifié que la durée prévisible de l'occupation de M. X... sur le territoire français ne dépassait pas cinq ans lors de son entrée en fonction au sein de Thunderbird Europe, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte précité ;

Mais attendu qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve ;

Et attendu que la cour d'appel, analysant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a retenu que l'intéressé, lié à la société de droit américain par des contrats de détachement à durée déterminée dont aucun, non plus que leur durée totale, n'excédait cinq années, ne rapportait aucun élément de nature à contredire cette apparence ; qu'elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'association Thunderbird Europe, pris en sa première branche :

Attendu que l'association fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. X... une somme à titre de dommages intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement, alors, selon le moyen, que lorsque le licenciement d'un salarié est sans cause réelle et sérieuse, ce dernier ne peut cumuler des indemnités pour perte injustifiée de son emploi et pour inobservation des dispositions relatives à l'ordre des licenciements ; de sorte qu'en indemnisant à la fois le préjudice subi par M. X... du fait de l'absence d'information relative à l'ordre des licenciements et du préjudice subi du fait de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 122 14-2, L. 122-14-5, L.. 321-1-1 et R. 122-3 du code du travail ;

Mais attendu que le manquement de l'employeur, qui a prononcé un licenciement pour motif économique, à son obligation d'indiquer au salarié qui le demande les critères retenus en application de l'article L. 1233-5 du code du travail, cause nécessairement au salarié un préjudice distinct de celui réparant l'absence de cause réelle et sérieuse ; que, de ce chef, le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident de l'association Thunderbird Europe, pris en sa seconde branche :

Vu les articles L. 122 14 4, alinéa 3, phr. 1, et L. 122 14 5, recodifiés sous les n° L. 1235 12 et L. 1235 14 du code du travail ;

Attendu que l'indemnité prévue pour défaut d'information de l'administration du travail sur le projet de licenciement économique collectif n'est pas due lorsque l'entreprise occupe habituellement moins de onze salariés ou que le salarié a moins de deux ans d'ancienneté ;

Qu'en allouant au salarié une telle indemnité à la charge de l'employeur, alors qu'elle avait constaté que l'association comptait six salariés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'association Thunderbird Europe à payer à M. X... une somme globale de 3 000 euros à titre d'indemnités pour irrégularités de la procédure de licenciement, l'arrêt rendu le 20 septembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille neuf.