Note sous CA Papeete, civ., 23 févr. 2023, n° 21/300 : JD 2023-003420

Durant une opération au bloc opératoire de la clinique Cardella de Papeete (ci-après, « la clinique »), une violente altercation avait opposé, en 2016, le médecin anesthésiste au chirurgien plastique.

Par suite, la direction de la clinique avait interdit aux deux médecins l'accès à ses locaux.

Un mois plus tard, l’anesthésiste avait décidé de quitter la clinique, cédant à son successeur ses parts de la SCP « des médecins anesthésistes-réanimateurs » intervenants dans cette dernière.

Le Tribunal correctionnel de Papeete avait jugé les deux médecins coupables de violences volontaires réciproques, mais la Cour d'appel de Papeete allait infirmer ce jugement, en relaxant l’anesthésiste pour cause de légitime défense.

Ce dernier recherchait alors la responsabilité de la clinique.

En première instance, il n’obtint pas satisfaction car, au visa de l'article 1147 du Code civil (dans sa rédaction ancienne, toujours en vigueur en P. F.), le tribunal jugea qu’aucune faute de nature contractuelle n’était caractérisée à l’encontre de l’établissement de santé (TCPI Papeete, 7 avril 2021, n° 153, RG n° 19/301).

L’arrêt ici rapporté infirme ce jugement, en considérant que la relation entre l’anesthésiste et la clinique n’était pas contractuelle. La responsabilité de la clinique pouvait être recherchée sur le fondement de l’article 1382 (ancien) du Code civil, toujours applicable en Polynésie française.

La Cour relève l’absence de contrat individuel entre le médecin et la clinique, car depuis le 1er septembre 2003 une SCP « des médecins anesthésistes-réanimateurs » était seule habilitée à contracter avec celle-ci. Cette absence de lien contractuel avait été relevée, dès 2016, par le juge des référés de Papeete.

Sept ans plus tard, la Cour rappelle cette distinction fondamentale entre les responsabilités contractuelle et délictuelle, en déclarant que la mesure dite « conservatoire » prise par la clinique l’a été « unilatéralement, indépendamment de tout respect des règles contractuelles [sic] et sans avoir sollicité la moindre autorisation de quiconque ».

Dès lors, l'interdiction brutale de tout accès à la clinique a eu pour effet de priver l’appelant des revenus liés à son activité professionnelle, dont le montant est évalué, jusqu’à la vente par ce dernier de ses parts sociales, à la somme de 7 654 327 XPF soit 64 143 €.

Quant à son préjudice moral, il est caractérisé par l'angoisse générée par la perte de ses revenus professionnels. Une somme de 2 100 000 XPF soit 17 598 € lui est allouée à titre de réparation. En revanche, sa dépression et son sentiment de désœuvrement ne sont pas indemnisés, faute de preuve.

Finalement, c’est l’indemnisation de la cessation anticipée d’activité professionnelle du médecin qui se révèle quelque peu anesthésiée.