Par un arrêt du 30 novembre 2020 et sur trame de jolis petits hameaux bretons, le Conseil d’État généralise l’obligation de doubler toute nouvelle voie ou toute voie rénovée, peu importe l’existence d’alternatives pour relier à vélo deux points.

Peu connu, l’article L. 228-2 du Code de l’environnement impose depuis 1996 la réalisation d’une voie cyclable le long des itinéraires carrossables en ces termes :

A l’occasion des réalisations ou des rénovations des voies urbaines, à l’exception des autoroutes et voies rapides, doivent être mis au point des itinéraires cyclables pourvus d’aménagements sous forme de pistes, marquages au sol ou couloirs indépendants, en fonction des besoins et contraintes de la circulation.

L’aménagement de ces itinéraires cyclables doit tenir compte des orientations du plan de déplacements urbains, lorsqu’il existe.

On s’étonnera au passage que ce type de prescriptions figurent au Code de l’environnement plutôt qu’au Code de la voirie routière.

Dans les faits étudiés, une commune avait adopté deux délibérations portant approbation de l’avant-projet et des marchés subséquents visant la réalisation d’opérations d’aménagement d’une rue, la création d’une liaison douce entre deux villages et le réaménagement d’une route départementale. Sauf que la route départementale n’était pas assortie d’un aménagement cyclable. Jusqu’à présent, seules des Cours d’appel s’étaient prononcées sur la question, et dans un sens favorable aux usagers à vélo (CAA Nantes, 26 juin 2009, n° 08NT3365 ; CAA Lyon, 28 juillet 2003 : n° 99LY02169, par exemple ; voir toutefois dans un sens contraire qui parait discutable vu la décision commentée ; CAA Paris, 16 novembre 2017 : n° 16PA01034).

L’association cyclophile triomphe -partiellement- en appel et le Conseil d’État est saisi. Il est jugé, après rappel des dispositions du Code de l’environnement évoquées plus haut :

Il résulte de ces dispositions que l’itinéraire cyclable dont elles imposent la mise au point à l’occasion de la réalisation ou de la rénovation d’une voie urbaine doit être réalisé sur l’emprise de la voie ou le long de celle-ci, en suivant son tracé, par la création d’une piste cyclable ou d’un couloir indépendant ou, à défaut, d’un marquage au sol permettant la coexistence de la circulation des cyclistes et des véhicules automobiles. Une dissociation partielle de l’itinéraire cyclable et de la voie urbaine ne saurait être envisagée, dans une mesure limitée, que lorsque la configuration des lieux l’impose au regard des besoins et contraintes de la circulation.

Appliquant le principe aux faits, le Conseil d’État poursuit :

Il ressort des pièces du dossier que l’opération de réaménagement de la RD 245 en traversée des villages de Kermoisan et de Roffiat a consisté, sur une portion de 1 200 mètres principalement bordée d’habitations, à modifier les carrefours et l’organisation du stationnement, à moderniser le réseau des eaux pluviales, à diminuer la largeur de la chaussée, et à rénover le revêtement et le marquage au sol de la voie. Elle doit être regardée comme une opération de rénovation d’une voie urbaine au sens de l’article L. 228-2 du code de l’environnement.

Il ressort également des pièces du dossier que le projet de réaménagement de la RD 245 sur la portion en litige ne prévoit la réalisation d’aucun itinéraire cyclable sur l’emprise de la voie ou le long de celle-ci, la création sur une emprise située à quelques centaines de mètres de celle de la RD 245, d’une  » liaison douce  » reliant le centre-bourg de Batz-sur-Mer et les villages ne pouvant, en tout état de cause, être regardée comme en tenant lieu. Dès lors, le projet contesté a été arrêté en méconnaissance des dispositions de l’article L. 228-2 du code de l’environnement.

Aussi, même si un itinéraire cyclable est envisagé entre deux points considérés, cette liaison ne dispense pas le maitre d’ouvrage de doubler la voie créée -ou comme ici, rénovée- d’une voie cyclable.

Toujours conciliant, le Conseil d’État tempère la portée du texte en indiquant que les besoins et contraintes de la circulation sont de nature à dispenser le maître d’ouvrage de réaliser de tels équipements. L’exception est néanmoins écartée ici, logiquement et sans grande surprise d’ailleurs, le profil de la voie étant le suivant :

Sans nul doute, un peu de place était possible pour loger la Petite Reine !


CE, 30 novembre 2020, commune de Batz-sur-Mer : n°432095.

Comparer : CAA Nantes, 26 juin 2009, n° 08NT3365 ; CAA Lyon, 28 juillet 2003, n° 99LY02169 ; CAA Paris, 16 novembre 2017 : n°16PA01034 a contrario.

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