Le 30 juillet 2009, la demanderesse était admise à la Clinique XXXX pour une interruption volontaire de grossesse par aspiration sous anesthésie générale, à treize semaines d’aménorrhée, sous la responsabilité du Docteur YYYYY, salariée de la structure.

 

Cette intervention chirurgicale était compliquée d’une perforation utérine et d’une aspiration digestive.

 

 

Devant cette complication, il était procédé à une résection grêle et mésentérique de 70 centimètres.

 

 

Une révision utérine et une aspiration fœtale étaient ensuite réalisées.

 

C’est dans ces conditions que la patiente s’interrogeait sur les conditions de sa prise en charge au sein de la Clinique XXXX.

 

Par actes d’huissier en date des 29 et 24 janvier 2018, la patiente assignait la Clinique et devant le Tribunal de Grande Instance de Nantes en référé aux fins de désignation d’un expert judiciaire, de manière à ce que toute la lumière soit faite, au contradictoire des parties, sur les conditions de sa prise en charge et que soit objectivé l’ensemble des dommages subis.

 

Aux termes d’une ordonnance de référé en date du 22 février 2018, Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance faisait droit à cette demande.

 

L’expert rendait son pré-rapport d’expertise le 17 juin 2018, puis son rapport définitif le 3 septembre 2018.

 

Ce dernier rendait son pré-rapport d’expertise le 17 juin 2018, puis son rapport définitif le 3 septembre 2018.

 

L’expert concluait de la manière suivante : « on ne peut pas trouver d’anomalie fautive dans le déroulement de l’IVG du diagnostic à la surveillance et notamment pas pendant l’acte en lui-même, il est donc difficile d’attribuer à l’un des médecins intervenants une faute précise même si le dommage est conséquent ».

 

Il apparaissait toutefois, à la lecture du rapport d’expertise, que la patiente n’avait pas reçu d’information claire, loyale et détaillée sur l’intervention proposée, ses conséquences, ni sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'elle comporte.

 

C’est dans ces conditions que la patiente, par l’intermédiaire de son conseil, tentait d’alerter l’expert sur cette difficulté.

 

En réponse, l’Expert indiquait simplement que l’information lui semblait avoir été délivrée dans la mesure où « toute femme venant pour décision d’IVG dans un centre reçoit dès la première consultation ce dossier guide », se contentant ainsi d’une affirmation non démontrée pour faire ainsi référence à une fiche d’information générique dont il ne ressort pourtant pas des pièces du dossier que la patiente l’aurait reçue.

 

Malgré ces conclusions d'expertises défavorables, nous avons saisi le Tribunal judiciaire de Nantes pour manquement à l'obligation d'information médicale.

 

Il résulte en effet des dispositions de l’article L. 1111-2 du Code de la Santé Publique que :

 

«  Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (…) »

 

Aux termes de l’alinéa 7 de cette même disposition, il est également admis que :

 

« En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article (…) ».

 

En l’espèce, le dommage de la patiente a consisté en une perforation utérine et une aspiration digestive survenues au décours d’une Interruption Volontaire de Grossesse réalisée le 30 juillet 2009, puis en une rétention intra utérine apparue dans les suites de l’intervention.

 

 

Cette intervention a été réalisée par le Docteur YYYY, exerçant alors en qualité de salariée de la Clinique XXXX.

 

Tout d’abord, il y a lieu de constater que les dispositions de l’article L.1111-2 du Code de la Santé Publique sont parfaitement applicables en l’espèce.

 

 

En effet, les complications survenues au décours de l’intervention constituaient des « risques fréquents ou graves normalement prévisibles », et rentrent donc dans le champ des dispositions susvisées.

 

Cela ressort d’ailleurs expressément des conclusions de l’expert judiciaire :

 

  • S’agissant de la rétention intra utérine :

 

  • « il s’agit d’une complication fréquente (5 à 10 % des IVG et 15 % si IVG > 12 SA) » (page 18) ;

 

  • « la rétention trophoblastique est une complication fréquente lors de l’IVG par aspiration » (page 19).

 

  • S’agissant de la perforation utérine :

 

  • « la perforation n’est pas rare (0,2 à 2 %) » (page 15) ;

 

  • « cette complication, si elle est fréquente (0,2 % à 2%) elle est méconnue souvent pendant le geste » (pages 24-25) ;

 

  • S’agissant de l’aspiration digestive : si, selon l’expert, « l’accident d’aspiration digestive est exceptionnel » (page 25), il s’agit néanmoins d’un risque grave en ce sens qu’il a nécessité une résection de l’intestin grêle. Il était en outre normalement prévisible, au sens des dispositions de l’article L.1111-2 du Code de la santé publique.

 

Ces complications sont effectivement recensées par la littérature médicale comme étant des complications connues de l’interruption volontaire de grossesse.

 

Au demeurant et en tout état de cause, il est de jurisprudence constante et ancienne que le médecin n’est absolument pas dispensé de son obligation d’information pour un risque grave quand bien même ne se réaliserait-il qu’exceptionnellement.

 

 

La Cour de Cassation vient encore récemment de le confirmer en rappelant que toute personne a le droit d’être informée sur les risques inhérents à l’acte et leurs conséquences, fussent-ils exceptionnels, puisque l’information est légalement due par le médecin.[1]

 

 

C’est encore le Conseil d’Etat qui rappelle également que la circonstance qu’un risque de décès ou d’invalidité, répertorié dans la littérature médicale et qui ne se réalise qu’exceptionnellement, ne dispense pas le médecin de le porter à la connaissance du patient.

 

 

Le Conseil d’Etat juge ainsi qu’un risque connu et grave normalement prévisible bien qu’exceptionnel aurait dû être obligatoirement porté à la connaissance de la patiente.[2]

 

 

Or, en l’espèce, il n’existe aucune trace de la délivrance d’une quelconque information dans le dossier médical de la patiente quant aux risques de perforation utérine et d’aspiration digestive que comportait l’intervention litigieuse.

 

 

Il ressort d’ailleurs du rapport d’expertise que l’IVG s’est déroulée en urgence et que la patiente n’a bénéficié que d’une information partielle, tant sur l’intervention en elle-même que sur les risques qu’elle comportait.

 

Le temps de réflexion a par ailleurs été extrêmement court, ce qui ne lui a manifestement pas permis de mûrir sa décision.

 

Par ailleurs, et contrairement à ce qu’indiquent les défendeurs, les griefs de la patiente  ne se limitent pas à la seule absence d’information sur le type d’anesthésie choisie.

 

Si la demanderesse reproche effectivement à l’établissement de ne pas l’avoir avisée de ce que cette intervention se déroulerait sous anesthésie générale, elle se plaint également et surtout d’un défaut d’information relatif aux risques inhérents à ce type d’intervention.

 

Au demeurant, il y a lieu également de rappeler que, s’il pouvait éventuellement y  avoir une urgence « légale », il n’y avait absolument aucune urgence « vitale » au sens strict du terme et, à ce titre, aucun danger pour la patiente ou le fœtus, de sorte que rien ne dispensait le médecin de son obligation d’information[3]. C'était l'enjeu de ce litige.

 

En tout état de cause,  la nécessité et l’urgence relative d’une intervention chirurgicale laissent subsister l’obligation d’information.

 

La Cour d’Appel de Bordeaux a par exemple jugé que :

 

« Même si l’intervention était nécessaire et relativement urgente, il n’est pas établi ni soutenu que Monsieur X n’était pas en état de recevoir l’information et ce d’autant plus qu’il a été hospitalisé deux jours avant que ne soit pratiquée la première intervention.

 

La nécessité de l’intervention en raison du risque vital évoqué à défaut qu’elle ne soit pratiquée, laisse cependant subsister l’obligation d’information et son absence a été génératrice d’un préjudice moral pour Monsieur X distinct du préjudice lié au risque qui s’est réalisé ».[4]

 

Par cette décision de ce 3 décembre 2020, la première chambre civile du Tribunal judiciaire de NANTES s'empare du dossier,  abonde dans le sens de la patiente et écarte les conclusions expertales pour retenir au final un manquement à l’obligation d’information médicale avec une indemnisation des différents postes de préjudices sur la base d’un taux de perte de chance de 50% (ce qui semble devenir la norme en la matière) outre une indemnisation, d’ailleurs motivée en fait, au titre du préjudice d’impréparation.

 

Le Tribunal a ainsi retenu que s’il pouvait éventuellement y  avoir une urgence « légale », il n’y avait absolument aucune urgence « vitale » au sens strict du terme et, à ce titre, aucun danger pour la patiente ou le fœtus, de sorte que rien ne dispensait le médecin de son obligation d’information médicale. La décision est présente en pièce jointe à cette contribution.

 

Maître Vincent RAFFIN, Avocat associé au sein du cabinet BRG Avocats (Nantes-Paris), et responsable du département droit médical et dommages corporels, vous conseille, vous assiste et vous accompagne sur toute la France concernant vos litiges.

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[1] Cass. Civ. 1ère, 14 janv. 2016 n°15-13081 (pièce n°20) 

[2] CE, 19 oct. 2016 n°391538 (pièce n°21)

[3] voir en ce sens jurisprudences constantes depuis fort longtemps : Cass. 1ère Civ. 11, oct. 1988 ; CE, 13 févr. 2015, n°366133.

[4] CA Bordeaux 18 mars 2015 n°13/05910 (pièce n°29)