Cour de cassation

chambre civile 1

Audience publique du jeudi 16 mai 2013

N° de pourvoi: 12-20.746

Non publié au bulletin Cassation

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu les articles 1641 et 1642 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 11 février 2006, les époux X... ont vendu à Mme Y... un bateau de plaisance équipé d'un moteur Suzuki, immatriculé en décembre 2002, au prix de 9 000 euros ; que se plaignant de nombreuses pannes dès la première sortie en mer, et au vu d'un rapport d'expertise judiciaire, Mme Y... a, par acte du 16 décembre 2008, assigné les vendeurs en résolution de la vente, sollicitant, outre les restitution du prix, paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que pour rejeter ces demandes fondées sur la garantie des vices cachés, l'arrêt énonce que si l'usure du joint d'étanchéité du moteur à l'origine des pannes existait préalablement à la vente du bateau, les incidents survenus dès les premières sorties en mer n'auraient pas manqué de se produire lors d'un essai que Mme Y... n'a pas pris la précaution d'effectuer ;

Qu'en ajoutant ainsi à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme X... ; les condamne à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour Mme Y....

- IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris, en ce qu'il avait débouté l'acquéreur (Mlle Y...) d'un navire dont le moteur était affecté d'un vice, de ses demandes, dirigées contre les vendeurs (M. et Mme X...), en résolution de la vente, en restitution subséquente du prix et en indemnisation des préjudices subis,

- AUX MOTIFS QU'en vertu de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie des vices cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus ; que, selon l'article 1643 du code civil, « il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera tenu à aucune garantie » ; que Mlle Y... avait fait l'acquisition d'un bateau, le 11 février 2006, sans effectuer de sortie d'essai et moyennant une baisse de prix de 1.500 €, compte tenu de l'absence de révision du moteur avant la vente ; qu'elle avait fait procéder à cette révision, facturée le 26 avril 2006, par le garage Mézière Nautic, avant la première sortie en mer, le 14 mai 2006 ; qu'elle s'était rendu compte de dysfonctionnements, dès ce premier essai en mer, en constatant notamment que le moteur calait, puis fonctionnait au ralenti ; qu'une nouvelle révision effectuée dans le même garage, le 18 mai 2006, n'avait pas mis de panne en évidence ; que le moteur avait cependant de nouveau calé en cours de la seconde sortie en mer ; que le garage Damgan Plaisance avait procédé, le 8 juillet 2006, à la dépose du moteur et des carburateurs, ainsi qu'à un nettoyage complet, avec remplacement de certaines pièces et notamment de joints ; que, lors d'une nouvelle sortie en mer, le moteur avait connu un nouveau blocage et Mlle Y... déclarait n'avoir plus fait usage de son bateau pendant le reste de la saison 2006 ; qu'une quinzaine de sorties avaient cependant été évoquées lors de l'expertise, mais émaillées d'incidents ; que le garage Damgan Plaisance était intervenu le 22 août 2006, sur corps mort, pour un remplacement de flotteur et « pointeau + siège » ; qu'un essai en mer de quelques minutes n'avait pas été concluant ; que Mlle Y... avait repris les sorties en mer au mois de juin 2007, mais le moteur avait connu de nouveaux dysfonctionnements ; qu'il avait été confié le 30 juillet 2007, au Chantier Naval de la Plaisance, concessionnaire Suzuki, à Saint-Malo ; que, malgré un contrôle complet et exhaustif, les essais en mer postérieurs s'étaient révélés infructueux ; qu'avait alors été évoquée l'hypothèse d'un défaut d'étanchéité entre les cylindres 2 et 3 au niveau du carter d'admission, mais nécessitant le démontage du moteur pour la vérifier ; que l'acquisition d'un moteur neuf était conseillée, compte tenu du coût des réparations à envisager sur un moteur qui n'était plus coté à « l'Argus du Bateau » ; que l'expert judiciaire avait constaté le déboîtement du joint d'étanchéité en néoprène situé entre les carters 2 et 3, cette anomalie provenant d'une « dégradation de la lèvre interne du joint par vieillissement » et provoquant une communication partielle entre les carters, avec un mauvais remplissage en carburant et une perte de puissance sur ces deux cylindres, dont finalement un seul travaillait normalement ; que l'expert précisait que le moteur avait été construit en 1999 et qu'une telle situation était peu courante, mais toutefois pas surprenante en présence de polymères qui avaient parfois tendance à se craqueler en vieillissant, ou en subissant des attaques par des lubrifiants non appropriés ; que les vendeurs protestaient du bon état du moteur jusqu'à son hivernage en 2005, avant la vente ; qu'ils produisaient à cet effet des attestations, en évoquant une mauvaise utilisation du bateau et de mauvais réglages au cours de sorties effectuées en 2006 par Mlle Y..., suivies d'interventions de professionnels jusqu'au constat de l'avarie qui ne permettait plus le fonctionnement du moteur ; que l'expert avait écarté l'hypothèse d'une surchauffe endommageant le joint, en précisant n'avoir trouvé aucune trace de chauffes sur le moteur ; qu'en relevant que les dysfonctionnements s'étaient révélés entre août 2005 et mai 2006, il avait d'abord conclu que la dégradation du joint était déjà bien avancée lors de la transaction, en estimant que « le déboîtement partiel du joint a pu intervenir vers cette période, sans que l'on puisse, en toute objectivité, indiquer une date précise » ; qu'il avait ensuite précisé, en réponse à un dire, qu'il existait un début de déboîtement du joint au moment de l'achat ; que, tout en notant le bon état apparent et le bon entretien du moteur, l'expert avait retenu l'existence d'un vice caché interdisant une utilisation normale du bateau pneumatique ; qu'il avait souligné qu'un essai en mer aurait levé toute ambiguïté sur le fonctionnement du moteur, qui n'avait pas été révisé par le vendeur ; que, de ces éléments, il résultait qu'une usure du joint existait préalablement à la vente du bateau, mais l'existence du déboîtement restait hypothétique ; que, compte tenu des incidents qui s'étaient produits dès les premières sorties en mer, ces manifestations n'auraient pas manqué de se produire, lors d'un essai que Mlle Y... n'avait pas pris la précaution d'effectuer, tout en acceptant une baisse significative de prix pour tenir compte de l'usure et de l'absence de révision du moteur ; qu'en stipulant que « l'acquéreur déclare bien connaître le navire et l'avoir visité pour l'accepter dans l'état où il se trouve », Mlle Y... s'était privée de la possibilité de contester la vente sur ce point ; qu'il y avait lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il avait débouté Mme Y... de ses demandes ;

- ALORS QUE, D'UNE PART, la clause aux termes de laquelle « un acquéreur déclare bien connaître le bien vendu et l'avoir visité pour l'accepter dans l'état où il se trouve » ne décharge pas le vendeur des vices cachés ; qu'en l'espèce, la cour qui, à la suite de l'expert, a retenu l'existence d'un vice caché, mais a néanmoins déchargé les vendeurs de toute obligation à garantie, en s'appuyant sur la clause par laquelle l'acquéreur avait déclaré connaître le bien vendu, pour l'avoir visité, et l'accepter en l'état, a omis de tirer les conséquences légales qui s'induisaient de ses propres constatations au regard des articles 1641, 1642 et 1643 du code civil ;

- ALORS QUE, D'AUTRE PART, le vice caché ne se confond pas avec la manifestation de celui-ci ; qu'en l'espèce, la cour, qui a déchargé M. et Mme X... de toute responsabilité pour le vice caché affectant le moteur vendu (usure et déboîtement du joint d'étanchéité entre les carters 2 et 3, qui avaient été découvertes grâce à l'expertise judiciaire), motif pris de ce que Mlle Y... aurait pu connaître le dysfonctionnement du moteur si elle avait procédé à un essai du navire avant la vente, a violé les articles 1641, 1642 et 1643 du code civil ;

- ALORS QUE, DE PLUS, le vice décelable, pour un acquéreur profane, est celui dont il peut se convaincre par un simple examen visuel de la chose vendue ; qu'en l'espèce, la cour, qui a décidé de faire application de la clause de style insérée dans l'acte de vente, aux termes de laquelle Mlle Y..., acquéreur profane, avait déclaré avoir visité le navire et prendre le bien dans l'état où il se trouvait, prétexte pris de ce que le vice caché du moteur aurait été décelable si elle avait procédé à un essai du navire, qui n'était pourtant nullement requis par la clause en cause, a violé les articles 1134, 1641, 1642 et 1643 du code civil ;

- ALORS QU'EN OUTRE, l'acceptation, par l'acquéreur, d'une diminution de prix en raison de l'absence de révision et de l'usure du moteur du navire vendu, ne décharge pas le vendeur de la garantie des vices cachés ; qu'en l'espèce, la cour, qui a énoncé le contraire, a violé les articles 1641 et 1643 du code civil ;

- ALORS QU'ENFIN le vendeur ne répond pas des vices qui étaient décelables par l'acquéreur au moment de la vente ; qu'en l'espèce, la cour, qui a écarté l'obligation à garantie des vendeurs, par application de la clause de style insérée dans la vente, prétexte pris de ce que Mlle Y... aurait pu se convaincre des défauts de la chose vendue si elle avait procédé à un essai avant d'acheter le navire litigieux, sans rechercher si un tel essai avait été proposé par les vendeurs, s'il était matériellement possible et s'il aurait permis de déceler un dysfonctionnement du moteur qui n'était apparu, lors des sorties en mer effectuées par Mlle Y... qu'au bout d'au moins 15 à 20 mn, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1641, 1642 et 1643 du code civil.