Pour en savoir plus : voir « Traité de la responsabilité des constructeurs », par A. CASTON, F.-X. AJACCIO, R. PORTE et M. TENDEIRO, 7ème édition (960 pages), septembre 2013, éd. « Le Moniteur », page 502.

Cour de cassation

chambre civile 1

Audience publique du 10 avril 2013

N° de pourvoi: 12-12.171

Attendu selon l'arrêt attaqué (Orléans, 21 novembre 2011), que M. X... ayant constaté que la pompe à chaleur qui avait été fournie et installée par la société Proust pour venir en relève de son installation de chauffage au gaz tombait en panne et ne permettait pas de réaliser les économies qu'il espérait, a sollicité la désignation d'un expert, puis, au vu des conclusions du rapport d'expertise, assigné en résolution de la vente la société Proust qui a appelé en la cause son assureur, la société Groupama Paris Val-de-Loire, le fabricant de la pompe, la société Airwell, et le distributeur, la société ACR distribution ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Proust fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il prononce la résolution de la vente de la pompe à chaleur, à ses torts exclusifs, et de la condamner au paiement des sommes de 14 293 euros en restitution du prix avec intérêts à compter de l'assignation, 5 631 euros à titre de dommages-intérêts pour la surconsommation d'énergie et de 4 000 euros en réparation du trouble de jouissance, alors, selon le moyen :

1°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant tout à la fois, d'une part, qu'aucun engagement formel n'avait été pris dans la convention de fourniture et d'installation d'une pompe à chaleur conclue entre M. X..., acquéreur, et la société Proust, installateur, sur un montant minimal d'économies devant résulter de la nouvelle installation, d'autre part, par adoption des conclusions expertales, que cette dernière n'aurait pas procuré les économies escomptées, la cour d'appel s'est contredite, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que la résolution d'un contrat ne peut être prononcée aux torts d'un contractant qu'en cas de manquement grave à une obligation, de moyens ou de résultat, expressément prévue dans ledit contrat ; que tout en constatant l'absence d'un montant minimal contractuel d'économies d'énergie, la cour d'appel qui a cependant retenu à l'encontre de la société Proust un défaut de fourniture des économies escomptées, n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, au regard de l'article 1184 du code civil qu'elle a ainsi violé ;

Mais attendu que c'est sans se contredire que la cour d'appel, appréciant souverainement l'intention des parties, a retenu que la réalisation d'économies substantielles d'énergie était une condition essentielle du contrat et, constatant que la pompe à chaleur installée avait induit une augmentation de la consommation d'énergie, a prononcé la résolution du contrat aux torts de la société Proust ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Proust reproche à la cour d'appel d'avoir limité à 25 % du montant des condamnations prononcées à son encontre, la garantie que lui devait la société ACR distribution, alors, selon le moyen, que le fournisseur qui a été condamné à indemniser un maître d'ouvrage à raison des dommages causés par son fait a droit à la garantie intégrale de l'entreprise dont la faute ou celle de son sous-traitant dont il est responsable de plein droit, est à l'origine du sinistre ; que, tout en constatant que la société Fac service, sous-traitante de la société ACR distribution Centre, avait commis un manquement grave à ses obligations contractuelles en posant une vanne trois voies qui, censée améliorer le fonctionnement, avait contribué aux dysfonctionnements et en ne signalant pas immédiatement la mauvaise installation, générant la surconsommation d'énergie, la cour d'appel qui a cependant limité à 25 % la garantie due par la société ACR distribution Centre à la société Proust n'a pas tiré les conséquences légales de ses observations au regard de l'article 1147 du code civil qu'elle a ainsi violé ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu que la société Proust qui avait commis une erreur dans le montage de la pompe à chaleur, et avait manqué à son obligation de conseil en n'informant pas M. X... de l'impossibilité de faire produire de l'eau chaude sanitaire, avait engagé sa responsabilité au premier chef ; qu'appréciant l'incidence sur le dysfonctionnement de l'installation, de la défaillance de la société Fac service, sous-traitante de la société ACR distribution Centre, qui avait posé une vanne inadaptée, elle en a déduit que la garantie due à la société Proust se limitait à 25 % du préjudice ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Proust fait encore grief à l'arrêt de la débouter de son appel garantie contre la société Airwell, alors, selon le moyen, que tout vendeur d'une installation thermique est tenu, à l'endroit d'un professionnel non spécialiste, à une obligation de conseil loyale, lui imposant de fournir des renseignements exacts sur les spécificités de son produit ; que, tout en constatant le caractère fantaisiste de la notice d'information fournie par la société Airwell, ce qui n'avait pu qu'induire la société Proust dans la croyance erronée des performances énergétiques annoncées, ainsi fausses, la cour d'appel qui a cependant exonéré la société Airwell de toute responsabilité contractuelle et débouté en conséquence la société Proust non dotée des compétences professionnelles d'un ingénieur thermicien de son appel en garantie à son encontre, n'a pas tiré les conséquences légales de ses observations au regard des articles 1135, 1147 et 1615 du code civil qu'elle a ainsi violés ;

Mais attendu que l'obligation d'information et de conseil à l'égard de l'acheteur professionnel n'existe que dans la mesure où la compétence de celui-ci ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques des biens qui lui sont livrés ;

Attendu que la cour d'appel a relevé, d'une part, que le schéma d'installation qui n'était que proposé par la société Airwell France, correspondait à une pompe à chaleur accouplée à une installation fonctionnant à débit constant, ce qui n'était pas le cas de celle installée chez M. X..., d'autre part, que la société Proust dont elle a souverainement apprécié la compétence, était en mesure de comprendre que l'exemple de performance donné par le fabricant correspondait à des conditions théoriques optimales non réunies en l'espèce ; qu'elle a pu en déduire que la responsabilité de la société Airwell France n'était pas engagée ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que la société Proust fait enfin grief l'arrêt de la débouter de son appel en garantie contre son assureur garantissant sa responsabilité civile professionnelle, la société Groupama Paris Val-de-Loire, alors, selon le moyen :

1°/ que la contradiction entre les motifs et le dispositif d'une décision de justice équivaut à un défaut de motifs ; que tout en condamnant la société Proust à verser à M. X... diverses indemnités réparatrices de préjudices subis, par une disposition propre et par l'effet de la confirmation du jugement déféré, la cour d'appel qui a cependant énoncé que les travaux de la société Proust n'auraient causé aucun dommage à M. X..., seule la résolution du contrat de fourniture et d'installation de la pompe à chaleur ayant été prononcée, a ainsi entaché son arrêt d'une contradiction entre les motifs et le dispositif de son arrêt, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que le volet “responsabilité civile du fait des travaux” de la police d'assurance liant la société Proust à la société Groupama prévoit « qu'est garantie la responsabilité civile de l'assuré à la suite de dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs causés à autrui et résultant de l'exécution de travaux, objets de son activité professionnelle » ; que tout en condamnant la société Proust à verser à M. X... diverses sommes à titre d'indemnités réparatrices de divers préjudices, la cour d'appel a retenu que les travaux de la société Proust n'auraient causé aucun dommage à M. X... en ce que le contrat de fourniture aurait été seulement résolu ce qui ne constituerait pas un cas d'ouverture de la couverture d'assurance ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il se déduisait que les condamnations pécuniaires prononcées contre la société Proust au profit de M. X... entraient dans le champ de la garantie d'assurance responsabilité civile, au regard de l'article 1134 du code civil qu'elle a ainsi violé ;

Mais attendu que la cour d'appel qui a prononcé la résolution du contrat en raison d'un manquement de l'installateur à l'obligation de résultat dont il était débiteur, n'a fait qu'appliquer la clause de garantie du contrat d'assurance souscrit par la société Proust, en retenant que celle-ci ne couvrait que les dommages résultant de l'exécution des travaux ; qu'elle en a déduit , sans se contredire, que les dommages qu'elle réparait au titre du manque de performances énergétiques de l'installation, n'entraient pas dans la garantie contractuelle de l'assureur ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Proust aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

COMMENTAIRE DE M. J.-L. BOUGUIER

Obligation de résultat sur la performance énergétique d'une installation.

L'arrêt du 10 avril, non publié, attire notre attention sur trois points particuliers.

En l'espèce, un particulier a fait installer une Pompe à Chaleur en relais de sa chaudière gaz. Or, non seulement la PAC n'offrait qu'un gain moyen en chauffage (19 %), mais ce gain était annulé par la consommation électrique supplémentaire de l'installation, sans compter le recours à un ballon pour l'eau chaude.

Il s'en suivit l'annulation de la vente et le versement de dommages et intérêts, notamment au titre de la surconsommation.

a) Le premier point porte sur la nature de l'obligation contractuelle d'un installateur de pompe à chaleur quant aux économies d'énergie induites par ce type d'équipement.

Un arrêt précédent avait déjà attiré notre attention sur le fait que ce type d'installation était censé engendrer des économies d'impôts et que la promesse contractuelle sur ce point devait être respectée. Mais cela découlait explicitement des arguments de vente employés par l'installateur.

C'est l'arrêt du 8 mars 2012 de la 1ere chambre civile (pourvoi n° 10-21.239, publié au Bulletin) et il concernait la pose de panneaux photovoltaïques. L'installateur avait commis une erreur de calcul sur le crédit d'impôts « prévisionnel » par excès d'optimisme.

La Cour d'appel l'avait condamné après avoir constaté que l'importance de ce crédit d'impôts avait pu déterminer la vente pour les particuliers.

L'arrêt de 2013 énonce à nouveau qu'il y a ici une obligation, une obligation de résultat, qui pèse sur le professionnel quant aux promesses d'économie, car ces économies constituent un élément essentiel de la vente.

C'est donc à lui de prouver que la contre-performance n'est pas de son fait, démonstration ardue lorsque l'installation porte sur un immeuble existant si aucune mesure précise n'a été effectuée auparavant.

b) Le deuxième point est précisément celui du chiffrage du préjudice économique.

L'argument en appel du professionnel reposait sur le caractère non écrit, et donc non chiffré, d'une telle promesse. L'argument semble a priori pertinent car l'allocation de dommages et intérêts pour la surconsommation aurait pu s'apprécier par rapport à la prévision des cocontractants quant aux économies escomptées, et c'est précisément ce que l'installateur soutenait. D'ailleurs, l'arrêt de mars 2012 précité illustrait la démonstration.

La Cour d'appel n'avait cependant pas admis la critique, et l'explication tient au fait que, si effectivement le « modeste plombier de campagne » tel que l'installateur se définissait lui-même (définition Qualibat inédite à ma connaissance...), n'avait jamais prescrit aucun relevé sur site, ni chiffré aucune économie, la notice de vente du fabricant laissait espérer 70 % de gain...

La Cour de Cassation, rejetant le premier moyen sur ses deux branches, valide donc implicitement le pouvoir du juge du fond pour apprécier des promesses implicites. La décision doit alerter les professionnels bien sûr sur les risques financiers auxquels ils s'exposent en l'absence de stipulations contractuelles, modeste plombier de campagne ou non.

c) Le troisième point enfin est celui de la couverture d'assurance.

L'installateur n'a pu faire fonctionner sa garantie RC Professionnelle car Groupama couvrait certes les dommages immatériels, mais à la condition qu'ils soient consécutifs à des désordres matériels liés à l'exécution de travaux.

Or, et la Cour de Cassation approuve à nouveau le juge du fond, il est certain que le préjudice invoqué par le client n'était pas fondé sur l'existence de malfaçons ou de pannes (même s'il y en avait), mais sur le défaut de performance uniquement.

Il s'agit bien d'une non-conformité contractuelle et nous sommes plus proches de la clause de garantie «Erreur sans désordres » des polices RC que de la garantie Dommages.

Une autre question est désormais de savoir si l'assureur RC n'engagera pas sa responsabilité à son tour vis-à-vis du souscripteur en omettant de proposer une telle garantie à certains constructeurs dans le contexte nouveau de la RT 2012.

Rappelons que la Cour de Cassation a déjà validé de telles actions lorsque le champ de la garantie ne coïncide pas avec l'activité du souscripteur.

Ce propos vise bien évidemment le cas des chauffagistes, mais aussi d'autres locateurs d'ouvrage (les façadiers qui posent les complexes isolants rapportés, les couvreurs qui installent des panneaux photovoltaïques intégrés, les menuisiers qui posent du double vitrage, etc....).

En effet, les réclamations immatérielles non consécutives à un désordre matériel sont souvent exclues du champ de la garantie RC, ou soumises à des plafonds très bas.

Il faut considérer également que les polices RC Décennale ne prévoient pas non plus la couverture des immatériels non consécutifs, conformément aux clauses-types.

Par conséquent, et quand bien même le juge ferait appel à l'impropriété à destination pour qualifier le défaut de performance de dommage décennal, la réparation du préjudice économique ne serait pas couverte par l'assurance obligatoire.

Jean-Luc BOUGUIER