Cour de cassation

chambre commerciale

Audience publique du mardi 26 février 2013

N° de pourvoi: 11-25.977

Non publié au bulletin Cassation partielle

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la Bred-Banque populaire que sur le pourvoi incident relevé par la Mutuelle des élus locaux et l'Union nationale de la prévoyance de la mutualité française ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, qu'à la suite de la condamnation du secrétaire général de la Mutuelle des élus locaux (la Mudel) gérante de la Caisse autonome mutualiste de retraite des élus locaux (la Carel), organisme d'épargne-retraite sans personnalité morale, pour détournement de fonds par l'intermédiaire de comptes ouverts auprès de la Bred-Banque populaire (la Bred), la Mudel a recherché la responsabilité contractuelle de cette dernière ; que, se prévalant d'un protocole conclu le 20 juillet 1998 entre la Mudel et la Fédération nationale de la mutualité française (la FNMF), l'Union nationale de la prévoyance de la mutualité française (l'UNPMF), venant aux droits de la FNMF, est intervenue à l'instance d'appel pour demander l'allocation des dommages-intérêts sollicités par la Mudel si l'action de celle-ci était déclarée irrecevable ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable ;

Attendu que pour écarter l'effet interruptif de prescription attaché à la plainte avec constitution de partie civile déposée le 14 octobre 1997 et décider que les actions en restitution et en dommages-intérêts de la Mudel étaient prescrites pour la période antérieure au 10 décembre 1994, l'arrêt retient que les deux instances, fondées sur des causes distinctes, tendent à des fins différentes, l'instance devant la juridiction pénale à la répression d'infractions et à l'indemnisation de la partie civile pour le dommage causé par ces délits, celle devant la juridiction civile à la restitution des sommes déposées et à la réparation du dommage causé par un manquement aux obligations contractuelles du banquier, et que l'assignation a été délivrée à la Bred le 10 décembre 2004 ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première et, qu'en l'espèce, les actions engagées par la Mudel devant les juridictions répressive et civile visaient l'une et l'autre à obtenir la réparation des détournements commis à son préjudice, ce dont il résultait que la constitution de partie civile déposée par la Mudel avait interrompu la prescription jusqu'à l'arrêt du 28 septembre 2005 mettant fin à l'instance pénale, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu l'article 1165 du code civil ;

Attendu que pour rejeter l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Bred et déclarer recevable l'action de la Mudel, l'arrêt retient qu'en admettant celle-là à opposer à celle-ci un protocole auquel la Bred était extérieure, les premiers juges ont méconnu l'effet relatif des conventions et dénaturé le contrat, et que le moyen d'irrecevabilité tiré de la perte de qualité à agir de la Mudel n'est pas fondé ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le tiers à un contrat peut invoquer à son profit, comme constituant un fait juridique, la situation créée par ce contrat, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1134 du code civil, ensemble l'article R. 326-1 du code de la mutualité dans sa rédaction issue du décret n° 88-574 du 5 mai 1988, alors applicable ;

Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient que le protocole n'a pas transféré à la FNMF l'action de la Mudel à l'égard de la Bred, la reprise d'un actif et d'un passif comptables dans le cadre de la mise en oeuvre du système obligatoire de garantie mutualiste ne valant pas transfert du droit à engager et conduire une action par une mutuelle conservant sa personnalité morale, a fortiori quand cette action, dirigée contre une banque dépositaire, est sans rapport avec sa mission de recouvrer les cotisations et de servir les prestations ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait tant des dispositions réglementaires applicables que des stipulations claires et précises du protocole litigieux que celui-ci, qui avait emporté transmission à titre universel, au bénéfice de la FNMF, de l'ensemble des éléments d'actif et de passif afférents à la gestion de la Carel, avait conféré de plein droit à l'UNPMF, venant aux droits de la FNMF, qualité pour exercer ou poursuivre les actions relatives aux biens et droits transmis, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré l'UNPMF recevable en son intervention volontaire, l'arrêt rendu le 8 septembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;