14ème législature

Question N° : 7024 de M. Alain Marleix ( Union pour un Mouvement Populaire - Cantal ) Question écrite

Ministère interrogé > Justice Ministère attributaire > Justice

Rubrique > droit pénal Tête d'analyse > procédure pénale Analyse > secret de l'instruction. procureurs. respect

Question publiée au JO le : 16/10/2012 page : 5682

Réponse publiée au JO le : 05/03/2013 page : 2617

Date de renouvellement : 22/01/2013

Texte de la question

M. Alain Marleix interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la présomption d'innocence. Les procureurs devraient viser à une attitude normale. User des médias pour présenter une affaire, celle des handballeurs de Montpellier, sans respect des principes de contradictoire, et forcément du secret de l'instruction, les faire interpeller sous le regard des caméras de Canal +, donne l'impression de vouloir obtenir une condamnation morale avant d'être certain d'une condamnation pénale. Notre droit, parce qu'il doit protéger le justiciable et qu'il repose sur des principes fondamentaux (principe du contradictoire, secret de l'instruction) exige discrétion de ceux qui sont chargés des poursuites. Ce serait cela l'attitude normale. Ce n'est pas celle qui a été adoptée. Elle ne remet pas en cause le travail de la grande majorité des procureurs qui sont attentifs aux destructions des révélations prématurées. Mais elle ne doit pas être un exemple. Ce n'est pas que les joueurs mis en cause ne doivent pas faire l'objet d'une procédure s'il se révèle des faits possiblement répréhensibles à leur encontre. Mais ils ne doivent pas être détruits par l'impact médiatique avant que des actes précis leur soient imputés selon les règles judiciaires, d'autant que la République a connu des actes d'une autre gravité et que le fait d'être champion olympique n'est, d'une part, pas infamant et, d'autre part, n'empêche pas des jeunes gens de faire des erreurs. Face à cette situation, il lui demande si elle n'envisage pas de prendre des mesures permettant de mieux protéger les justiciables, en vertu de la présomption d'innocence, notamment ceux exposés médiatiquement.

Texte de la réponse

La garde des sceaux est particulièrement attentive au respect de la présomption d'innocence dans toute procédure pénale. Il peut tout d'abord être indiqué que l'article 9-1 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, prévoit que « lorsqu'une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire, le juge peut, même en référé sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l'insertion d'une rectification ou la diffusion d'un communiqué, aux fins de faire cesser l'atteinte à la présomption d'innocence, et ce aux frais de la personne, physique ou morale, responsable de cette atteinte. » Par ailleurs le procureur de la République est officiellement chargé de la communication concernant les affaires en cours depuis cette même loi qui a inscrit cette prérogatiive à l'article 11 du code de procédure pénale : « Sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète. Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines des articles 222-13 et 226-14 du code pénal. Toutefois, afin d'éviter la propagation d'informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l'ordre public, le procureur de la République peut, d'office et à la demande de la juridiction d'instruction ou des parties, rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause ». En pratique, la circulaire du 4 décembre 2000 du garde des sceaux a rappelé que des communiqués pouvaient être faits d'initiative par le procureur de la République. Il lui appartient donc de ménager un équilibre entre différents principes tels que le secret et la sécurité juridique de l'enquête, le respect de la vie privée des protagonistes et l'information légitime des journalistes et du public. Toute communication qui ne respecterait pas ces principes et porterait atteinte au secret de l'enquête ou de l'instruction pourrait être considérée comme une violation du secret professionnel punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende par l'article 226-13 du code pénal. Enfin, en vertu des dispositions de l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, « toute personne nommée ou désignée dans un journal ou écrit périodique à l'occasion de l'exercice de poursuites pénales peut également, dans le délai de trois mois à compter du jour où la décision de non-lieu dont elle fait l'objet est intervenue ou celle de relaxe ou d'acquittement la mettant hors de cause est devenue définitive, exercer l'action en insertion forcée » permettant ainsi de contraindre le directeur de la publication à insérer gratuitement les réponses de la personne initialement mis en cause. Le dispositif législatif en vigueur paraît ainsi assurer une protection efficace de la présomption d'innocence et il n'est pas envisagé dans ces conditions de le modifier.