La faute dolosive s'entend d'un acte délibéré de l'assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables

 

Cour de cassation - Chambre civile 2

  • N° de pourvoi : 22-18.297
  • ECLI:FR:CCASS:2024:C200488
  • Non publié au bulletin
  • Solution : Cassation partielle

Audience publique du jeudi 30 mai 2024

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 04 avril 2022

Président

Mme Martinel (président)

Avocat(s)

SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Duhamel

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 mai 2024




Cassation partielle


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 488 F-D

Pourvoi n° T 22-18.297






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 MAI 2024


Mme [I] [R], épouse [K], domiciliée [Adresse 5], a formé le pourvoi n° T 22-18.297 contre l'arrêt rendu le 4 avril 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société MMA IARD, société anonyme,

2°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 3],

3°/ à la société JB Plus, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

4°/ à la société Kalys investissements, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],

5°/ à la société Thevenot [T] Manière et Baze, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 6], représentée par Mme [Z] [T], prise en qualité d'administrateur judiciaire de la société Kalys investissements,

6°/ à la société Allianz global corporate & specialty SE, dont le siège est [Adresse 7] (Allemagne), prise en son établissement principal en France, [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de Mme [R], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 avril 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à Mme [R] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société JB Plus et la société Allianz global corporate & specialty SE, assureur de celle-ci.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 avril 2022), Mme [R], afin de bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2012, à l'occasion du dispositif dit « Girardin Industriel », prévu par l'article 199 undecies B du code général des impôts, a, sur les conseils de la société JB Plus, souscrit le 26 novembre 2012 au produit proposé par la société Financière de Lutèce, portant sur l'acquisition, pour un montant de 17 500 euros, de parts sociales de trois sociétés devant investir dans la construction ou l'acquisition d'éoliennes, en Guyane.

3. Par lettre du 28 novembre 2012, la société Financière de Lutèce a confirmé à Mme [R] qu'elle bénéficierait d'une réduction d'impôt sur le revenu de 21 000 euros, au titre de l'année 2012.

4. L'administration fiscale ayant remis en cause l'avantage fiscal dont elle avait bénéficié, puisque les installations n'avaient pas été achevées et livrées en état de fonctionner de manière autonome au plus tard le 31 décembre 2012, Mme [R], après avoir déposé plainte pour escroquerie, a assigné, afin d'indemnisation, devant un tribunal de grande instance, la société JB Plus, la société Kalys investissements, venant aux droits de la société Financière de Lutèce, placée en redressement judiciaire et représentée par son administrateur judiciaire, et les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (l'assureur), en leur qualité d'assureurs de la société Kalys investissements.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et le second moyen

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

6. Mme [R] fait grief à l'arrêt de dire que la faute commise par la société Kalys investissements présente un caractère dolosif exclusif de la garantie de l'assureur, et de rejeter toute demande indemnitaire, alors « que la faute dolosive, justifiant l'exclusion de la garantie de l'assureur dès lors qu'elle fait perdre à l'opération d'assurance son caractère aléatoire, s'entend d'un acte délibéré de l'assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables ; qu'en se bornant à affirmer que « les fautes commises par la société Kalys résultent d'inobservations de la loi fiscale en toute connaissance de cause, justifiant l'exclusion de la garantie en ce qu'elle a faussé l'élément aléatoire attaché au risque », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances :

7. Selon ce texte, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.

8. La faute dolosive s'entend d'un acte délibéré de l'assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables.

9. Pour exclure la garantie de l'assureur, l'arrêt constate, d'abord, que celui-ci affirme que les manquements reprochés à la société Kalys investissements relèvent de la faute dolosive en ce qu'ils caractérisent une « prise de risque volontaire faussant l'élément aléatoire. »

10. L'arrêt énonce, ensuite, que les fautes commises par la société Kalys investissements résultent d'inobservations de la loi fiscale en toute connaissance de cause qui ont faussé l'élément aléatoire attaché au risque.

11. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la conscience qu'avait la société Kalys investissements du caractère inéluctable des conséquences dommageables de la commercialisation de son produit auprès de Mme [R], qui ne se confond pas avec la conscience du risque d'occasionner le dommage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement ayant déclaré la police n° 120 137 202 des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles applicable et condamné ces dernières à garantir le préjudice subi et, statuant à nouveau, dit que la faute commise par la société Kalys investissements revêt un caractère dolosif, exclusif de garantie, et rejette toute demande indemnitaire à ce titre, l'arrêt rendu le 4 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [R] à l'encontre des sociétés Kalys investissements et Thevenot [T] Manière et Baze, ainsi que celle formée par les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles et condamne ces deux dernières in solidum à payer à Mme [R] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C200488

Publié par ALBERT CASTON à 17:14  

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