Dénigrement anonyme sur internet : il faut identifier les auteurs pour demander par voie amiable la suppression avant de mettre en cause l’hébergeur
Il n’est maintenant plus douteux que les contenus dits « illicites » peuvent consister en de simples avis négatifs malveillants donnés par un concurrent, un client réel ou prétendu, ou toute personne souvent « anonyme » croyant êre autorisé à « descendre » un commerçant.
Ces avis négatifs sont souvent le fait de concurrents déterminés à faire baisser le chiffre d’affaires de leur victime, au moyen de propos outranciers diffusés sur tel ou tel blog ou réseau.
Ils ne tombent pas forcément sous le coup de la loi de 1881 prohibant l’injure ou la diffamation, dont l’application requiert la caractérisation d’une injure au sens strict, ou de l’atteinte à l’honneur et à la réputation, de surcroit dans un délai très strict (3 mois du jour de la publication), mais sont toutefois souvent illicites car caractérisant un dénigrement commercial prohibé.
La loi pour la confiance en l’économie numérique du 21 juin 2004 prévoit que les hébergeurs de contenus ne peuvent voir leur responsabilité civile ou pénale engagée, en raison des contenus qu’ils stockent, qu’à condition qu’ils n’aient pas agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible à partir du moment où ils ont eu cette connaissance.
Or cette connaissance n’est présumé acquise qu’à compter du moment où quelqu’un leur notifie l’existence de tels contenus sur des sites qu’ils hébergent, dans les formes prévues par la LCEN à l’article 6-I-5, c’est-à-dire lorsque l’on porte les éléments suivants à la connaissance dudit hébergeur :
– la date de la notification ;
– si le notifiant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement ;
– les nom et domicile du destinataire ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social ;
– la description des faits litigieux et leur localisation précise ;
– les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits ;
– la copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l’auteur ou l’éditeur n’a pu être contacté
Les juges au visa de ce texte, refusent de condamner les hébergeurs si le demandeur à la suppression n’a entrepris aucune action, telle que la saisine du juge des requêtes, aux fins de disposer des éléments d’identification.
L’hébergeur n’a pas selon la jurisprudence à supporter une procédure judiciaire alors que l’auteur des propos litigieux était identifiable.
C’est au regard de ces dispositions que la victime d’un dénigrement commercial doit avant toute procédure :
- non seulement faire dresser un constat d’huissier respectant les spécificités techniques rendant le constat irréfragable
- mais encore en cas de contenu « anonyme », obtenir par voie d’ordonnnace rendue sur requête, l’adresse IP et les coordonnées de la personne
Par un jugement du 21 novembre 2019, le TGI de Nanterre a condamné pour dénigrement un ancien salarié d’une auto-école qui avait publié un avis très négatif appuyé de commentaires douteux sur les pratiques commerciales (voir article LEGALIS)
https://www.legalis.net/actualite/avis-negatifs-condamnation-pour-denigrement/
La « victime » du dénigrement avait dû rechercher qui « se cachait » derrière le message anonyme au moyen de requêtes présentées au Président du Tribunal.
Les frais que cela engendre font toutefois partie des « dépens », qui peuvent être récupérés par exemple :
Cour d'appel de Dijon, 20 mars 2018, n° 15/02004,
Attendu que la SARL L des D justifie par ailleurs avoir exposé des frais d'huissier et des honoraires non taxables dans le cadre des procédures sur requête qu'elle a du engager pour obtenir la communication de l’adresse mail, de l’adresse IP et de l'identité de l'auteur des commentaires litigieux ;
Que les frais taxables sont à inclure dans les dépens de première instance qui comprendront les dépens des procédures sur requête ;
Que le coût des procès-verbaux de constat des 13 juillet et 16 octobre 2013 est indemnisé dans le cadre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Il faut donc faire les choses "dans l'ordre" pour faire respecter ses droits et agir avec toutes les chances de succès.
Ce jugement du 21 novembre 2019 rendu par le TGI de Nanterre rappelle que tout ne peut pas être permis sur internet.
Les commentaires négatifs malveillants et injustifiés font énormément de dégâts auprès des professionnels, ne sachant, pour la plupart du temps, quelle démarche adopter.
Maître Alexandre LOVATO
Huissier de Justice associé
QUALIJURIS