Avocat en droit de la santé - la responsabilité du gynécologue-obstétricien et de la sage-femme en cas de dystocie - précisions pour la famille de la victime
I. Introduction
La famille d'une jeune victime d'une paralysie cérébrale (infirmité motrice cérébrale) s'adresse à un avocat en droit médical ou droit de la santé lorsqu'elle soupçonne une erreur commise par un gynécologue-obstétricien ou une sage-femme.
Le présent article fournit des informations à la famille de la victime d'une infirmité motrice cérébrale née dans le contexte d'une dystocie.
II. Principes juridiques
l'article L4151-3 du code de la santé publique :
« En cas de pathologie maternelle, fœtale ou néonatale pendant la grossesse, l'accouchement ou les suites de couches, et en cas d'accouchement dystocique, la sage-femme doit faire appel à un médecin. Les sages-femmes peuvent pratiquer les soins prescrits par un médecin en cas de grossesse ou de suites de couches pathologiques. »
Ainsi, sur le plan juridique, la sage-femme doit appeler le gynécologue-obstétricien en cas de dystocie.
A partir du moment où la sage-femme appelle le gynécologue-obstétricien, ce dernier devient responsable de la prise en charge de la mère et de l'enfant à naître, notamment en cas de faute suivant les dispositions de l'article L1142-1 (I) du code de la santé publique.
En ce sens, au visa de l'article L4151-3 du code de la santé publique, la Cour de cassation a décidé par un arrêt rendu le 13 décembre 2005 :
« Attendu que dans le cas d'un accouchement dystocique, la sage-femme doit faire appeler, sans délai, un médecin. »
Ainsi la Cour de cassation rappelle l'importance du diagnostic de dyctocie car ce diagnostic déclenche l'obligation légale de la sage-femme d'appeler le gynécologue-obstétricien.
Cet appel est d'autant plus nécessaire car l'article 18, 4e alinéa du Décret n° 91-779 du 8 août 1991 portant code de déontologie des sages-femmes dispose :
« Il est interdit à la sage-femme de pratiquer toute intervention instrumentale. »
La réglementation française interdit ainsi à la sage-femme de pratiquer un forceps ou une ventouse ce qui montre l'importance de l'appel au gynécologue-obstétricien de la maternité, seul habilité à traiter la dystocie par une intervention obstétricale.
III. Le travail et l'expulsion
Le travail représente l’ensemble des contractions utérines régulières, devenant douloureuses, croissantes en intensité et en fréquence qui entraînent des modifications du col qui se centre, s'efface et se dilate jusqu'à 10 centimètres.
Sa durée varie de 7 à 10 heures chez la femme qui accouche son premier enfant et de 3 à 6 heures chez la femme qui a déjà accouché une première fois.
L’expulsion traduit l’ensemble des mécanismes aboutissant à la sortie du fœtus à savoir le passage du plus grand diamètre de la tête (ou du siège) à travers le détroit supérieur du bassin, la descente à travers la partie moyenne du bassin et le dégagement à travers la partie inférieur du bassin. Ce stade dure en moyenne 30 minutes chez la femme qui accouche pour la première fois et 15 minutes pour la femme qui a déjà accouché.
L’expulsion ne peut se réaliser qu’à dilatation complète.
Pendant l'expulsion de la tête, la partie arrière de la tête bien fléchie se fixe sous l'articulation antérieure du bassin, puis se défléchit sur celle-ci en créant une augmentation des dimensions du périnée pour permettre le dégagement de la tête.
Par la suite, la rotation de la tête permet le dégagement de l’épaule antérieure suivie de l’épaule postérieure et enfin le tronc et le siège.
Cependant il peut y avoir des difficultés dans la dilatation et/ou l'expulsion.
IV. Dystocie
La dystocie traduit un travail difficile ou entravé allant de la lenteur de la dilatation du col ou de la descente du fœtus au blocage des épaules après dégagement de la tête (dystocie des épaules ce qui est une urgence obstétricale).
Autrement dit, la dystocie du travail désigne une anomalie de la progression du travail pendant la phase de latence du premier stade du travail (dilatation du col de 0 jusqu'à 5 centimètres) ou la phase active de celui-ci (dilatation du col à compter de 5 jusqu'à 10 centimètres) ou pendant le second stade du travail (de la dilatation complète jusqu'à la naissance).
Le travail prolongé augmente le risque de infection maternelle et néonatale, d'asphyxie fœtale, de rupture utérine et d'hémorragie post-partum.
Or, les anomalies de la progression du travail d'accouchement sont la cause la plus fréquente de la césarienne.
V. Rythme cardiaque fœtal
La dystocie augmente le risque fœtal par exemple en raison d'une anoxie.
Les ralentissements profonds et répétés accompagnés d'une perte des accélérations, une tachycardie et une diminution de la variabilité est de mauvais pronostic et nécessite une extraction fœtale sans délai.
Malheureusement, la variabilité est souvent conservée même à un pH inférieur à 7 ou un déficit de base supérieur à 12 mmol/L.
Par exemple, une étude souvent citée de Williams et Gallerneau en 2003 a trouvé pour un déficit de base supérieur à 12 mmol/L, 15 enfants à naître avaient une variabilité réduite mais 21 avaient une variabilité normale.
Lorsque le seuil du pH est fixé à 7,10 une étude de Cahill et collègues à montré que 16 enfants à naître avaient une variabilité réduite mais 46 avaient une variabilité normale donc la variabilité était le plus souvent conservée lorsque ledit seuil est atteint.
Ce seuil de 7,10 est important cliniquement pour intervenir car lorsque celui de 7 est atteint le risque d'encéphalopathie anoxo-ischémique est déjà important.
Quoi qu'il en soit les recommandations pour la pratique clinique du Collège national des gynécologues obstétriciens français préconisent la classification suivante selon le risque d'acidose fœtal :
Anomalies à risque d’acidose nécessitant une action correctrice et en cas de persistance un moyen de surveillance de deuxième ligne :
- la tachycardie supérieur à 180 bpm isolée - la bradycardie entre 90-100 bpm isolée - une variabilité minime (moins ou égale à 5 bpm) plus de 40 minutes - une variabilité marquée (supérieur à 25 bpm) - des ralentissements variables atypiques et/ou sévères - des ralentissements tardifs non répétés - des ralentissements prolongés de plus de 3 minutes
Ces anomalies sont d’autant plus suspectes d’acidose qu’il existe des éléments non rassurants : perte des accélérations, variabilité 5 battements par minute, associations de plusieurs anomalies, persistance des anomalies inférieure, aggravation des ralentissements (amplitude, atypies).
Anomalies à risque important d’acidose nécessitant une surveillance de seconde ligne si elle peut être entreprise sans délai, sinon extraction rapide :
- Variabilité minime (moins ou égale à 5 bpm) ou absente inexpliquée plus de 60 à 90 minutes - Rythme sinusoïdal vrai de plus de 10 minutes (rare) - Ralentissements tardifs répétés ou ralentissements prolongés répétés ou ralentissements variables répétés et accélérations absentes - Ralentissements tardifs répétés ou ralentissements prolongés répétés ou ralentissements variables répétés et variabilité minime (moins ou égale à 5 bpm)
Anomalies à risque majeur d’acidose nécessitant une extraction immédiate :
- Bradycardie persistante et variabilité absente - Bradycardie sévère subite (moins de 90 battements par minute) - Tachycardie progressive, variabilité minime, perte des accélérations, puis ralentissements - des ralentissements tardifs répétés et variabilité absente - des ralentissements variables répétés et variabilité absente - des ralentissements prolongés répétés et variabilité absente.
VI. Hypothermie thérapeutique :
Selon des critères bien définis qui montrent un risque élevé d'anoxie fœtale, le nouveau-né pourra bénéficier d'un traitement par hypothermie thérapeutique contrôlée.
De nombreuses études ont prouvé le bénéfice qu'apporte une hypothermie précoce après une anoxo-ischémie périnatale du nouveau-né à terme.
Pour repérer en salle de naissance de l'enfant né à terme qui doit bénéficier de l'hypothermie thérapeutique contrôlée, les critères suivants sont souvent utilisés :
1) la survenue d’un évènement sentinelle tel qu'un hématome rétroplacentaire ou un prolapsus du cordon, etc.) ou des altérations du rythme cardiaque fœtal à risque important ou majeur d’acidose
2) score d’Apgar moins ou égale à 5 à 10 minutes de vie ou sinon la nécessité d’une intubation ou ventilation au masque poursuivie à 10 minutes de vie ou sinon un pH à 7.00 à la naissance ou réalisé dans les 60 minutes de vie ou sinon un déficit de base supérieur à 16 mmol/L ou sinon des lactates supérieur à 11 mmol/L.
Le score d’Apgar est coté de 0 à 10 selon 5 paramètres :
0 | 1 | 2 | |
Fréquence cardiaque | <80 | 80 à 100 | >100 |
Respiration | absente | lente, irrégulière | cri |
Tonus | hypotonie | légère flexion extremités | normal |
Réactivité | nulle | grimace | vive |
Coloration |
cyanose / pâleur |
imparfaite | rose |
3) une encéphalopathie clinique modérée ou sévère
Il convient de rappeler que l’hypothermie doit être débutée avant la sixième heure de vie.
VII. Demande de dossiers d'accouchement et de réanimation néonatale
Notre cabinet d'avocat a défendu plusieurs victimes d'anoxie suite à une dystocie.
La première démarche de la famille de la victime d'une infirmité motrice cérébrale / paralysie cérébrale est de demander une copie du dossier d'accouchement par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à Madame ou Monsieur le Directeur de l'établissement de santé en question.
Il faut aussi demander une copie du dossier du service de réanimation néonatale et du service de néonatologie.
La victime peut trouver une lettre type de demande du dossier d'accouchement à cette page de notre site internet :
Dimitri PHILOPOULOS
Avocat à la Cour de Paris et Docteur en Médecine
22 avenue de l'Observatoire - 75014 PARIS
Site internet : https://dimitriphilopoulos.com
Tél : 01.46.72.37.80
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