Evolutions introduites par la loi Kasbarian et difficultés d'application

Par la loi dite "Kasbarian", le législateur a modifié les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 régissant la résiliation. Les dispositions de l'article 10 de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 modifient le délai minimal imparti au locataire pour s'acquitter de sa dette après la délivrance d'un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au bail prévu par l'article 24, alinéa 1, et 1°, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989. Antérieurement de deux mois, ce délai a été réduit à six semaines.

La Cour de cassation a été saisie pour avis concernant l'application de cette évolution aux baux en cours, c'est-à-dire aux contrats conclus ou renouvelés avant l'entrée en vigueur de la loi Kasbarian.

Dans cette affaire, le bail d’habitation en question, signé en 2016, incluait une clause résolutoire avec un délai de deux mois pour apurer la dette locative, conformément à la législation en vigueur à cette époque. Après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi en juillet 2023, un commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré avec le nouveau délai de six semaines.

La question était donc posée de savoir si la loi applicable au moment du commandement de payer pouvait primer sur les clauses contractuelles adoptées par les parties sous l'empire de la loi antérieure. A cet égard, la loi Kasbarian est particulière puisqu'elle impose désormais de faire figurer dans les baux une clause résolutoire comportant ce délai de six semaines (Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, article 24).

 

Position de la Cour de cassation

La Cour est d'avis que dans les cas où le délai d'acquisition de la clause résolutoire a été contractuellement fixé (comme le contrat en question, qui stipulait un délai de deux mois), ce délai contractuel prévaut, car il respecte la loi en vigueur au moment de la conclusion du contrat. Les dispositions nouvelles n'ont pas pour effet de modifier les délais figurant dans les clauses contractuelles des baux en cours au jour de l'entrée en vigueur de la loi.

"7. Dans sa rédaction antérieure à la loi du 27 juillet 2023, l'article 24, alinéa 1er, et 1°, de la loi du 6 juillet 1989 disposait : « I.-Toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux. Le commandement de payer contient, à peine de nullité : 1° La mention que le locataire dispose d'un délai de deux mois pour payer sa dette (...) ».

8. Ce texte dispose désormais : « I. - Tout contrat de bail d'habitation contient une clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie. Cette clause ne produit effet que six semaines après un commandement de payer demeuré infructueux. Le commandement de payer contient, à peine de nullité : 1° La mention que le locataire dispose d'un délai de six semaines pour payer sa dette (...) ».

9. La loi du 27 juillet 2023 ne comprend pas de disposition dérogeant à l'article 2 du code civil, selon lequel la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif.

10. Dès lors, son article 10, en ce qu'il fixe désormais à six semaines le délai minimal accordé au locataire pour apurer sa dette, au terme duquel la clause résolutoire est acquise, ne s'applique pas immédiatement aux contrats en cours, qui demeurent régis par les stipulations des parties, telles qu'encadrées par la loi en vigueur au jour de la conclusion du bail, et ne peut avoir pour effet d'entraîner leur réfaction." (Cour de cassation, 13 juin 2024, pourvoi n° 24-70.002)

Ainsi, les commandements de payer doivent respecter le délai de deux mois stipulé dans le contrat original, malgré la nouvelle législation.

Autre précision intéressante, selon l'avis de l'avocat général, le délai légal d'acquisition de la clause résolutoire, lorsqu'il n'est pas spécifié contractuellement, relève des effets légaux du contrat. Par conséquent, ce délai est immédiatement applicable aux commandements délivrés après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi :

"En l’espèce, il nous semble peu discutable que le délai légal d’acquisition de la clause résolutoire et d’apurement de la dette locative prévu à l’article 24- Ipremier alinéa et à l’article 24 -I- 1° de la loi 89-462 du 6 juillet 1989 relève des effets légaux du contrat de bail, lorsque celui-ci ne comporte pas de prévision contractuelle sur ce point. Cette analyse implique que les commandements délivrés après l’entrée en vigueur de la loi nouvelle concernant les baux en cours à cette date mais conclus antérieurement, doivent respecter le nouveau délai de 6 semaines, en l’absence de prévisions contractuelles sur ce point." (Avis n° 15007 du 13 juin 2024 (B) – Troisième chambre civile, Demande n° 24-70.002).

 

Implications pratiques

En synthèse, le délai applicable et devant figurer au commandement de payer délivrés après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi est le délai de six semaines, sauf si un délai plus long est stipulé contractuellement.

 

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Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

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