Crim., 19 janv. 2022, n°20-84.287

Abandon de famille : précisions probatoires

Au sens de l'article 227-3 du code pénal, l'abandon de famille réprime le fait, pour une personne, de ne pas exécuter intégralement, pendant plus de deux mois, une décision judiciaire lui imposant de verser une contribution due, en raison d'une obligation familiale prévue par le code civil, à un enfant mineur, à un descendant, à un ascendant ou au conjoint.

A titre d'illustration, le non-paiement d'une pention alimentaire est donc constitutif d'un abandon de famille.

Ce délit - qui est puni de deux ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende, suppose : 

- l'existence d'une décision judiciaire imposant le versement (au profit d'un enfant mineur, d'un descendant, d'un ascendant ou du conjoint) d'une pension, d'une contribution, des subsides ou des prestations de toute nature dues en raison de l'une des obligations familiales prévues par le code civil ;

(v. not., Crim., 14 fév. 1984, n°82-91.119 : pour une illustration de cassation en cas d'absence de décision exécutoire  ; v égal., Crim., 7 sept. 2016, n°14-82.076 : pour le cas où la juridiction des affaires familiales ordonne le paiement de la prestation compensatoire sous forme de versements périodiques pendant une période déterminée, le délit d'abandon de famille ne pouvant être constitué pour les défauts de paiement postérieurs à cette période) ;

- la non-exécution de cette obligation durant deux mois révolus - étant précisé que le paiement ultérieur de la dette laisse subsister l'infraction (Crim., 23 mars 1981, n°74-94.340) et que le non-paiement, fût-il partiel, suffit à caractériser l'élément matériel du délit (Crim., 26 oct. 2005, n°05-81.053) ;

- un non-paiement intentionnel (v. not., Crim., 28 juin 1995, n°94-84.811) - ce qui exclut du domaine infractionnel l'incapacité matérielle de paiement résultant d'une impossibilité financière absolue.

Au cas de l'espèce, la Cour de cassation vient rappeler :

- d'une part, que la partie poursuivante doit rapporter la preuve que le prévenu est demeuré, plus de deux mois, sans payer la somme ainsi mise à sa charge, et qu'il connaissait cette obligation ;

- d'autre part, que le prévenu qui se prévaut d'une impossibilité absolue de payer doit en rapporter la preuve.

Or, si le prévenu avait établi la réalité d'une situation financière actuelle très dégradée, il n'avait pas justifié son impécuniosité totale aux périodes précisément visées par la poursuite : sa condamnation apparaissait dès lors manifestement bien-fondée.

https://www.courdecassation.fr/decision/61e7b7dba41da869de68a250