Une société propriétaire de locaux commerciaux a délivré un congé avec offre de renouvellement le 28 septembre 2009 pour le 31 mars 2010 (le bail se poursuivait par tacite prolongation).
Le 6 mars 2012, le bailleur a signifié un nouveau congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction.
Le 20 juillet 2012, le bailleur a assigné son locataire en expulsion et lui déniant l’application du statut des baux commerciaux pour défaut d’immatriculation à la date du congé et à sa date d’effet.
Dans un premier temps, la Cour d’Appel de Paris a estimé que l’action en dénégation du droit au statut des baux commerciaux devait être déclarée prescrite sur le fondement de l’article L.145-60 du Code de Commerce car plus de deux ans s’étaient écoulés à compter de la date d’effet du congé, la condition d’immatriculation devant s’apprécier à cette date.
La Cour d’Appel de Paris a estimé que le premier congé avec offre de renouvellement était à effet au 31mars 2012 ; dès lors, le bailleur ne pouvait engager une action en dénégation du statut des baux commerciaux à la date du 20 juillet 2012, plus de deux ans s’étant écoulés et la prescription étant acquise à la date du 31 mars 2012.
Par arrêt du 7 septembre 2017, la Cour de Cassation considère au contraire que le bailleur qui a offert le paiement d’une indemnité d’éviction après avoir exercé son droit d’option peut dénier au locataire le droit au statut des baux commerciaux tant qu’une décision définitive n’a pas été rendue sur la fixation de l’indemnité d’éviction.
La Cour d’Appel de Paris dans son arrêt infirmatif avait estimé que le locataire avait droit au paiement d’une indemnité d’éviction.
Le locataire avait en effet soutenu que son bail avait été définitivement renouvelé par l’effet du congé qui lui a été signifié le 29 septembre 2009 à effet au 31 mars 2010 de sorte que l’action en dénégation du droit au bénéfice du statut exercée plus de deux ans après la date du renouvellement était prescrite.
Le locataire faisait également valoir que le second congé refusant le renouvellement délivré le 6 mars 2012 était donc nul et de nul effet.
Dans cette affaire, le bailleur a changé par trois fois d’avis :
- Dans un premier temps, il a offert le renouvellement pour le 31 mars 2010.
- Lors d’un second temps, il a signifié un congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction.
- Dans un troisième temps, il a assigné son locataire en expulsion et en lui déniant l’application du statut des baux commerciaux, c’est-à-dire en lui refusant toute indemnité d’éviction pour défaut d’immatriculation à la date du congé et à sa date d’effet.
Cette situation juridique paraît pour le moins curieuse, mais en réalité elle ne l’est pas.
Il s’agit purement et simplement que de l’application du principe du droit d’option qui est parfois mal apprécié ou méconnu et dont les conséquences peuvent être dramatiques.
Il convient de rappeler que le bailleur peut toujours invoquer une cause d’inapplicabilité du statut des baux commerciaux. Il a ainsi une faculté de rétractation s’il établit que la location n’entre pas dans le champ d’application du statut pour quelques motifs que ce soient.
Ce refus du bailleur peut être signifié dès la délivrance du congé ou en réponse à la demande de renouvellement du locataire.
Il peut aussi être signifié après le congé, même après l’acceptation du principe du renouvellement ou après une offre de paiement d’une indemnité d’éviction.
Il a toujours été admis que la dénégation du statut pouvait être invoquée à tout moment de la procédure de renouvellement et notamment pour la première fois en appel.
La seule limite est que la dénégation du statut ne peut pas être invoquée pour la première fois en cassation (Cass. Com. 26 avril 1963).
Il a toujours été admis par la doctrine que le bailleur pouvait revenir sur son offre jusqu’à l’expiration du délai de l’article L.145-57 alinéa 2 du Code de Commerce prévu pour l’exercice du droit d’option (Cour de Cassation 3ème 31 octobre 1989 n°88-12.212).
Le bailleur peut donc user de son droit de refuser le renouvellement du bail après l’avoir offert, en offrant le paiement d’une indemnité d’éviction dans le délai de deux ans de l’action en fixation du loyer, la faculté d’exercer ce droit est ouverte durant l’instance en fixation judiciaire du loyer de renouvellement et même en l’absence d’une telle instance.
Toutes les actions exercées en vertu du chapitre V du titre IV du livre 1er du Code de Commerce se prescrivent par deux ans.
Or, le bailleur peut exercer son droit d’option et dénier au locataire le droit au statut des baux commerciaux tant qu’une décision définitive n’a pas été rendue sur la fixation de l’indemnité d’éviction.
Cela veut dire que dès lors qu’il a fait délivrer le 6 mars 2012 un acte intitulé congé refusant le renouvellement du bail mais offrant de payer une indemnité d’éviction, tant que celle-ci n’était pas fixée, le bailleur pouvait utiliser la faculté prévue à l’article L.147-57 du Code de Commerce lui permettant d’exercer son droit d’option, c’est à dire soit d’offrir le renouvellement pur et simple soit de refuser et de dénier le droit au statut des baux commerciaux de son locataire.
L’attention des praticiens doit être attirée sur la précarité de la situation du locataire et du bailleur tant qu’une instance en fixation de loyer est possible ou a été lancée et dans l’hypothèse où une procédure en fixation d’une indemnité d’éviction est également susceptible d’être engagée, c’est-à-dire qu’à chaque fois qu’on se retrouve dans le délai de deux ans prévu par l’article L.145-60 du Code de commerce pour engager soit une action en fixation du nouveau loyer du bail, soit une action en fixation d’une indemnité d’éviction.
Il faut donc être conscient de la précarité et de la fragilité des relations contractuelles durant ce laps de temps.
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