Il est rare que les actions en contrefaçon de droit d’auteur portant sur des photographies soient portées devant le juge pénal. Dans l’affaire jugée par la Cour d’appel de Rennes, un photographe a saisi le Tribunal correctionnel par citation directe d’une mairie à laquelle il reprochait d’avoir utilisé ses photographies sans son autorisation sur le site Internet de la ville.

 

Cette affaire est l’occasion d’évaluer si la jurisprudence pénale est plus souple que la jurisprudence civile dans l’appréciation du critère d’originalité des photographies.

 

  1. Rappel des principes par la Cour d’appel

 

La Cour rappelle assez longuement les principes applicables en matière d’originalité des photographies :

« La notion d’originalité est une notion essentiellement jurisprudentielle en droit interne, puisque seul l’article L 112-4 du code de la propriété intellectuelle y fait référence au titre de la protection du titre d’une œuvre de l’esprit. La directive 2006/116/CE du Parlement européen et du conseil du 12 décembre 2006 relative à la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins, énonce en son 16° considérant qu’une œuvre photographique au sens de la Convention de Berne doit être considérée comme originale si elle est une création intellectuelle de l’auteur qui reflète sa personnalité, sans que d’autres critères, tels que la valeur ou la destination, ne soit prise en compte.

S’agissant de la question de savoir si les photographies réalistes, notamment les photographies de portraits, bénéficient de la protection du droit d’auteur en vertu de l’article six de la directive 93/98, la CJUE dans un arrêt de principe du 16 juillet 2009, a jugé que le droit d’auteur n’est susceptible de s’appliquer que par rapport à un objet, telle une photographie, qui est original en ce sens qu’il est une création intellectuelle propre à son auteur.

Il est nécessaire que l’auteur ait exprimé ses capacités créatives lors de la réalisation de l’œuvre en effectuant des choix libres et créatifs ; il doit s’agir d’une création intellectuelle de l’auteur reflétant la personnalité de ce dernier.

La jurisprudence nationale en matière d’originalité de l’œuvre photographique, retient que l’originalité pourra apparaître parle choix de la pose du sujet, par angle de prise de vue et l’éclairage, de la position, de l’expression des couleurs, ou la singularité de la mise en scène créée par le choix du lieu et des accessoires qui, librement opérés, traduisent, au-delà du savoir-faire d’un professionnel de la photographie une démarche propre à son auteur qui porte l’empreinte de la personnalité de celui-ci.

En ce sens, la stricte fidélité au modèle est incompatible avec l’originalité puisqu’elle n’imprime pas la marque suffisante de l’auteur. La réalisation sous la contrainte exclue également l’originalité si l’auteur n’a pas pu suffisamment exprimer sa personnalité au regard des contraintes extérieures. La forme banale d’une œuvre est encore exclue de la protection car n’exprimant pas la personnalité de son auteur. inversement, est originale, une œuvre qui exprime les choix arbitraires de son auteur, et qui relève d’une mise en scène, pas uniquement liés par la contrainte et qui exprime sa personnalité.

L’originalité d’une œuvre photographique s’apprécie tant par son aspect général que par son aspect particulier. »

 

2.      Refus de protection des photographies d’actualité

 

La Cour refuse la protection pour toute une série de photographies :

  • S’agissant de photographies d’un concours de jumping, la Cour relève que « l’angle de vue des photographies équestres est assez commun, peut se retrouver dans n’importe quel reportage photographique de concours équestre, que B H est de surcroît pour partie soumis à la contrainte des lieux, n’ayant pas toute latitude pour choisir sa prise de vue et son positionnement au regard de l’activité photographiée, et des contraintes liées à la délimitation de la zone d’évolution des cavaliers et de leur monture. Il n’existe pas de mise en scène de l’auteur, celui-ci ne faisant que suivre le déroulé de la manifestation équestre ».

 

  • Les photographies de cavaliers avec la maire de la ville sont jugées également non-originales : « là encore l’angle de vue de ces deux photographies est des plus commun, de même que la pose des protagonistes, l’expression de leur visage et le rendu des couleurs ; il n’existe pas de mise en scène particulière, la seule apparition d’un parasol dans l’image avec un fonds de foule correspondant en tout état de cause tout simplement à la configuration des lieux, ne saurait en tenir lieu »

 

  • Il en est de même pour des photographies d’un festival de musique : « l’angle de vue de ces photographies ne relève en rien d’un parti pris de l’auteur laissant transparaître la personnalité de l’auteur de l’œuvre, en faisant poser les personnages photographies, ou en les prenant sur le vif, avec la mer en arrière-fond, ou sur la terrasse du grand hôtel de A, ou encore à côté d’un piano, ou assis derrière une table à l’issue d’une conférence de presse ou encore à échanger entre eux devant le bar du grand hôtel ou à l’extérieur sur la terrasse de la villa X»

 

En conclusion, à l’aune de cet arrêt, la jurisprudence répressive semble conforme à la jurisprudence civile rendant très compliquée la preuve de l’originalité. La voie pénale n’est donc pas plus favorable aux actions en contrefaçon de droit d’auteur sur les photographies que la voie civile.