QPC et droit au logement

 

 

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

COUR DE CASSATION



SG


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 30 mars 2023




RENVOI


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 330 FS-B

Pourvoi n° K 22-21.763







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 MARS 2023

Par mémoire spécial présenté le 30 janvier 2023, M. [U] [T] [R] [W] et Mme [J] [D] [A] [E], épouse [T] [R] [W], domiciliés [Adresse 2], ont formulé une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° K 22-21.763 qu'ils ont formé contre l'arrêt rendu le 21 juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 4), dans une instance les opposant :

1°/ à Mme [O] [H],

2°/ à M. [X] [M] [N] [K],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Grall, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. et Mme [T] [R] [W], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [H] et de M. [M] [N] [K], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Grall, conseiller rapporteur, Mme Andrich, faisant fonction de doyen, MM. Echappé, David, Jobert, Mme Grandjean, M. Bosse-Platière, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, M. Pons, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,

La troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Propriétaires d'un logement donné à bail en 2012 à M. [M] [N] [K] et Mme [H] (les locataires), M. et Mme [T] [R] [W] (les bailleurs) leur ont délivré, le 20 décembre 2017, un congé aux fins de reprise pour habiter, sans leur proposer un logement correspondant à leurs besoins et à leurs possibilités, dans les limites géographiques déterminées à l'article 13 bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948.

2. Les bailleurs ont assigné les locataires en validation de ce congé et en expulsion.

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

3. A l'occasion du pourvoi qu'ils ont formé contre l'arrêt rendu le 21 juin 2022 par la cour d'appel de Paris, les bailleurs ont, par mémoire distinct et motivé, demandé le renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité suivante :

« L'article 15, III, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, en ce qu'il impose au
bailleur personne physique qui justifie d'un motif légitime de reprendre son bien pour l'habiter, de proposer à son locataire âgé de plus de 65 ans et ne disposant que de faibles revenus, un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités dans des limites géographiques déterminées, porte-t-il au droit de propriété consacré à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi, compte tenu de l'impossibilité pour le bailleur, lorsque le bail est ancien et que le logement se situe dans une zone où les loyers sont excessivement élevés, de proposer un tel logement, faute qu'il s'en trouve sur le marché locatif privé ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

4. La disposition contestée est applicable au litige qui porte sur la validité d'un congé.

5. En ce qu'elle détermine les limites géographiques de l'offre de relogement, elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

6. La question présente un caractère sérieux.

7. En premier lieu, la disposition contestée en ce qu'elle impose au bailleur, qui entend s'opposer au renouvellement du bail, en délivrant congé à un locataire âgé de plus de soixante-cinq ans et dont les ressources annuelles sont inférieures à un plafond, de lui proposer un relogement correspondant à ses besoins et à ses possibilités, dans un périmètre géographique strictement défini, porte atteinte aux conditions d'exercice du droit de propriété du bailleur.

8. En second lieu, cette atteinte pourrait être considérée comme disproportionnée, dès lors que l'état du marché locatif dans le secteur concerné est susceptible de rendre impossible la soumission par le bailleur, personne privée, d'une offre de relogement correspondant aux possibilités de locataires dont les ressources sont inférieures au plafond pour l'attribution de logements locatifs conventionnés.

9. En conséquence, il y a lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.