Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 7 novembre 2019
N° de pourvoi: 18-19.027

Non publié au bulletin Cassation partielle

M. Chauvin (président), président
SCP Alain Bénabent , SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Boulloche, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP L. Poulet-Odent, SCP Le Bret-Desaché, SCP Marlange et de La Burgade, avocat(s)

 


 

Texte intégral


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Allianz IARD du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Lavalin, la société Ilot Kléber, la société F... et N... & associés, la MAF, la société Sefi Intrafor, la société C... bâtiment Nord Est, les héritiers et représentants de L... J... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 avril 2018), que la société civile immobilière I..., aux droits de laquelle vient la société C... immobilier, a fait construire un bâtiment à usage de centre commercial sur une ancienne darse remblayée en scories au moyen de pieux de fondation et une dalle en béton armé coulée sur terre plein ; qu'une police d'assurance de responsabilité civile professionnelle du promoteur et une police unique de chantier ont été souscrites auprès de la société AGF, devenue Allianz IARD (la société Allianz) ; que la société Norpac, entreprise générale chargée de l'exécution des travaux tous corps d'état, aux droits de laquelle vient la société C... bâtiment Nord Est, assurée auprès de la SMABTP et au titre de la police unique de chantier, a confié la réalisation d'études géotechniques à la société Simecsol, devenue Arcadis ESG (la société Arcadis), assurée auprès de la société Axa France IARD (la société Axa) ; qu'est intervenue la société Pingat ingénierie (la société Pingat), aux droits de laquelle vient la société Lavalin international, assurée auprès de la société Gan eurocourtage (la société Gan), aux droits de laquelle vient la société Allianz, et au titre de la police unique de chantier, en qualité de bureau d'étude et de sous-traitant de la société Norpac ; que la société Soletanche Bachy, devenue la société Soletanche Bachy pieux (la société Soletanche), assurée pour sa responsabilité civile auprès de la SMABTP et au titre de la police unique de chantier, a, en qualité de sous-traitante de la société Norpac, exécuté le forage des pieux du bâtiment ; que les maîtrises d'oeuvre de conception et d'exécution ont été confiées respectivement à la société F... et N... architectes associés, assurée auprès de la MAF et au titre de la police unique de chantier, et à L... J..., décédé, ingénieur conseil, assuré auprès de la SMABTP et au titre de la police unique de chantier ; que la société Socotec, assurée auprès de la SMABTP, est intervenue en qualité de contrôleur technique ; que les travaux ont été réceptionnés le 22 novembre 1999 ; que, se plaignant de déformations et de fissurations de la structure de la galerie marchande, la société Marine de Dunkerque, devenue propriétaire de l'ouvrage, et à laquelle est substituée la société Ilot Kleber, a adressé une déclaration de sinistre à la société Allianz qui a préfinancé les travaux réparatoires ; que la société Allianz a, après expertise, assigné plusieurs constructeurs et assureurs en remboursement de sommes et en garantie ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :

Attendu que la société Allianz fait grief à l'arrêt de rejeter son recours contre la société Arcadis et de mettre hors de cause la société Axa ;

Mais attendu qu'ayant retenu qu'en l'état des connaissances techniques, à la date de réalisation des travaux, la société Arcadis ne pouvait pas prévoir que le forage des pieux déclencherait un important potentiel de gonflement des grains de scories par la rupture de leurs gangues sur un terrain stabilisé et qu'il ne peut pas lui être reproché de ne pas avoir fait procéder à l'analyse de l'état réel des scories avant l'exécution du forage des pieux de fondation, la société Allianz ne démontrant pas que celle-ci aurait le cas échéant pu permettre de détecter le gonflement à venir des scories, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le moyen unique du pourvoi provoqué éventuel, ci-après annexé :

Attendu que la société Socotec fait grief à l'arrêt de la condamner sur le fondement de l'article 1792 du code civil à payer à la société Allianz, subrogée en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage dans les droits du maître d'ouvrage, diverses sommes au titre de la réparation des dommages ;

Mais attendu qu'ayant retenu que les dommages compromettaient la solidité de l'ouvrage et que la mission de la société Socotec avait porté sur la solidité des ouvrages et des éléments d'équipement dissociables et indissociables, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes et en a déduit à bon droit qu'elle était tenue de la garantie décennale, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal :

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

Attendu que, pour condamner la société Soletanche, assurée auprès de la société Allianz, à garantir la société Socotec, l'arrêt retient que le sinistre, constitué par le soulèvement des pieux de fondation et de la dalle du rez-de-chaussée, résulte d'une erreur d'appréciation des risques de gonflement des scories qui n'a pu être anticipée par les locateurs d'ouvrage en l'état des connaissances techniques à l'époque des travaux, que même, si elle n'a commis aucun manquement aux règles de construction, la société Soletanche, qui a réalisé le forage des pieux ayant déclenché le phénomène de gonflement des scories à l'origine du sinistre, est directement responsable du sinistre et engage sa responsabilité quasi délictuelle à l'égard du maître d'ouvrage et des autres intervenants aux travaux ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la faute délictuelle de la société Soletanche, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen du pourvoi principal :

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

Attendu que, pour condamner la société Soletanche, assurée auprès de la société Allianz, à garantir la société Socotec, l'arrêt retient que le sinistre, constitué par le soulèvement des pieux de fondation et de la dalle du rez-de-chaussée, résulte d'une erreur d'appréciation des risques de gonflement des scories qui n'a pu être anticipée par les locateurs d'ouvrage en l'état des connaissances techniques à l'époque des travaux, que même, si elle n'a commis aucun manquement aux règles de construction, la société Soletanche, qui a réalisé le forage des pieux ayant déclenché le phénomène de gonflement des scories à l'origine du sinistre, est directement responsable du sinistre et engage sa responsabilité quasi délictuelle à l'égard du maître d'ouvrage et des autres intervenants aux travaux, et que la société Socotec est bien fondée à exercer un recours contre la société Soletanche comme étant par sa seule faute à l'origine du sinistre ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le contrôleur technique, en l'état des connaissances techniques existant à l'époque de son intervention, n'aurait pas dû s'interroger sur l'évolution des remblais de scories, procéder à des prélèvements de celles-ci et tester en laboratoire leur potentiel de gonflement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Soletanche Bachy Pieux, venant aux droits de la société Soletanche, garantie par la société Allianz au titre de la PUC, à relever la société Socotec, garantie par la SMABTP, des condamnations prononcées à son encontre, et rejette le recours de la société Allianz, assureur de la société Soletanche, contre la société Socotec et la SMABTP, l'arrêt rendu le 4 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Socotec et la SMABTP aux dépens des pourvois ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;