Cet arrêt est commenté par :

- M. LAPORTE, SJ G, 2013, p. 809.

- Mme HERSCOVICI, Mme HARDOUIN, Gaz. Pal., 2013, n° 160, p. 15.

- M. PERROT, Revue « PROCEDURES », 2013, n° 6, juin, p. 9.

Cour de cassation

chambre civile 1

Audience publique du mercredi 10 avril 2013

N° de pourvoi: 12-14.939

Publié au bulletin Irrecevabilité

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 15 novembre 2011), que la ville de Nancy, la Compagnie générale des eaux et l'Etat ont conclu, le 3 février 1987, une convention d'établissement et d'exploitation du réseau de vidéocommunications de Nancy ; qu'aux termes d'un avenant du 8 juillet 1990, conclu, en application de la convention précédente, entre la ville de Nancy, la SNC Compagnie générale de vidéocommunications et l'Etat, la ville de Nancy s'est engagée à mettre à la disposition de France Télécom un local lui appartenant en vue de l'installation d'un centre de distribution ; que, selon contrat du 14 octobre 1991 conclu entre la ville de Nancy et France Télécom, mentionné comme « exploitant public régi par la loi du 2 juillet 1990 », la première a mis à la disposition du second le local considéré ; qu'après avoir, par lettre du 10 novembre 2003, avisé France Télécom de la décision du conseil municipal de vendre l'immeuble abritant ce local et invité cet établissement « à se mettre en relation avec l'acquéreur... afin d'envisager les conditions de l'occupation du local », la ville de Nancy a, par actes des 30 décembre 2003 et 5-6 janvier 2004, vendu le dit immeuble à la SCI de Strasbourg, les actes précisant que le bien vendu ne faisait l'objet d'aucune location ou occupation quelconque ; que France Télécom, devenu société anonyme depuis 1996, interrogée par la SCI de Strasbourg sur la libération des lieux, lui ayant répondu qu'elle avait, en mars 2005, vendu le réseau cablé à la société Numéricable, la SCI a, par actes des 12 et 26 mars 2008, assigné les sociétés France Télécom et Numéricable pour voir constater que celle-ci était occupante sans droit ni titre du local litigieux, ordonner son expulsion et condamner l'une et l'autre au paiement d'indemnités d'occupation ; que, par ordonnance du 24 février 2009, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nancy a déclaré la juridiction judiciaire incompétente aux motifs que la convention du 3 février 1987 constituait un contrat administratif, relevant du juge administratif et dont l'avenant du 8 juillet 1990 ne pouvait être interprété de manière autonome ; que, le 10 mars 2009, la SCI de Strasbourg a formalisé à l'égard de la société NC Numéricable, étrangère au litige, un appel à l'encontre de cette ordonnance qui lui a été notifiée le 20 mars 2009 ; qu'elle a réitéré son appel, le 9 décembre 2009, à l'égard de la société Numéricable ; que, par ordonnance du 25 mars 2011, le conseiller de la mise en état a prononcé la nullité de la signification de l'ordonnance du juge de la mise en état délivrée le 20 mars 2009 à la SCI de Strasbourg à la requête de la société Numéricable, a déclaré recevable l'appel formé par la SCI de Strasbourg le 9 décembre 2009 à l'encontre de la société Numéricable, a déclaré irrecevable l'appel formé par la même SCI le 10 mars 2009 à l'encontre de la société NC Numéricable ; que, l'arrêt attaqué déclare recevable l'appel de la SCI de Strasbourg à l'encontre de la SAS Numéricable, infirme l'ordonnance du juge de la mise en état en date du 24 février 2009 et déclare le tribunal de grande instance de Nancy compétent pour connaître du litige ;

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches, du pourvoi principal en tant que dirigé contre l'ordonnance du conseiller de la mise en état :

Attendu que la société Numéricable SAS fait grief à l'ordonnance attaquée de prononcer la nullité de la signification de l'ordonnance du juge de la mise en état délivrée le 20 mars 2009 à la demande de la société Numéricable et en conséquence, de déclarer recevable l'appel formé par la SCI de Strasbourg le 9 décembre 2009 à l'encontre de la société Numéricable, alors, selon le moyen :

1°/ que l'erreur matérielle portant sur l'adresse de la partie qui fait signifier une décision de justice constitue un simple vice de forme qui n'entraîne la nullité de l'acte de signification que s'il cause un grief à son destinataire ; que ce dernier ne peut justifier d'un grief que s'il démontre que cette erreur l'a conduit à signifier l'acte de déclaration d'appel à une adresse erronée ; qu'en l'espèce, il résultait des constatations de l'arrêt attaqué que l'acte d'appel de la société SCI de Strasbourg formé contre une société tierce au litige (la société NC Numéricable à Champs-sur-Marne) était antérieur à l'acte de signification litigieux de la société Numéricable en date du 20 mars 2009 ; que la cour d'appel a encore relevé que le second acte de déclaration d'appel consécutif à cette signification avait bien été formé contre la société Numéricable, partie au litige, identifiée par son adresse exacte (à Champs-sur-Marne) ; qu'en affirmant que les indications erronées de l'acte de signification (portant sur l'adresse et la complète dénomination sociale) avaient causé un grief à la SCI de Strasbourg « en ce qu'elles ne lui ont pas permis d'identifier la société Numéricable (...) », lorsque l'acte d'appel consécutif à cette signification avait pourtant bien été formé contre la société Numéricable à Champs-sur-Marne, ce dont il résultait que l'erreur matérielle en cause n'avait causé aucun grief à la société appelante, la tardiveté du second recours étant entièrement imputable à la coupable carence de cette dernière, la cour d'appel a violé les articles 114 et 649 du code de procédure civile ;

2°/ que l'erreur dans l'acte de signification d'une décision de première instance qui porte sur l'adresse de son auteur ne cause pas de grief à son destinataire, dès lors que ce dernier a bien indiqué l'adresse exacte de son adversaire dans la déclaration d'appel ; qu'en l'espèce, il était constant que si le premier acte de déclaration d'appel avait été formé à tort contre une société tierce au litige (NC Numéricable), il mentionnait cependant bien l'adresse exacte de la société Numéricable, tout comme le second acte d'appel ; qu'en jugeant que l'erreur de l'acte de signification affectant exclusivement l'adresse de la société Numéricable avait causé un grief à la SCI de Strasbourg, lorsque cette dernière n'avait jamais commis d'erreur dans l'indication de l'adresse de son adversaire, la cour d'appel a violé les articles 114 et 649 du code de procédure civile ;

3°/ que la cour d'appel a admis que les derniers jeux de conclusions signifiés en première instance à la société SCI de Strasbourg reproduisaient bien l'adresse exacte de la société Numéricable ; qu'en retenant que l'ordonnance de la mise en état mentionnait cependant également une adresse erronée, pour en déduire que le vice de forme affectant l'acte de signification litigieux avait bien causé un grief à la société SCI de Strasbourg, lorsque cette dernière ne pouvait ignorer, eu égard aux dernières conclusions échangées, que l'adresse de la société Numéricable était située à Champs-sur-Marne et qu'elle était en tout état de cause en mesure de vérifier cette adresse par quelques diligences sommaires, au besoin par la consultation du K-BIS qui comportait toutes les indications nécessaires, la cour d'appel a violé les articles 114 et 649 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte de la combinaison des dispositions des articles 914, alinéa 2, et 916, alinéa 2, du code de procédure civile, en leur rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 2011, que les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ont autorité de chose jugée au principal et, en ce cas, peuvent être déférées par simple requête à la cour d'appel dans les quinze jours de leur date ; que l'ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 25 mars 2011, qui statue sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel formée par la SCI de Strasbourg et est revêtue de l'autorité de la chose jugée, est devenue irrévocable ; que, dès lors, le pourvoi, fût-il formé avec celui dirigé contre l'arrêt au fond, est irrecevable ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches, du pourvoi principal en tant que dirigé contre l'arrêt du 15 novembre 2011, tel que reproduit en annexe :

Attendu que l'irrecevabilité du pourvoi principal dirigé contre l'ordonnance du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel formé par la SCI de Strasbourg en raison du caractère irrévocable de cette décision ayant déclaré l'appel recevable, rend inopérant le moyen ;

Sur le second moyen, pris en ses cinq branches, du pourvoi principal et sur le moyen unique, pris en ses cinq branches, du pourvoi incident, tels que reproduits en annexe :

Attendu que la société Numéricable SAS et la société France Télécom font grief à l'arrêt d'infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nancy du 24 février 2009 en toutes ses dispositions et, en conséquence, de déclarer le tribunal de grande instance de Nancy compétent pour connaître du litige ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 25 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, applicable en la cause, les relations de La Poste et de France Télécom avec leur usagers, leurs fournisseurs et les tiers sont régies par le droit commun, et que les litiges auxquels elles donnent lieu sont portés devant les juridictions judiciaires, à l'exception de ceux qui relèvent, par leur nature, de la juridiction administrative ; qu'ayant écarté, à bon droit, l'existence d'un bail entre les parties et retenu que la procédure engagée par la SCI de Strasbourg visait l'expulsion d'un occupant sans droit ni titre et l'obtention d'une indemnité d'occupation, faisant ainsi ressortir que le litige, opposant une personne de droit privé, propriétaire actuel de l'immeuble où se trouve le local litigieux, à la société Numéricable, personne de droit privé, en raison de l'occupation par celle-ci du local considéré, ne relevait pas, par nature, de la juridiction administrative, l'occupante, fût-elle investie d'une mission de service public, n'exerçant aucune prérogative de puissance publique et le contrat de mise à disposition, qui ne nécessite aucune interprétation en contemplation de la convention initiale, dépourvu de toute clause exorbitante du droit commun, ne s'analysant pas en un contrat administratif, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi principal formé par la société NC Numéricable ;

DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi principal formé par la société Numéricable SAS en tant qu'il est dirigé contre l'ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 25 mars 2011 ;

REJETTE le pourvoi principal formé par la société Numéricable SAS, en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt du 15 novembre 2011, et le pourvoi incident formé par la société France Télécom ;

Condamne les sociétés Numéricable SAS et NC Numéricable SAS aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;